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Pêche à la crevette : un plus grand effort pour capturer les quotas alloués

La saison 2017 de pêche à la crevette dans le golfe du Saint-Laurent est marquée par des rendements significativement plus faibles qu’en 2016, année qui avait aussi été caractérisée par un plus grand effort de capture pour en arriver à des débarquements correspondant en 2015.

Les crevettiers de la Gaspésie et de la Côte-Nord parlent souvent de baisses de rendement variant entre 35 et 50% dans les deux zones où ils concentrent principalement leurs activités en 2017, à savoir Sept-Îles et Anticosti. Comme en 2016, la saison risque de s’étirer tard dans l’automne, jusqu’en novembre pour certains pêcheurs, soit d’un mois à un mois et demi plus tard qu’au cours d’une saison moyenne.

«Déjà en 2016, on avait observé une baisse des indices d’abondance, que ce soit dans la pêche commerciale ou dans le relevé scientifique. Cette année, on voit que cette tendance a suivi la même courbe, d’après ce qu’on entend des pêcheurs», précise Hugo Bourdages, biologiste à l’Institut Maurice-Lamontagne, de Mont-Joli.

Quand il a parlé à Pêche Impact, il revenait tout juste des relevés scientifiques réalisés à bord du navire de recherche Teleost, du ministère fédéral des Pêches et des Océans.

«Les données ne sont pas traitées encore. Ça prendra plusieurs semaines. J’entends (des pêcheurs) que la zone de Sept- Îles est plus difficile que la zone d’Anticosti. C’est le nord de l’île d’Anticosti qui donne les meilleurs résultats de capture», ajoute monsieur Bourdages.

Il n’est pas surpris des échos rapportés par les pêcheurs en 2017. «Ça fait deux ans qu’on dit que l’écosystème est en changement. L’eau se réchauffe. Le stock de sébaste est en augmentation significative. Si on prend ce sébaste, son alimentation varie en fonction de sa taille. Le petit, d’un à trois ans, se nourrit de zooplancton. Après trois ans, il cherche des proies plus grandes. Premièrement, il ira du côté de la crevette blanche […] À 10 centimètres de longueur, le sébaste commence à manger de la crevette nordique, mais ce n’est pas la proie qu’il privilégie», explique Hugo Bourdages.

Il signale que le sébaste est un poisson à croissance lente, atteignant une taille commerciale vers huit ans, et qu’à partir de l’âge de six ou sept ans, ce poisson «commence à introduire dans son alimentation plusieurs proies. Dans nos analyses de contenus stomacaux, nous avons trouvé des petits sébastes. Le grand sébaste mange du petit sébaste, qui est très abondant», note le biologiste.

Les profondeurs dans lesquelles évoluent la crevette nordique et le sébaste expliquent aussi pourquoi ce poisson ne peut être tenu largement responsable de la diminution du stock du crustacé.

«Il y a en fait deux espèces de sébastes dans le golfe et l’espèce la plus abondante se situe à des profondeurs de 250 à 300 mètres quand les poissons ont plus de trois ans. À six ans, ils se tiennent encore plus près du fond, donc à de plus grandes profondeurs. La crevette évolue davantage à une profondeur de 100 à 200 mètres. On en voit moins plus profondément […] Quand le sébaste atteint l’âge d’avoir la crevette nordique comme proie, les deux espèces n’évoluent pas nécessairement à la même profondeur», explique Hugo Bourdages.

Le relevé scientifique tient compte de toutes les profondeurs, fait-il aussi remarquer, «de 37 à 500 mètres, et on vise l’ensemble des espèces», dit-il.

«Il y a aussi un point positif, peut-être une mince consolation, mais les prises accidentelles de sébaste par les crevettiers ont occasionné moins de fermeture de quadrilatères de pêche cette année par rapport à la période 2013 à 2016», note-t-il.

Bref, la montée de la biomasse du sébaste est loin d’expliquer en totalité la décroissance des stocks de crevette nordique.

TROIS FACTEURS CONSIDÉRÉS

«On peut parler de trois facteurs pour expliquer la situation, un recrutement moyen, la prédation et le température de l’eau, qui se réchauffe», résume Hugo Bourdages.

