Les crabiers traditionnels des Îles-de-la-Madeleine de la grande zone 12 du sud du golfe qualifient de difficile leur saison de pêche 2018. Selon les données préliminaires du ministère des Pêches et des Océans, le quota global était capturé à 95 % au milieu de la huitième semaine de pêche, soit le 27 juin.
Bien que leurs fonds de pêche traditionnels autour de l’archipel n’aient pas été affectés par les fermetures de zones pour protéger les baleines noires menacées de disparition, les Madelinots se sont trouvés envahis par leurs confrères gaspésiens et néo-brunswickois qui, eux, étaient privés des leurs. Le capitaine du SANBRENDORE, Eudore Aucoin, de Fatima, n’avait jamais vu autant de trafic sur l’eau en 28 ans d’expérience. À la mi-juin, il lui restait 50 000 livres à capturer, sur un contingent moyen par bateau de 125 000 livres. «Ça fait trop de monde dans des petits secteurs, déplore-t-il. Ça fait que la répercussion est grande. On a cherché, cherché, cherché le crabe. Puis, en même temps, on était inquiet de ne pas réussir à prendre nos quotas. C’était difficile.»
Cette surexploitation des fonds de pêche au crabe des neiges autour des Îles-de-la-Madeleine fait d’ailleurs craindre pour la pérennité de la ressource, souligne monsieur Aucoin. Son confrère Denis Éloquin, capitaine du JEAN-MATHIEU, de Grande-Entrée, s’encourage toutefois d’une forte abondance de petits crustacés. «Il y a beaucoup de petits crabes dans les casiers et il y a beaucoup de crabe mou (en cette fin de saison); il y a beaucoup de zones fermées (pour protéger le crabe en mue). Ça, ça veut dire que c’est un bon signe pour le renouvellement du stock dans les années à venir.»
Cela dit, pour 2019, messieurs Aucoin et Éloquin espèrent que le ministre des Pêches et des Océans fera preuve de plus de souplesse dans ses mesures de gestion pour protéger les baleines, et ce, «afin de mieux tenir compte de l’intérêt des régions côtières dépendantes de l’industrie du crabe des neiges», souligne le capitaine du JEAN-MATHIEU. Ils souhaitent en particulier que le ministre Dominic LeBLanc attende l’entrée des mammifères dans le golfe avant de fermer leur principale aire d’alimentation à la pêche, plutôt que d’agir par prévention un mois plus tôt, comme il l’a fait cette année.
LA ZONE 12F
Pour leur part, les 10 crabiers semi-hauturiers madelinots de la petite zone 12F, au nord des Îles-de-la-Madeleine, ont tous complété leur saison deux semaines avant son échéance du 30 juin. Selon les données statistiques préliminaires du MPO, le contingent global de ce secteur en bordure du Chenal Laurentien était capturé à 98 % en date du 26 juin.
Le quota individuel transférable des pêcheurs de 125 000 livres était en hausse de 43 % par rapport à l’an dernier. «Ç’a bien été du côté de la zone 12F, affirme le capitaine du BORÉAS VII, Bruno-Pierre Bourque. Le crabe était au rendez-vous et le crabe était très beau, de très belle qualité. On n’a rien à redire; c’est une qualité exceptionnelle cette année encore. Donc, ça a été une belle saison!»
Les crabiers de la zone 12F, n’ont d’ailleurs subi aucun contrecoup de la migration des baleines noires. Ils n’en sont pas moins solidaires de leurs confrères du sud du golfe qui étaient confrontés à une multiplication de fermetures de quadrilatères, par mesure de protection des mammifères en voie d’extinction. «On n’est pas d’accord avec les mesures, et les revendications de nos collègues de la 12, on les appuie à 100 %», affirme monsieur Bourque.
Toujours selon les données préliminaires de Pêches et Océans Canada, les crabiers de la zone 12F ont eu des rendements moyens de 10 000 livres par voyage, avec 75 casiers autorisés à leur permis. En comparaison, les crabiers de la 12 ont des rendements moyens de 11 300 livres par voyage, avec 150 casiers.
LA MISE EST SAUVÉE
Enfin, de leur côté, les dirigeants de l’usine Fruits de Mer Madeleine dressent un bilan positif de la saison de pêche au crabe des neiges 2018, qui a pris fin le samedi 30 juin. Malgré les incertitudes dues aux fermetures de zones d’exploitation de la ressource pour protéger les baleines franches de l’Atlantique, l’entreprise de l’Étang-du-Nord a sauvé la mise, soutient son directeur général, Pierre Déraspe. Ses 160 employés d’usine ont travaillé à plein régime pour livrer un produit de qualité sur les marchés, dit-il. «On a été très chanceux, ici, avec toutes les mesures qui ont été mises en place, que tout se passe bien, que tout fonctionne à plein. Et ça été une excellente saison; une saison remplie de surprises mais qui, dans ce cas-ci, se termine de façon plutôt intéressante.»
Quant au prix versé à quai, il atteint un seuil record de 5,25 $ la livre, cette année. Pierre Déraspe parle même d’un ajustement à venir d’ici la fin juillet. «Il y a toutes sortes de choses qui entrent en ligne de compte, qui amènent le prix à un certain niveau, dit-il. Des diminutions de quota dans certaines zones et les demandes de certains clients pour certains produits, par exemple. Alors, effectivement, c’est un prix intéressant parce que tous les facteurs sont alignés pour en arriver là.»
Fruits de Mer Madeleine était approvisionnée par une trentaine de crabiers, cette année, dont deux pêcheurs traditionnels de la Gaspésie.
LE SUD DU GOLFE – page 9 – Volume 31,3 – Juin-Juillet-Aout 2018