jeudi, décembre 26, 2024
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La tempête Fiona a donné la frousse aux pêcheurs madelinots

Le passage du cyclone post-tropical Fiona a donné la frousse aux pêcheurs madelinots, avec ses pointes de vent qui ont atteint 126 km/h et ses vagues qui ont frisé les 16 mètres, selon les bouées océaniques du ministère des Pêches et des Océans. Le capitaine du Cap Adèle, Marcel Cormier, dont le bateau est amarré au quai de Cap-aux-Meules, raconte qu’ils étaient sur le qui-vive toute la nuit du vendredi 23 au samedi 24 septembre.

«Il a passé de terribles rafales, commente-t-il. Avec les vagues qui embarquaient sur le quai, c’était épeurant! Mais heureusement que la marée a fini par baisser un peu en matinée et que le vent a viré un peu plus au nord, ce qui a fait que ça a décollé les bateaux du quai, qui frappaient un peu moins.»

Dans le havre de la Pointe-Basse, le niveau de l’eau était tellement élevé, à marée haute vers 8h30 du matin, que les cordons du quai se sont arrachés. Il s’agit des poutres sur lesquelles sont fixées les bites d’amarrage des navires. Les pêcheurs ont dû se rabattre sur les poteaux de lampadaire et les dolos de béton du brise-lames, pour attacher leurs bateaux. «Ce n’est pas que les cordons du quai étaient pourris, là. C’est que les bateaux ont monté beaucoup plus haut que le quai et ils ont tout arraché, souligne Normand Turbide, capitaine du Élyse T. Les gars ont eu peur! Il y avait trois pieds et demi d’eau sur le quai. Et pour monter à bord des bateaux, c’était très dangereux, parce que tu ne savais plus où était le bord du quai!»

GRUE PORTIQUE

Finalement, selon le président du Regroupement des usagers du port de Cap-aux-Meules (RUPCAM) et capitaine du Phoenix IX, Jocelyn Thériault, les bateaux ont été quittes pour quelques égratignures. «Il n’y a pas eu de bris majeurs, ni de pertes», se félicite-t-il. Il n’en demeure pas moins qu’au lendemain de la catastrophe évitée, son organisation intensifie ses pressions auprès de Québec et Ottawa pour qu’une entente soit rapidement conclue afin de moderniser la cale de halage du port de Cap-aux-Meules. Le problème c’est que tous les bateaux n’ont pas pu être sortis de l’eau avant la violente tempête, parce que la vieille grue portique, en fin de vie utile depuis cinq ans, était en réparation. Quant à la grue portique flambant neuve de 300 tonnes, acquise au coût de trois millions $ en 2018, elle ne peut toujours pas être utilisée faute d’installations portuaires adéquates.

«Ça se lance la balle entre le fédéral et le provincial parce que l’eau et le fond de la mer est de juridiction fédérale, et le tablier, le ciment sur le dessus de la cale de halage, appartient au provincial, expose M. Thériault. On parle d’un investissement évalué entre 5 et 6 millions $. Va falloir qu’on s’entende sur qui va payer quoi, parce que c’est au-delà de nos capacités, nous, comme regroupement, de le faire.»

Selon Charles Poirier, président du Rassemblement des pêcheurs et des pêcheuses des côtes des Îles et administrateur du RUPCAM, c’est surtout du côté de la Pointe-Basse, à Havre-aux-Maisons, que le nombre de bateaux encore à l’eau est le plus important. Présentement, le taux d’occupation du parc d’hivernement de Cap-aux-Meules n’est que de 10 %, alors qu’il affiche habituellement un taux de 75 % à ce temps-ci de l’année. «On a eu peur en mozus, dit-il. On a évité le pire. À cause de l’important achalandage de bateaux qui sont attachés à des quais fixes à la Pointe-Basse – on devait être une quarantaine de bateaux – on était surchargé pour la tempête. C’est ce qui a fait que le cordon du quai se soit arraché quand la marée a monté. En comparaison, à Cap-aux-Meules où l’achalandage est tout aussi important, il y a beaucoup de quais flottants qui travaillent avec la marée»

Le RUPCAM, qui espère que l’impasse soit rapidement dénouée, de sorte à ce que les travaux de modernisation de la cale de halage puissent être entrepris dès l’an prochain, a profité de la présence du chef de la CAQ dans l’archipel au surlendemain de la violente tempête pour l’interpeler. «Le mot d’ordre c’est la sécurité, insiste son président. Vis-à-vis des ouragans, de pouvoir monter les bateaux, c’est essentiel.»

