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L’industrie du crabe des neiges réagit favorablement à la hausse plus que probable des prises

L’industrie de la capture et de la transformation du crabe des neiges réagit favorablement à la hausse plus que probable de 12 % du contingent des prises admissibles de 2023 pour la zone 12 et de 7,78 % pour l’ensemble du sud du golfe. Ces hausses, appuyées sur une biomasse commerciale de 85 532 tonnes métriques, ont quelque peu surpris les pêcheurs et les transformateurs.

Les soubresauts de 2022, une année marquée par une rare réduction au début des captures de ce qui devait être un prix plancher, s’est tout de même soldée par des solides revenus pour les crabiers, mais elle a inquiété les transformateurs, alors que plusieurs d’entre eux géraient encore d’importants inventaires en février 2023.

Si le ministère fédéral des Pêches et des Océans choisit d’appliquer la règle de décision de l’approche de précaution, et opte pour un taux d’exploitation de 41,79 % de la biomasse commerciale, le contingent  de 2023 devrait se situer autour de 35 743,82 tonnes.

Alors qu’en 2022, le quota individuel s’élevait à un intervalle se situant entre  280 000 et 330 000 pour les crabiers traditionnels détenant un permis simple, une hausse de  12 % fera passer tous les pêcheurs au-delà des 314 000 livres et jusqu’à 370 000 livres. C’est sans compter les détenteurs de permis comptant un tiers ou un demi-quota de plus.

UNE RESSOURCE EN BONNE SANTÉ

Daniel Desbois, président de l’Association des crabiers gaspésiens, se réjouit de la hausse prévue du contingent en 2023.

«C’est une bonne nouvelle parce que ça nous dit que la ressource est en santé. C’est le troisième ou quatrième plus gros quota depuis que la pêche au crabe est gérée par quotas individuels, en 1990. Ça fait 44 ans dans mon cas que je suis dans la pêche et je n’ai pas vu ça souvent», aborde M. Desbois.

Il considère la hausse probable de 12 % de la zone 12 comme étant «quand même surprenante. On vivait des cycles plus prononcés avant. Le recrutement est plus fort maintenant. Il y avait de l’incertitude au sujet de la précision des relevés depuis qu’on a changé de bateau. Si on n’en trouvait pas, de crabe, ce serait pire que ça», ajoute Daniel Desbois.

Daniel Desbois exprime une certaine assurance en pensant aux deux prochaines années au sujet de la stabilité du stock de la zone 12, dans laquelle il pêche.

«Il devrait y avoir un recul pour l’année prochaine et la suivante, mais ça resterait bon. Ce n’est pas facile de mettre une formule qui permet de prédire le volume du stock à venir, mais ça semble fonctionner», dit-il en parlant des tendances générales.

Comme tous les crabiers du sud du golfe Saint-Laurent, il s’inquiète de l’arrivée hâtive des baleines noires, considérant la quasi-absence de glace observée sur la mer au cours de l’hiver 2022-2023.

«On devrait donc avoir un départ beaucoup plus hâtif. On le souhaite. Normalement, il y aura des interventions plus tôt en fin d’hiver et ce printemps, avec un brise-glace adapté à la profondeur d’eau de ce havre, Shippagan. Il pourrait faire une grande partie des chenaux en mars. Tout est en place pour commencer plus tôt, le déglaçage et la pêche, l’un allant avec l’autre», analyse Daniel Desbois.

À ceux qui croient que la hausse plus que probable de 12 % du total des prises admissibles dans la zone 12 pourrait étirer la saison, il répond : «pas nécessairement; les taux de capture sont bons au début d’avril. Si on peut profiter de cette période pour pêcher, on pourrait prendre le quota dans une période égale à l’an dernier. La pêche a commencé le 13 avril en 2022. Il y a deux ans ou trois ans, c’était le 4 avril, avec un quota très haut et la pêche avait été rapide», rappelle M. Desbois.

Les crabiers traditionnels demandent  au ministère des Pêches et des Océans d’amorcer la saison 2023 avec 25 casiers de plus, de façon à maximiser la capture avant l’arrivée des baleines noires.