«Le réchauffement des températures peut affecter des mécanismes caractérisant la crevette. L’impact peut être négatif pour certaines étapes, et il peut être positif pour certaines autres étapes. Ce qu’on observe, c’est une diminution de l’aire de distribution de la crevette», signale monsieur Bourdages.

Il rappelle que les stocks de crevette ont bénéficié de deux extraordinaires années de recrutement, en 1997 et en 1999, qui ont permis aux stocks «d’atteindre des sommets historiques. On était au sommet de la montagne. On ne peut rester indéfiniment à ce sommet», résume-t-il.

La crevette peut-elle avoir changé son parcours de migration, ce qui signifierait qu’elle est autant abondante, mais qu’elle se situe ailleurs?

«Nos relevés couvrent l’ensemble du golfe. Si elle était ailleurs, je serais capable d’aller voir. Les pêcheurs ont mis beaucoup d’efforts pour la trouver. Quand ça ne marche pas à un endroit, ils vont ailleurs. Un autre facteur à considérer cette année, c’est que la flottille a commencé plus tard, en mai au lieu d’avril (sept semaines plus tard que le début prévu du 1er avril). Historiquement, les rendements sont meilleurs en avril», précise Hugo Bourdages.

Il est possible qu’un problème de reproduction ou de taux de survie des larves explique la situation de la crevette.

«Ça pourrait être une question de succès de survie de nos larves. La survie des larves entre zéro et un an est de moyenne à faible. Avant, elle était de moyenne à élevée. Il faut considérer que pendant la période 2010-2013, le nombre de femelles était à son maximum historique», rappelle le biologiste.

Il a remarqué, avec des collègues, «que les crevettes sont plus concentrées maintenant, quand elles relâchent leurs larves. C’est un comportement observé».

Est-il inquiet de la situation actuelle? «On n’est pas rendu là. On va attendre d’analyser nos données et les données de pêche commerciale avant de conclure. Dans les deux cas, ces données ne sont pas traitées. Il faut aussi rappeler que contrairement à d’autres stocks atlantiques, les quatre stocks de crevette nordique (des zones de Sept-Îles, d’Anticosti, de l’Estuaire et d’Esquiman) étaient encore dans la zone saine de l’approche de précaution, avant la saison 2017. Même si on voyait une descente, on était encore dans la zone verte, dans la zone saine. Dans la zone 6, de Terre-Neuve-et-du-Labrador, ils étaient près de la zone critique», conclut monsieur Bourdages.

Le total des prises admissibles s’établit à 26 732 tonnes métriques en 2017, comparativement à 30 213 tonnes en 2016.

GASPÉ-NORD – page 3 – Volume 30,4 – Septembre-Octobre-Novembre 2017

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Gilles Gagné
Gilles Gagné, né à Matane, le 26 mars 1960. J'ai fait mes études universitaires à Ottawa où j'ai obtenu un baccalauréat avec spécialisation en économie et concentration en politique. À l'occasion d'une offre d'emploi d'été en 1983, j'ai travaillé pour Pêches et Océans Canada comme observateur sur deux bateaux basés à Newport, deux morutiers de 65 pieds. Le programme visait l'amélioration des conditions d'entreposage des produits marins dans les cales des bateaux et de leur traitement à l'usine. Cet emploi m'a ouvert des horizons qui me servent encore tous les jours aujourd'hui. En 1989, après avoir travaillé en tourisme et dans l'édition maritime à Québec, je suis revenu vivre en région côtière et rurale, d'abord comme journaliste à l'Acadie nouvelle à Campbellton. C'est à cet endroit que j'ai rédigé mes premiers textes pour Pêche Impact, à l'été 1992. Je connaissais déjà ce journal que je lisais depuis sa fondation. En octobre 1993, j'ai déménagé à Carleton, pour travailler à temps presque complet comme pigiste pour le Soleil. J'ai, du même coup, intensifié mes participations à Pêche Impact. Je travaille également en anglais, depuis près de 15 ans, pour l'hebdomadaire anglophone The Gaspé SPEC et je rédige l'éditorial du journal Graffici depuis 2007.
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