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Pêche à la crevette : une année en dents de scie qui se termine assez bien

Il fallait avoir les nerfs solides pour évoluer dans le secteur de la crevette en 2020, une année marquée par un début de capture dix semaines plus tard que la date habituelle, et une saison caractérisée par de fortes fluctuations de prix et des négociations ardues.

En bout de course toutefois, la valeur des prises s’est établie à 26 117 983 $, le plus bas total des huit dernières années, mais il s’agit d’une donnée préliminaire de fin novembre qui n’est pas si loin des totaux de 2017 et 2018, alors que les crevettiers québécois avaient reçu une rémunération globale de 27,6 millions $ et de 27,8 millions $.

Les revenus globaux de 2020 représentent un fléchissement de 16,34 % par rapport aux 31,2 millions $ de 2020. Ce pourcentage devrait même s’abaisser de nouveaux, quand toutes les statistiques de l’année courante seront calculées.

Le taux de capture s’est aussi nettement amélioré en 2020, l’un des points rassurants de 2020. Ainsi, pour un quota équivalent en gros, les crevettiers ont débarqué 10 967,3 tonnes métriques de produits, comparativement à 8 440 tonnes métriques en 2019.

«Si on regarde la saison dans la crevette, comme dans les autres espèces, il y avait une grosse incertitude en mars. C’était le début du confinement, on se demandait quel genre d’été on aurait; les gens étaient pessimistes. Les négociations de début de saison étaient plus difficiles à cause de l’incertitude. Les usines et les pêcheurs n’étaient pas certains d’en arriver à une entente. Les usines avaient des inventaires de 2019. Neuf semaines après le début officiel de la saison, les pêcheurs n’étaient pas en mer. La saison était plus courte et on ne savait pas si les restaurants seraient ouverts», rappelle Ali Magassouba, économiste du ministère fédéral des Pêches et des Océans.

Les débuts de capture préalables dans le crabe des neiges et le homard ont manifestement contribué à redonner confiance au secteur de la crevette, note-t-il.

«On l’a vu dans le homard. Les pêcheurs de crabe ont été les premiers à sortir en mer. Dès les premiers débarquements, les gens se sont mis à acheter des fruits de mer frais. C’était comme Noël. C’était une chose que les gens pouvaient faire. Les homardiers ont suivi les crabiers. C’est une condition qui a donné confiance aux usines. Le secteur de la crevette a suivi. Les usines savaient que les consommateurs seraient au rendez-vous. Les résultats sont allés au-delà des prévisions les plus optimistes du printemps», spécifie Ali Magassouba.

Il a quand même fallu attendre le 8 juin avant que les crevettiers du Grand Gaspé sortent en mer, soit 10 semaines après le début traditionnel du 1er avril. Ce début tardif n’a pas empêché certains crevettiers de capturer leur quota avant la fin de septembre, parfois un peu avant.

Entre le 1er avril et le 30 juin, la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec a décrété des prix de 1,65 $ la livre pour la grosse crevette, 1,35 $ pour la moyenne et 0,84 $ pour la petite. Pour la deuxième période, débutant le 1er juillet, les pêcheurs et les usines se sont entendus sur une baisse des prix, qui ont été fixés à 1,20 $ la livre pour la grosse crevette, 1 $ pour la moyenne et 0,78 $ pour la petite.

À titre comparatif, la première moitié de saison en 2019 avait été caractérisée par des prix de  1,68 $ la livre pour la grosse crevette, de 1,35 $ pour celle de taille moyenne et de 1,14 $ pour la petite. Après le 1er juillet, les prix avaient passablement augmenté pour atteindre 2,18 $ pour la grosse crevette, 1,80 $ pour la moyenne et 1,45 $ pour la petite. Il s’agissait de records. L’émergence de la COVID-19 durant l’hiver a contribué à paralyser plusieurs marchés, surtout ceux d’Europe, dans une première vague.

C’est ainsi que la moyenne de prix s’est établie à environ 1,08 $ la livre en 2020. L’ajustement à la baisse à compter du 1er juillet a pesé lourd dans la pondération de la saison de capture puisque les prix les plus élevés n’ont été appliqués qu’entre le 8 juin et le 1er juillet, soit 23 jours.