«Oui, c’est déjà arrivé, en 2017, et le quota record a été atteint très rapidement à cause de ça. Si on commence dès les premiers jours d’avril, ce serait (les 25 casiers supplémentaires) pour quatre ou cinq semaines, jusqu’à l’arrivée des baleines noires et des premières fermetures de quadrilatères de protection», précise M. Desbois.

PRIX AU DÉBARQUEMENT?

Le président de l’Association des crabiers gaspésiens se montre très prudent au sujet du prix au débarquement que les pêcheurs pourraient recevoir en 2023. Il y a un an, les spéculations les plus folles faisaient grimper ce prix à 10 $ la livre au début d’avril, alors que le prix a plutôt baissé quelques jours après le lancement de la capture, pour aboutir à une moyenne de saison oscillant autour de 6,75 $. C’est quand même le second prix le plus élevé de l’histoire, et un prix plus fort que la moyenne de ce qui a été offert aux crabiers entre 2017 et 2022.

«Je prévois quand même une bonne saison. Essayer de prévoir le prix présentement est extrêmement spéculatif. C’est difficile de dire. La dynamique a changé un peu. C’est difficile de savoir ce qu’il reste comme inventaires. L’an passé, en mars, tout le monde disait qu’il n’y avait plus d’inventaires de crabe en Amérique du Nord, alors qu’il y en avait! Ils (les grossistes) ne devaient pas acheter de crabe russe (en raison du boycott découlant de la guerre provoquée par la Russie en Ukraine). Ils en ont acheté plus que jamais! Les Russes sont là depuis longtemps. Eux, c’est plus une pêche à longueur d’année qu’ils mènent. C’est très difficile de connaître leurs volumes. Mais l’Alaska n’est plus là», analyse Daniel Desbois, pour illustrer les différentes tendances susceptibles d’influencer le prix.

UN GROS VOLUME POUR UN MARCHÉ INSÉCURE

Du côté de la transformation, Bill Sheehan, vice-président de la firme E. Gagnon et Fils, voit un bon côté à la hausse probable de 12 % du contingent, parce que c’est prometteur pour l’avenir de la ressource à court et moyen termes, mais il croit aussi qu’une telle abondance rendra le marché difficile pour les usines.

«La science fait abstraction du marché, mais c’est rassurant pour la ressource! Ce n’est pas la meilleure nouvelle pour les transformateurs. Le contexte n’est pas encore facile. Le marché a subi une bonne chute depuis l’an passé. Une augmentation de quota, ce n’est pas le signal que tu veux envoyer au marché, mais c’est bon pour la santé du stock», insiste-t-il.

«Il n’y a pas de système parfait. On souhaite avoir un départ à temps. C’est beau de le donner sur papier, ce crabe, mais il faut le sortir de l’eau. L’an passé, ç’a été difficile. Les baleines arrivent de plus en plus tôt. Ça donne moins de marge de manœuvre aux pêcheurs et ça presse les usines parce que les crabiers veulent capturer le produit au plus vite», dit-il.

Située à Sainte-Thérèse-de-Gaspé, l’usine E. Gagnon et Fils devrait être dotée d’un approvisionnement atteignant approximativement 12 millions de livres en 2023, ce qui serait environ 2 millions de livres de plus qu’en 2022.

Ce sera 12 millions, plus ou moins un million de livres, en fonction des discussions avec les pêcheurs. Le contexte est capricieux. Il peut y avoir des mouvements. Nous avons eu notre plus grosse année en 2019, avec 12,9 millions de livres. C’est pas mal le maximum qu’on peut faire, considérant la dynamique de la saison parce qu’en juin, il n’y a presque plus de crabe. Ce que tu fais en juin, durant tout le mois, tu le fais durant la première semaine de transformation d’avril», explique M. Sheehan.

La mise en marché pourrait être difficile en 2023, mais Bill Sheehan est prudent dans son analyse, considérant que les rebondissements peuvent aller dans plusieurs sens. La baisse de prix de 2022, une chute de 25 % après 10 jours de capture, l’incite à cette prudence.

