Des travaux sont en cours depuis septembre dernier, à l’Institut des sciences de la mer (ISMER) de l’Université du Québec à Rimouski (UQAR), pour aider à prévoir l’abondance du flétan atlantique dans le golfe du Saint-Laurent. Le professeur-chercheur Dominique Robert explique que ce poisson de fond a été le grand absent du suivi scientifique des différentes espèces, lancé par le ministère des Pêches et des Océans (MPO) dans les années 1970-1980, parce qu’il avait été surexploité au début du siècle et ne représentait pas d’intérêt pour une pêcherie commerciale.
Or, on note le retour en force du flétan atlantique depuis une dizaine d’années, probablement à cause du réchauffement de l’eau, explique le titulaire de la Chaire de recherche du Canada en écologie halieutique. «Là, on commence à en voir les effets, vraiment, de façon assez spectaculaire, dit-il. Les stocks d’espèces d’eau froide, comme la crevette nordique et le flétan du Groenland (turbot), sont en déclin. Et puis, certaines espèces d’eau chaude comme le flétan atlantique et le sébaste en ont profité.»
Étant donnée la grande taille du flétan atlantique, le MPO mène les relevés d’abondance en collaboration avec les pêcheurs de palangres, plutôt que par des traits au chalut. Les travaux de l’ISMER-UQAR visent à aider le Ministère à cibler les stations de ces relevés d’échantillonnage, grâce à un marquage des poissons avec des étiquettes satellites qui permettent de mieux en comprendre l’écologie migratoire. «Pour faire le relevé, il faut en apprendre plus sur sa distribution, sur ses mouvements au cours de l’année. On ne connaît pas non plus ses zones de ponte. Donc, c’est dans cette optique-là que mon équipe déploie des étiquettes satellites», précise Dominique Robert.
Ainsi, afin de cerner la réaction du flétan à son environnement, les étiquettes intelligentes enregistrent la profondeur de ses déplacements et la température de l’eau. Il faudra au moins cinq ans de suivi pour déterminer les mécanismes qui affectent les fluctuations de sa biomasse.
Mais les pêcheurs sont plus pressés que cela. Une majorité de Québécois et de Terre-Neuviens détenteurs de permis de pêche au flétan atlantique revendique une hausse de 25 % du contingent 2018 du golfe du Saint-Laurent. C’est ce qui ressort de la réunion annuelle du comité consultatif du poisson de fond, qui s’est tenue par conférence téléphonique le vendredi 6 avril.
Le capitaine du Biock de L’Étang-du-Nord, Ghislain Cyr, membre du Regroupement des palangriers et pétoncliers uniques des Îles (RPPUM), affirme que la croissance des prises par unité d’effort pourrait même justifier une augmentation de 50 % du quota. «50 %, pour la plupart des gens qui sont vraiment dans le flétan – Terre-Neuve et le Québec – on disait, bien, au fond, si on augmente trop d’un coup, c’est le prix du marché qui va diminuer. Ça fait qu’on est aussi bien d’y aller graduellement.»
Cependant, les pêcheurs de flétan atlantique du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse et de l’Île-du-Prince-Édouard s’opposent à la hausse du quota global, à moins que leur part d’accès à la ressource n’augmente en conséquence. «À tous les ans, c’est la même chose, affirme M. Cyr. Ça fait deux, trois fois qu’ils demandent le statuquo parce qu’ils disent qu’ils n’ont pas leur part; qu’on devrait repartager. Bref, ils s’opposent juste par frustration.»
Le plan de gestion du flétan atlantique devrait être annoncé d’ici la mi-mai. L’an dernier, les pêcheurs madelinots, qui détenaient un contingent de 88 tonnes, ont obtenu un prix à quai variant entre 4,50 $ et 5 $ la livre.
LES POISSONS DE FOND – page 17 – Volume 31,2 – Avril-Mai 2018