dimanche, novembre 24, 2024
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Bonne pêche au turbot pour certains pêcheurs actifs, mais des volumes encore peu élevés pour les usines

Mise en branle à la mi-mai, la saison de pêche au turbot, aussi appelé flétan du Groenland, connaît de bons résultats de captures, tant en Gaspésie que sur la Côte-Nord. Au printemps, la ministre fédérale des Pêches, Joyce Murray, a annoncé un total autorisé de captures (TAC) de 2 329 tonnes, soit une augmentation de 19 % des prises permises, comparativement à l’an dernier.

«Ça se déroule très bien, confirme Pierre-Nicolas Tanguay Lévesque, qui a terminé sa saison le 20 juin avec des prises d’environ 80 000 livres. Il y a du poisson dans le fond!» Selon lui, les scientifiques le constatent aussi dans leurs relevés. «Il y a de bonnes cohortes qui s’en viennent et elles sont présentes.» La situation lui fait dire que les signes sont plus qu’encourageants. «Il y a beaucoup de relève.»

Le capitaine du Jason Aubrey, qui pêche principalement dans la zone Estuaire, indique que la situation n’est cependant pas la même pendant toute la saison. «En début de saison, c’était bon de Mont-Louis en montant jusqu’en haut de l’estuaire, tandis que les autres années, c’était bon juste dans certains secteurs. Cette année, c’était généralisé, surtout en début de saison.» Le pêcheur demeure toutefois prudent. «Ce n’est pas le cas de tout le monde. Mais, en général, tous ceux à qui j’ai parlé, que ce soit à Tourelle, à Mont-Louis ou ailleurs, c’était bon.» M. Tanguay Lévesque tient également à préciser que la hausse du quota est appréciée.

Kevin Dunn, un autre pêcheur de flétan du Groenland, ne peut pas être plus heureux. «J’ai un quota compétitif, indique celui dont les captures s’élèvent jusqu’à maintenant à 90 000 livres. Je suis content, surtout que c’est ma première année en tant que propriétaire.» Le capitaine du Sébastien M. pêche pour la nation Mi’gmag de Gesgapegiag.

D’ici la fin de ses activités qu’il prévoit à la mi-octobre, il s’attend à obtenir des prises totales de 130 000 livres. Le pêcheur originaire de Rivière-au-Renard observe lui aussi des signes encourageants concernant l’état des stocks. De l’avis du capitaine-propriétaire, dont le port d’attache est Matane, la relève est là.

TAUX DE CAPTURES MAINTENU

«Les taux de captures se sont maintenus; ils ont été bons et stables toute la saison, et ce, dans différents secteurs», confirme le directeur du Regroupement des pêcheurs professionnels du nord de la Gaspésie. Jean-René Boucher évalue qu’environ 50 % du TAC est atteint. Grosso modo, le quota individuel moyen de la cinquantaine de turbotiers se situe entre 25 000 et 160 000 livres. «Ça fait du bien, après des saisons plus difficiles. L’année passée, on voyait une certaine amélioration pendant la saison et on a poursuivi sur cet air d’aller. C’est encourageant pour les années à venir.» M. Boucher estime que la hausse du TAC de 19 % était justifiée. «Contrairement aux autres années, c’était la première année où on expérimentait une approche de précaution pour le turbot. Les prélèvements sont fixés en fonction de l’état de la biomasse. On avait des craintes à la mise en place de cette approche parce que la biomasse, dans les dernières saisons, ne se portait pas bien. On a eu l’agréable surprise de constater, avec les chiffres que les sciences nous ont présentés ce printemps, que la biomasse totale de turbot était en augmentation. C’est très positif et c’est ce qui a occasionné cette hausse.» Compte tenu des débarquements qui se font actuellement et qui se sont faits au cours de la saison, le dirigeant considère qu’une hausse plus importante aurait pu être octroyée aux pêcheurs, sans avoir d’impacts négatifs sur l’état des stocks. «Mais, même si les 19 % sont inférieurs à ce qu’on aurait pu avoir, ça a bien été accueilli puisque, dans les dernières années, on a juste eu des baisses.» Plusieurs pêcheurs ont concentré leurs activités dans le secteur de Matane, autant en raison de la proximité géographique de leur port d’attache qu’en raison d’une certaine productivité. «Cependant, à Matane, il s’avère que le poisson est plus petit que dans d’autres secteurs. C’est très encourageant de voir qu’on a de la relève qui est présente, qui va continuer de grandir et qui va être disponible pour la pêche dans les prochaines années.» Le prix fixé avec l’Association québécoise de l’industrie de la pêche (AQIP) dans le cadre du plan conjoint est de 2,05 $ la livre. De l’avis de Jean-René Boucher, la rentabilité est variable selon les entreprises de pêche. Avec l’augmentation de quota qu’on a eue, combinée à la bonne capturabilité du poisson et au prix au débarquement, et avec un portefeuille de permis diversifié, elles réussissent bien financièrement. La flottille se porte bien financièrement.»