«Avec les chiffres disponibles, on arrive à une baisse de prix de 40 %, mais ce ne sera pas 40% quand tous les chiffres seront entrés. Ce sera peut-être 25 ou 30 %. Il y avait encore des pêcheurs en mer récemment et ces données ne sont pas disponibles» prévient Ali Magassouba, qui s’attend à ce que les ajustements de fin de saison, ou ristournes, viennent donc redonner de l’ampleur aux revenus des crevettiers.

Il faut remonter à 2013, avec un prix moyen de 69 cents la livre, et 2014, avec un prix moyen de 84 cents, pour revoir des prix aussi bas dans le secteur québécois de la crevette.

EXPORTATIONS À LA BAISSE

Dans le contexte de la pandémie, il n’est donc pas étonnant de constater que les exportations québécoises de crevette ont fléchi jusqu’à maintenant en 2020. Elles ont totalisé 1 504 tonnes pour une valeur de 15,5 millions $ de janvier à septembre. C’est une baisse de 21 % en volume et de 40 % en valeur comparativement à la même période l’an dernier, note l’économiste.

Pour les deux principaux marchés d’exportations québécoises, les expéditions de crevette vers les États-Unis ont diminué de 70 % en volume et de 70 % en valeur, puis de 4 % en volume et 21 % en valeur vers le Danemark.

D’autre part, les exportations ont été nulles vers certains marchés qui s’approvisionnent généralement en crevette québécoise, comme la Norvège,  l’Albanie et la Suède.

Entre 2013 et 2018, 45 % des ventes de crevette étaient réalisées à l’extérieur du Canada et      55 %, évidement, à l’intérieur des limites du pays.

Alors que le prix de la crevette au débarquement avait fléchi de 40 % selon les données disponibles à la fin de novembre, sur le marché américain, le prix de la crevette transformée n’avait baissé que de 7 %.

Ce sont de telles observations qui font dire à Ali Magassouba qu’il reste encore plusieurs ajustements à entrer avant de pouvoir faire le vrai portrait du secteur de la crevette en 2020, «mais qu’en conclusion, les baisses ont été moins pires que les attentes du début de saison le laissaient entendre».

Cette année, c’est dans la zone d’Anticosti que 44 % de la valeur des crevettes pêchées a été réalisée, comparativement à 42 % pour la zone de Sept-Îles, 7 % dans la zone d’Esquiman et 6 % dans la zone de l’Estuaire. La réalité a changé depuis la période 2013-2018, alors que la zone de Sept-Îles dominait nettement, avec 59 % de la valeur des crevettes livrées à quai, comparativement à 34 % pour la zone d’Anticosti et 5 % pour la zone de l’Estuaire. La zone d’Esquiman n’était alors pas fréquentée par les pêcheurs livrant dans les usines québécoises.

En 2020, 89 % de la crevette livrée au Québec a été débarquée à Rivière-au-Renard et, dans une bien moindre mesure, à Mont-Louis. Le port de Matane a reçu 11 % de la crevette pêchée, et Sept-Îles 2 %. Une partie de la crevette débarquée à Rivière-au-Renard est transportée à Matane par camion avant la transformation.

ÉCONOMIE – page 11 – Volume 33,5 Décembre 2020-Janvier 2021

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Gilles Gagné
Gilles Gagné, né à Matane, le 26 mars 1960. J'ai fait mes études universitaires à Ottawa où j'ai obtenu un baccalauréat avec spécialisation en économie et concentration en politique. À l'occasion d'une offre d'emploi d'été en 1983, j'ai travaillé pour Pêches et Océans Canada comme observateur sur deux bateaux basés à Newport, deux morutiers de 65 pieds. Le programme visait l'amélioration des conditions d'entreposage des produits marins dans les cales des bateaux et de leur traitement à l'usine. Cet emploi m'a ouvert des horizons qui me servent encore tous les jours aujourd'hui. En 1989, après avoir travaillé en tourisme et dans l'édition maritime à Québec, je suis revenu vivre en région côtière et rurale, d'abord comme journaliste à l'Acadie nouvelle à Campbellton. C'est à cet endroit que j'ai rédigé mes premiers textes pour Pêche Impact, à l'été 1992. Je connaissais déjà ce journal que je lisais depuis sa fondation. En octobre 1993, j'ai déménagé à Carleton, pour travailler à temps presque complet comme pigiste pour le Soleil. J'ai, du même coup, intensifié mes participations à Pêche Impact. Je travaille également en anglais, depuis près de 15 ans, pour l'hebdomadaire anglophone The Gaspé SPEC et je rédige l'éditorial du journal Graffici depuis 2007.
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