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Ouverture plus hâtive de la pêche au crabe des neiges : Ottawa promet de régler le problème de déglaçage des ports de pêche

Le ministère des Pêches et des Océans et la Garde côtière canadienne ont mis de l’argent de côté pour permettre le déglaçage des ports des régions arctique et atlantique par l’entreprise privée. C’est ce qui ressort d’un atelier de travail tenu à Moncton le 28 août dernier, avec les membres du comité consultatif de gestion du crabe des neiges du sud du golfe, réunis pour discuter du protocole d’ouverture de la pêcherie. Le porte-parole des crabiers traditionnels madelinots, Paul Boudreau, souligne que le fédéral en défraiera 100 % des coûts. «Ce n’est pas une première, dit-il. Le ministère n’a pas les équipements nécessaires pour remplir sa tâche, donc c’est tout à fait normal que le ministère donne des sous-contrats au privé pour effectuer ce qu’il n’est pas capable d’effectuer pour l’ouverture de la pêche.»

FENÊTRE DE DÉGLAÇAGE

Le problème, explique Robert Haché, directeur général de l’Association des crabiers acadiens, c’est que les brise-glace de la Garde côtière sont trop gros pour rentrer dans les ports de Lamèque, Caraquet et Shippagan. L’entreprise privée pourrait quant à elle utiliser de la machinerie lourde comme des grues et des pelles, mais surtout des remorqueurs pour déglacer tôt au printemps, afin de permettre le début des activités de pêche trois semaines à un mois avant l’arrivée des baleines noires dans le golfe. «La Garde côtière est d’accord avec nous pour qu’on nolise un remorqueur  à partir de la grande marée de mars jusqu’à la grande marée d’avril, pour profiter des courants qui font sortir la glace», indique M. Haché. «Mais encore faut-il que la glace soit déjà cassée avant», ajoute Daniel Desbois, président de l’Association des crabiers gaspésiens. Bien qu’il accueille avec satisfaction l’intention gouvernementale d’allouer au secteur privé un contrat de déglaçage des chenaux de la péninsule acadienne, M. Desbois reste sur ses gardes. «On reste prudents, affirme le capitaine du JEAN YAN 2, parce qu’on nous a déjà fait la promesse que les brise-glace et l’aéroglisseur de la Garde côtière seraient déployés pour déglacer le chenal de Caraquet et celui de Shippagan à temps pour la saison dernière. Alors, on attendra jusqu’à ce que ce soit fait, le printemps prochain, avant d’applaudir.» Daniel Desbois précise que la trentaine de crabiers traditionnels membres de son association a dû laisser 300 000 livres de crabe des neiges à l’eau, en date du 30 juin, à cause du début tardif de saison. «On n’a pas le choix de débuter tôt si on veut être conséquents avec la protection des baleines, insiste-t-il. Ce n’est pas acceptable de laisser des quotas à l’eau parce que les havres ne sont pas déglacés à temps.»

OUVERTURE À DATE FIXE

D’ailleurs, Robert Haché prévient que le ministère des Services publics et Approvisionnement Canada devra lancer son appel d’offres dès ce mois-ci, en septembre, pour rassurer les crabiers de la péninsule acadienne. «Il y a plus de 70 bateaux semi-hauturiers (du Nouveau-Brunswick) qui pêchent le crabe, précise le directeur général de l’Association des crabiers acadiens. S’ils ne se sentent pas sécuritaires pour le printemps prochain, ils vont déménager chez-vous (au Québec) cet automne. Et ça, personne ne veut ça.» Pour Pierre Deraspe, directeur général de l’entreprise de transformation Fruits de Mer Madeleine, aux Îles-de-la-Madeleine, l’enjeu principal est l’ouverture de la pêche au crabe des neiges du sud du golfe à date fixe. Il qualifie de catastrophique la saison 2019, qui a débuté tardivement et qui a été marquée par une multiplication des fermetures de zones de pêche à cause de la présence des baleines noires menacées de disparition. «La pêche est concentrée dans une seule zone qui, à mon avis, est nuisible pour cette zone-là à court terme, soutient-il. Ça met une pression indue sur la nature et les fonds marins. Ça met aussi une pression sur les travailleurs d’usine de faire plus d’heures, de faire plus de jours par semaine et, sur les bateaux, d’avoir l’assurance de prendre leurs quotas ou non.» De plus, Pierre Derapse croit «qu’il y a une pression inutile dans toute l’industrie du crabe des neiges, directement avec la date d’ouverture. Il faut que ça devienne à date fixe pour enlever cette pression-là, et qu’après ça les gens s’organisent avec les dates qu’ils ont.» «On est complètement d’accord qu’il faut commencer la pêche au «PC» à cause des baleines, renchérit Robert Haché. Mais il faut que tout le monde ait accès au territoire de pêche en même temps. C’est le défi auquel on fait face.» De l’avis de M. Haché, une pêcherie à date fixe pourrait commencer vers le 15 avril, lorsque les lieux de pêche sont libres de glace.

SENTIMENT D’URGENCE

Autrement, la mort de 8 baleines noires dans le golfe du Saint-Laurent depuis le mois de juin, sème la frayeur et l’inquiétude au sein du Réseau québécois d’urgences pour les mammifères marins, selon son coordonnateur, Robert Michaud. Le scientifique qualifie, entre autres, de super maman l’une d’elles nommée Punctuation qui aurait succombé à une collision avec un navire. Pourtant, cette femelle de 38 ans avait déjà subi trois collisions et huit empêtrements dans des cordages de pêche au cours de sa vie, note M. Michaud. «Ces incidents que chacun des individus accumule au fil de sa vie ont un impact sur leur physiologie, sur leur capacité de se reproduire.»Or, bien qu’il croit difficile la cohabitation des baleines noires avec les activités humaines, Robert Michaud admet que la capacité de support du golfe du Saint-Laurent est aussi un enjeu pour l’espèce en voie de disparition. La moitié de sa population a déserté les côtes du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, ces dernières années, pour y migrer en quête de nourriture. «Est-ce que la nourriture, l’abondance va être là de façon suffisante pour soutenir cette petite population qui a toutes sortes de problèmes? C’est une bonne question. Les chercheurs de Pêches et Océans ont soulevé cette question et y travaillent actuellement. Il y a des relevés qui doivent être faits à chaque année. On aura éventuellement des réponses.» Quoi qu’il en soit, Robert Michaud ne perd pas espoir quant à la capacité des baleines noires à rebondir. Il souligne que leur population est passée de 300 à 500 individus entre 1990 et 2000, grâce aux efforts de conservation et à un boom de reproduction. On en compte aujourd’hui 403.

 

LE SUD DU GOLFE – page 6 – Volume 32,4 Septembre-Octobre-Novembre 2019

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Hélène Fauteux
Hélène Fauteux est diplômée en communications et journalisme de l'Université Concordia. Établie aux Îles-de-la-Madeleine depuis 1986, elle a développé une solide expertise en matière de pêche et de mariculture.
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