Comme le veut la tradition, c’est par centaines que les Madelinots sont descendus sur les quais, le samedi 7 mai avant l’aube, pour assister au coup d’envoi de la 147e saison de pêche commerciale au homard des Îles-de-la-Madeleine.
Avec son petit en poussette, Marie-Andrée Richard était du nombre, à la Pointe-Basse. «C’est la fébrilité, explique-t-elle. Tout le monde a été élevé à se lever [au beau milieu de la nuit] pour venir accompagner nos conjoints, nos pères, nos cousins. Moi, je le fais depuis que je suis toute jeune. C’est excitant de les voir partir pour une nouvelle saison!»
Le ministre de L’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec, André Lamontagne, était, lui, bien heureux d’assister au départ des pêcheurs au quai de Grande-Entrée, qui abrite près de la moitié de la flottille des 325 détenteurs de permis. Après trois années d’empêchements, dont deux en raison de la pandémie, il n’aurait manqué la mise à l’eau des cages pour rien au monde. «Over my dead body!, a-t-il lancé à la blague. Je suis très heureux d’être là. C’est excitant!»
ADHÉSION DU QUÉBEC AU FCIPMF
En conférence de presse, la veille, à l’Auberge La Salicorne située au centre du village qu’on dit la Capitale du homard du Québec, M. Lamontagne a annoncé l’adhésion du Québec au Fonds canadien d’initiatives en matière de poisson et de fruits de mer (FCIPMF) qu’il négociait depuis quatre ans. Doté d’une enveloppe initiale de 42,8 millions $, ce fonds vient en soutien à l’industrie pour la promotion et le développement de marchés. Depuis sa création en 2018, il a financé neuf projets totalisant 9,7 millions $.
Le ministre québécois des Pêcheries explique le délai du fait qu’il ait eu à discuter avec trois ministres fédéraux différents et qu’il lui ait fallu un bon 12 mois pour obtenir, un à un, le consentement de ses vis-à-vis des quatre provinces maritimes. «Et moi, pendant ce temps-là, je stressais parce que l’argent se dépensait et que j’avais hâte qu’on signe pour avoir accès aux capitaux, raconte-t-il. C’est pour des initiatives qui sont autant sur le marché intérieur que sur les marchés extérieurs. Il y a de la flexibilité dans l’entente et de pouvoir participer pleinement à ce fonds-là, pour consolider, développer nos marchés, bien, c’est certainement une très bonne nouvelle!»
André Lamontagne souligne que les projets d’un maximum de 7 millions $ y sont éligibles. Le financement à 70 % provenant d’Ottawa et de 30 % de Québec pourrait par exemple soutenir un éventuel projet de traçabilité du homard des Îles-de-la-Madeleine. «Les organisations, telles que l’Association québécoise de l’industrie de la pêche (AQIP) et l’Office des pêcheurs de homard des Îles, peuvent fédérer leurs intérêts pour un projet commun de promotion, fait-il valoir. Alors, ce que je dis à l’industrie, c’est la même chose que pour le Fonds des pêches du Québec : l’argent est là, agissez, allez de l’avant et déposez des projets.»
Reddition de compétences
Également présent dans l’archipel pour la mise à l’eau des cages, le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, est pour sa part d’avis que le Québec a renoncé à faire respecter ses compétences en matière de soutien financier à l’industrie des pêches, en ne négociant pas une entente fédérale-provinciale qui lui soit propre pour la promotion et la commercialisation des produits marins.
Il craint aussi, pour le FCIPM, les mêmes lourdeurs administratives que celles du Fonds des pêches du Québec, dont les critères fédéraux et provinciaux d’analyse des projets ne sont pas harmonisés. «Il ne faut qu’il y ait d’obligation pour de si petites entreprises de remplir deux séries de documents dont les grilles d’analyse des gouvernements ne sont pas toujours compatibles, insiste-t-il. C’est complexe et ça décourage les demandeurs. L’argent devrait plutôt être accessible aux entreprises de la façon la plus simple possible.»
Pour le député des Îles à l’Assemblée nationale et critique péquiste en matière de pêcheries, Joël Arseneau, le fait que le Québec ait dû obtenir le consentement signé de chacune des provinces de l’Atlantique pour une entente avec Ottawa est plutôt «inédit». «Ce que j’ai de la difficulté à comprendre c’est que ç’a pris quatre ans à ouvrir le programme pour le Québec, mais on ne semble pas avoir fait aucun des gains qu’on souhaitait obtenir au départ, c’est-à-dire que le Québec puisse lui-même signer les chèques. C’est comme ça que ça se passe traditionnellement. Il y a quelque chose-là qui est troublant, consternant, dans la façon dont on a négocié cette entente-là. »
LES ÎLES-DE-LA-MADELEINE – page 5 – Volume 35,2 Avril-Mai 2022