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Le Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie déplore le manque de consultation concernant une capture du homard l’automne

Le Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie (RPPSG) déplore le manque de consultation ayant marqué les négociations entre le ministère fédéral des Pêches et des Océans (MPO) et le gouvernement mi’gmaq de Listuguj, des pourparlers qui ont débouché sur une entente permettant une capture du homard l’automne dans la zone 21B, dans la baie des Chaleurs.

Cette entente a été annoncée le 14 août, un samedi, par Pêches et Océans Canada et le gouvernement mi’gmaq de Listuguj. Elle prévoit une capture du homard l’automne pour les pêcheurs autochtones et allochtones.

L’entente d’août suivait de quatre mois une autre entente, jetant «les bases d’une approche de gestion collaborative» entre le gouvernement de Listuguj et le ministère fédéral des Pêches et des Océans. Cette entente d’avril «a permis de fournir un cadre pour les discussions opérationnelles sur la pêche automnale du homard.»

Le Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie dénonçait dès avril le fait d’avoir été complètement écarté par le ministère des Pêches et des Océans (MPO), lors des discussions portant sur cette approche de gestion collaborative.

«Ce que le MPO est en train de faire, c’est le contraire de ce que ses propres experts recommandaient en 2019, à l’effet qu’il ne doit pas y avoir deux saisons dans une même zone, pour ne pas augmenter la pression de pêche. Ici, on autorise une seconde saison à Listuguj», affirme O’Neil Cloutier, directeur du RPPSG.

«En 2019, lors des ateliers de travail précédant la saison, le personnel du ministère nous avait dit qu’il ne fallait absolument pas augmenter l’effort de pêche. C’est difficile de vérifier les données parce que dans la sous-zone 21B, les captures sont incluses dans celle de 21A», souligne-t-il.

«On comprend que c’est politique, qu’ils (les décideurs fédéraux) accordent une pêche commerciale. Ils cachent ça sous le nom d’entente de réconciliation, mais il faut quand même être clair avec ce qu’on fait. Présentement, il y a une industrie qui regarde ce qui se passe; en fait, tout le monde regarde», poursuit M. Cloutier.

«Listuguj a dit qu’ils voulaient le vendre, sous prétexte qu’ils donnaient le homard d’automne aux gens de la communauté que et ça coûtait de l’argent pour le pêcher. Nous, on dit qu’il aurait pu y avoir une compensation pour la pêche d’alimentation, sociale et rituelle. On avait pensé à une autre solution : comment augmenter la participation autochtone dans la pêche commerciale? Les autochtones ont 8 % des permis : si on veut être conséquent, on aurait pu augmenter ce pourcentage par le biais du rachat de permis, à 10 ou 12 %, comme ça s’est fait dans le crabe. Il s’est vendu six à sept permis de homard en Gaspésie au cours de la dernière année. On aurait pu procéder de cette façon. Ça aurait fait plaisir à l’industrie. Ce n’est pas menaçant, la pêche autochtone, quand elle suit les mêmes règles que les nôtres. Ils (les signataires de l’entente de réconciliation) n’ont jamais voulu aller là», déplore O’Neil Cloutier.

L’une des préoccupations des membres du Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie, c’est que l’initiative de Listuguj soit répétée.

«La pêche d’automne change le plan de conservation de la zone 21. Il y a beaucoup de volatilité, et un danger que ça   s’étende. Ça pourrait être étendu ailleurs dans la baie des Chaleurs. Est-ce qu’on va vivre avec deux plans de conservation de la ressource en Gaspésie? En 2019, lors de l’atelier de travail précédent la pêche de printemps, il y avait unanimité; il ne fallait pas introduire une nouvelle donnée de variabilité dans la pêche», insiste M. Cloutier. Il précise toutefois que «les rapports entre le Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie et les communautés de Gesgapegiag et Gespeg sont excellents».

Il note que la pêche du homard d’automne a déjà été tentée en Gaspésie. «En 1972, nos parents l’ont fait, la pêche d’automne, et ils ont constaté les effets en 1973; ils ont décidé de ne jamais refaire ça», souligne-t-il.

UN FACTEUR DE CAPTURABILITÉ ÉTABLI

L’entente entre Pêches et Océans Canada prévoit «qu’un facteur de «capturabilité» de sept sera appliqué au calcul de l’effort de pêche d’automne, qui tient compte du fait que le homard est plus facile à capturer à l’automne qu’au printemps. Cela signifie que l’effort déployé en nombre de jours-casiers à l’automne est multiplié par sept et est par la suite déduit de l’effort autorisé au printemps suivant».