En vertu de l’approche de précaution qui a été mise en place, M. Boucher est impatient de voir les chiffres qui vont lui être présentés sur l’état de la biomasse. «On n’aura pas le choix de suivre l’approche de précaution pour la fixation du TAC. Mais, les préoccupations qu’on a, c’est la capture du petit turbot par les engins mobiles.»

Jean-René Boucher et ses membres ont vu des chiffres qui leur ont été présentés par Pêches et Océans et qui les alarment un peu, où on voit de bonnes quantités de petits poissons capturés par les chaluts à crevette. «Dans un contexte où le turbot a eu des années difficiles, on veut voir s’il y a moyen de trouver des solutions pour que les crevettiers puissent pêcher et gagner leur vie, et qu’ils puissent le faire sans qu’il y ait d’impacts négatifs à court, moyen et long termes sur le stock de turbot. Au-delà du TAC, c’est l’un des dossiers dont on va discuter le plus avec la gestion de Pêches et Océans.»

BONNE QUALITÉ, MAIS QUANTITÉ INSUFFISANTE

Du côté de la transformation, le directeur général de l’AQIP estime que les activités vont rondement. «C’est une année qui a du bon sens!», lance Jean-Paul Gagné, qui considère néanmoins que la quantité est insuffisante et que les arrivages ne sont pas réguliers. «Ça prendrait plus de turbot. Les quantités sont trop basses. On pourrait en vendre plus si on en avait plus.» Autre point intéressant : la qualité est excellente, croit-il.

Le directeur des opérations des Pêcheries gaspésiennes confirme que l’entreprise n’a pas reçu les volumes de flétan du Groenland auxquels elle s’attendait, soit 800 000 livres. Selon Olivier Dupuis, l’usine a transformé 586 000 livres et la taille du poisson est plus petite que les dernières années. De l’avis de M. Dupuis, la grosseur varie en fonction du secteur de pêche. Aussi, les arrivages n’étaient pas réguliers. La majorité des stocks débarqués à quai l’ont été en juin, juillet et début août. Quant à la qualité, «elle était correcte», évalue-t-il.

La hausse de 19 % du quota autorisé n’a pas eu les effets escomptés sur le nombre d’heures travaillées par les employés de l’entreprise de Rivière-au-Renard en raison de la quantité reçue qui était insuffisante. «Il va manquer des heures ou ça va être serré, s’attend le directeur des opérations. Les employés vont se qualifier à l’assurance-emploi. Mais, quand on va arriver au printemps, notre peur est que certains ne fassent pas le tour parce qu’ils vont avoir terminé trop tôt.»

Olivier Dupuis estime que la demande pour le turbot au Québec est demeurée bonne. Mais, il y a toujours une très grosse compétition dans le poisson à chair blanche, comme le tilapia et le pangasius. Outre le Québec, l’autre marché des Pêcheries gaspésiennes est la Chine, avec qui c’est difficile. «Depuis la pandémie, ce n’est pas encore levé en Chine, se désole M. Dupuis. La demande est moins forte et les prix sont beaucoup moins hauts.»

LES POISSONS DE FOND – page 4 – Volume 35,4 Septembre-Octobre-Novembre 2022

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