«Notre quota montera sans doute 7,78 % pour l’ensemble le sud du golfe. Il montera aussi à Terre-Neuve, mais je ne sais pas de combien. Le crabe russe débouche sur le Japon, où il y a beaucoup de crabe de Terre-Neuve d’habitude. Il y en aura donc plus de crabe de Terre-Neuve sur le marché américain, où les usines du Québec vendent beaucoup. C’est l’industrie nord-américaine qui paie le gros prix des ventes de crabe russe au Japon. Ç’a fait mal. Les Russes ont créé la chute de prix de l’an passé. Ils paient aussi pour le boycott, mais leur système ne fonctionne pas comme ici. L’État appuie le dumping de l’industrie», note Bill Sheehan.

La firme E. Gagnon et Fils sera bien sûr présente du 12 au 14 mars au Boston Seafood Show. Les attentes sont modérées dans un contexte de prix encore largement inférieur à celui de la même période en 2022 et d’inventaires invendus qui atteignaient à la fin de janvier près de 30 % du volume transformé le printemps passé.

«On a pratiquement tout vendu nos   inventaires maintenant, mais pas au prix qu’on aurait voulu avoir. On pensait que ça se replacerait. Il n’y a pas de meilleure stratégie qu’une autre, cette année. En 2022, personne n’a surpayé. Il aurait quand même fallu être plus prudent. Dix jours après le début de la pêche, personne ne pouvait tenir et le prix a baissé de 8 $ à 6 $ la livre. Je ne fais pas de prédiction pour un prix de début de saison; il reste du temps», dit-il.

Il hésite quant à déterminer si 2023 constituera un marché d’acheteurs ou un marché de vendeurs.

«C’est l’offre et la demande. Personne ne peut donner ce qu’il n’a pas. Le crabe finit sur le marché. La planète est petite. Les hausses de quotas augmentent le volume et ça peut donner un petit avantage aux acheteurs. Ça (le marché) va payer le juste prix. Il n’y a pas encore de monopole dans le crabe même s’il y a des gros joueurs, de plus en plus. L’an passé, quelques personnes seulement disaient qu’il restait des inventaires, mais certains ne le disaient pas et ils étaient assis sur une valeur. Cette valeur ne s’est pas matérialisée comme prévu. Le marché américain achetait pour une semaine ou un mois, au lieu d’acheter pour l’année. Est-ce que ce sera le même phénomène? Chaque année amène ses défis. Il y a eu les baleines, la covid, la pénurie de main-d’œuvre, la guerre; il y aura des défis cette année aussi», souligne Bill Sheehan.

LE SUD DU GOLFE – page 4 – Février-Mars 2023

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Gilles Gagné
Gilles Gagné, né à Matane, le 26 mars 1960. J'ai fait mes études universitaires à Ottawa où j'ai obtenu un baccalauréat avec spécialisation en économie et concentration en politique. À l'occasion d'une offre d'emploi d'été en 1983, j'ai travaillé pour Pêches et Océans Canada comme observateur sur deux bateaux basés à Newport, deux morutiers de 65 pieds. Le programme visait l'amélioration des conditions d'entreposage des produits marins dans les cales des bateaux et de leur traitement à l'usine. Cet emploi m'a ouvert des horizons qui me servent encore tous les jours aujourd'hui. En 1989, après avoir travaillé en tourisme et dans l'édition maritime à Québec, je suis revenu vivre en région côtière et rurale, d'abord comme journaliste à l'Acadie nouvelle à Campbellton. C'est à cet endroit que j'ai rédigé mes premiers textes pour Pêche Impact, à l'été 1992. Je connaissais déjà ce journal que je lisais depuis sa fondation. En octobre 1993, j'ai déménagé à Carleton, pour travailler à temps presque complet comme pigiste pour le Soleil. J'ai, du même coup, intensifié mes participations à Pêche Impact. Je travaille également en anglais, depuis près de 15 ans, pour l'hebdomadaire anglophone The Gaspé SPEC et je rédige l'éditorial du journal Graffici depuis 2007.
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