O’Neil Cloutier n’est pas rassuré par cette clause. «Un homard en mue a faim. C’est pour ça qu’il est plus facile à capturer l’automne. C’est un homard de recrutement, assez grand pour entrer dans la pêche d’automne, mais qui ne sera pas dans la pêche au printemps et qui est moins gros à l’automne. De plus, les femelles se font accoupler durant la mue. Normalement, une femelle devrait mettre ses œufs sous la queue au printemps, mais en étant capturé l’automne, elle n’aura pas le temps de faire ses œufs. La pêche d’automne affecte donc la ponte. On fait beaucoup de gymnastique pour accommoder Listuguj. C’est de la politique qui prend le dessus sur la protection de l’espèce et on ne fait pas partie des négociations», souligne-t-il.

«On réconcilie le gouvernement fédéral avec les peuples autochtones, mais pas avec les citoyens entre eux. On importe le malaise de la baie de Fundy. Ils (les politiciens) font ce qu’ils veulent. Il y a une perte de confiance de l’industrie envers le MPO. On est en train d’étouffer les modes de gestion qui ont permis à l’industrie de se rendre où elle est aujourd’hui. On nous parle de projet pilote. En quoi un projet pilote peut-il influer sur la réclamation d’un droit historique? Pourquoi l’enrober d’un projet pilote pour tromper l’industrie?», demande M. Cloutier.

Il n’est pas très rassuré au sujet de la surveillance qui sera effectuée au cours de la pêche d’automne.

«Quand on regarde l’entente de réconciliation, les bandes sont à la recherche d’autonomie, de cogestion. Listuguj pourrait mettre en place son propre agent des pêches. C’est Listuguj qui émet ses étiquettes (appliquées au homard). C’est une avancée très grande dans l’autodétermination. On (le ministère) transfère des plans de gestion. Listuguj est à mettre sur pied une équipe de gestion. On (le ministère) est en train de donner ses pouvoirs (…) Le tableau d’improvisation est très, très noir. Nous serions supposés avoir un plan de gestion pour tous!», déplore O’Neil Cloutier.

« Il n’y a pas de compétition entre nous, allochtones et autochtones (…) On pêche tous dans le même but. Nous sommes pour ouvrir nos horizons. Ça aurait été facile d’augmenter la part des autochtones autrement, trop facile pour le gouvernement Trudeau. On ne nous consulte pas et il n’y aucune mention d’un projet pilote dans le communiqué du 14 août. C’est une notion qui a été improvisée pour faire passer la pêche d’automne», note-t-il.

M. Cloutier craint enfin que Pêches et Océans Canada cède sur d’autres revendications de Listuguj qui pourraient mener à une augmentation de l’effort de pêche.

«Les autochtones de Listuguj ont déjà demandé de ramener la taille légale à 78 millimètres (au céphalothorax), comme au Nouveau-Brunswick, alors que c’est 83 millimètres pour les autres. On craint qu’ils pêchent aussi avec 300 casiers, comme au Nouveau-Brunswick, au lieu de 235 en Gaspésie. Ils revendiqueront peut-être un facteur de «capturabilité» de cinq pour un, au lieu de sept pour un, une façon de convertir l’effort de pêche de façon plus avantageuse entre le printemps et l’automne. Ils vont pêcher le seul bon mois au printemps et faire le reste à l’automne. Ils vont augmenter les débarquements de cette façon, mais au détriment de la ressource», conclut O’Neil Cloutier.

GESTION – pages 8-9 – Volume 34,4 Septembre-Octobre-Novembre 2021

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Gilles Gagné
Gilles Gagné, né à Matane, le 26 mars 1960. J'ai fait mes études universitaires à Ottawa où j'ai obtenu un baccalauréat avec spécialisation en économie et concentration en politique. À l'occasion d'une offre d'emploi d'été en 1983, j'ai travaillé pour Pêches et Océans Canada comme observateur sur deux bateaux basés à Newport, deux morutiers de 65 pieds. Le programme visait l'amélioration des conditions d'entreposage des produits marins dans les cales des bateaux et de leur traitement à l'usine. Cet emploi m'a ouvert des horizons qui me servent encore tous les jours aujourd'hui. En 1989, après avoir travaillé en tourisme et dans l'édition maritime à Québec, je suis revenu vivre en région côtière et rurale, d'abord comme journaliste à l'Acadie nouvelle à Campbellton. C'est à cet endroit que j'ai rédigé mes premiers textes pour Pêche Impact, à l'été 1992. Je connaissais déjà ce journal que je lisais depuis sa fondation. En octobre 1993, j'ai déménagé à Carleton, pour travailler à temps presque complet comme pigiste pour le Soleil. J'ai, du même coup, intensifié mes participations à Pêche Impact. Je travaille également en anglais, depuis près de 15 ans, pour l'hebdomadaire anglophone The Gaspé SPEC et je rédige l'éditorial du journal Graffici depuis 2007.
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