«C’est malheureux, a admis François Legault en point de presse, parce que, pour retirer les bateaux de l’eau on a une grue, qui a été payée d’ailleurs par le gouvernement libéral de Philippe Couillard en 2018, et qui n’a jamais été utilisée, parce que le gouvernement fédéral n’est pas capable de mettre en place les installations. Et on va s’assurer, du gouvernement fédéral, que ce soit fait.»

VISITE DE TRUDEAU

D’ailleurs, au moment d’aller sous presse, le premier ministre du Canada Justin Trudeau annonçait lui-même son passage aux Îles-de-la-Madeleine, le jeudi 29 septembre, en compagnie de la députée de la Gaspésie et des Îles et ministre du Revenu, Diane Lebouthillier. Il devait notamment rencontrer des pêcheurs et des propriétaires de petites entreprises qui ont été touchés par Fiona. Nul doute que les travaux à faire pour adapter la cale de halage à la nouvelle grue portique de 300 tonnes, étaient au coeur des discussions.

Cela dit, Mme Lebouthillier a promis, plus tôt en semaine, une évaluation rapide des dommages au quai de la Pointe-Basse et la réalisation de travaux de réparation à temps pour la reprise des activités de pêche commerciale le printemps prochain. «Les demandes sont déjà faites auprès de Pêches et Océans et le travail va pouvoir se faire aussitôt que les évaluations vont se terminer, affirme-t-elle. L’an passé on a réussi à construire un quai temporaire pendant l’hiver, pour que puisse commencer normalement la saison de pêche au crabe, ça fait que vous pouvez être assurés que le travail va se faire au courant de l’automne et de l’hiver, pour faire en sorte que la saison de pêche au homard se passe bien.»

Diane Lebouthillier a également cité le premier ministre Justin Trudeau selon qui les structures portuaires doivent être adaptées aux changements climatiques. Son gouvernement a récemment annoncé un investissement de 40 millions $ pour refaire le quai des pêcheurs du port de Cap-aux-Meules, en état de décrépitude avancé. «Il va y avoir d’autre tempêtes, mais on ne sait pas quand, dit-elle. Donc les changements climatiques doivent être pris en compte dès la conception des nouveaux ouvrages.»

QUAI TEMPORAIRE PRIVÉ

D’autre part, la députée-ministre responsable de la Gaspésie et des Îles admet qu’elle a été prise de court quand les pêcheurs lui ont appris qu’ils n’avaient pas le droit de s’amarrer au fameux quai temporaire construit l’hiver dernier, pour se mettre à l’abri de Fiona. C’est que ce quai, construit pour compenser la fermeture de près de la moitié des bornes d’amarrage du port de Cap-aux-Meules en raison de la faiblesse de la capacité portante des infrastructures, est de propriété privée et Transport Canada n’en fait la location que d’avril à septembre.

«J’en ai même parlé au bureau du ministre des Transports et eux non plus n’étaient pas au courant, raconte Mme Lebouthillier. Tout le monde était sidéré d’entendre parler qu’il y avait une telle clause dans le contrat! C’est d’autant plus aberrant quand on sait très bien que la saison des ouragans, des tempêtes et des hautes marées, ça se passe entre le mois de septembre et le mois de décembre.»

Services publics et Approvisionnement Canada a versé plus de 3,4 millions $ à la firme Grandmont et Fils de Drummondville, en novembre dernier, pour la conception et la construction du quai temporaire. Selon les dires des pêcheurs, l’entreprise aurait installé des caméras pour en surveiller l’utilisation à distance.

«C’est scandaleux! », dénonce Denis Éloquin, capitaine du Avalon Voyager II et du Jean Mathieu. Il a quand même attaché ses navires au quai temporaire de Cap-aux-Meules, avant l’arrivée du cyclone post-tropical, parce que l’abri n’était pas suffisant dans leur port d’attache habituel de Grande-Entrée. M. Éloquin avait, pour ce faire, la bénédiction de Mme Lebouthillier. «J’ai dit aux pêcheurs : amarrez-vous là! C’était vraiment une question de sécurité, autant pour les pêcheurs que pour la protection des bateaux de pêche, qui valent plus d’un million de dollars.» Reste à savoir qui paiera la facture, si jamais Grandmont et Fils ose en émettre une.

ACTUALITÉ – page 2 – Volume 35,4 Septembre-Octobre-Novembre 2022

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Hélène Fauteux
Hélène Fauteux est diplômée en communications et journalisme de l'Université Concordia. Établie aux Îles-de-la-Madeleine depuis 1986, elle a développé une solide expertise en matière de pêche et de mariculture.
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