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La reprise de la pêche commerciale au sébaste de l’Unité 1 suscite à la fois satisfaction et déception aux Îles-de-la-Madeleine

Le 26 janvier devient une date à marquer à la craie blanche pour l’industrie de la pêche, avec l’annonce de la levée du moratoire imposé pendant près de 30 ans sur le sébaste de l’Unité 1 du golfe du Saint-Laurent. Avec ce feu vert tant attendu, la ministre des Pêches et des Océans (MPO), Diane Lebouthillier, autorise des captures d’au moins 25 000 tonnes métriques (T) pour chacune des saisons 2024 et 2025 qu’elle qualifie de transitoires, le temps que les pêcheurs et les industriels du Québec et des Maritimes s’équipent pour une pêcherie à plus grande échelle.

Le tonnage exact du quota de cette année et la date d’ouverture de la pêche  font présentement l’objet de discussions au comité consultatif de gestion qui se déroule du 4 au 7 mars et il regroupe essentiellement des représentants du MPO, de l’industrie, des gouvernements provinciaux et des groupes autochtones.

«Ce que j’ai annoncé pour les deux premières années, c’est pour lancer un signal clair à l’industrie de se préparer pour la pêche au sébaste de l’avenir, a souligné la ministre en conférence de presse hybride tenue depuis Rivière-au-Renard. Cette phase permettra de récolter des données, donner le temps aux flottilles de se préparer, développer davantage les marchés, renforcer la capacité de transformation et ultimement créer une valeur ajoutée au sébaste. Quant à la phase II, à la vue des données scientifiques actuelles, elle en serait une d’expansion, avec une grille  d’allocation modernisée.»

En fait, le stock de sébaste du Golfe est si abondant qu’il pourrait supporter des captures allant jusqu’à 318 000 tonnes en 2024-2025. Or malgré les pressions très fortes qui lui venaient de toutes parts pour élargir l’accès à la pêcherie, la ministre n’a que très peu modifié les parts historiques des provinces et des différentes flottilles par rapport à ce qu’elles étaient dans les années 1990.

La Nouvelle-Écosse, qui détenait jusqu’alors près de 40 % du contingent de  l’Unité 1 en sera amputée de 5,8 %, tandis que le Québec et les trois autres provinces du Canada atlantique verront leurs parts respectives rehaussées entre 0,2 % et 3,1 % et ce, de sorte à ce que les crevettiers confrontés à une baisse radicale de ressource et les Autochtones puissent toucher chacun une allocation comptant pour 10% du total autorisé des captures (TAC).

«Cette décision va non seulement procurer un revenu modeste aux crevettiers qui voudront faire la transition vers le poisson rouge, elle va aussi favoriser la réconciliation avec les peuples autochtones», a fait valoir la ministre fédérale des Pêches.

Ainsi, Diane Lebouthillier maintient pour l’instant à près 14,84 % la part de l’allocation réservée à la flotte côtière à engins mobiles constituée de navires de 65 pieds et moins, et à 5,72 % la part de la flotte semi-hauturière. En contrepartie, la flotte hauturière des bateaux de plus de 100 pieds voit son pourcentage réduit à 58,69 % pour faire place aux crevettiers et Autochtones.

«On va suivre de près la participation à la pêcherie, les enjeux de gestion qui pourraient se manifester et comment le marché du sébaste va se développer, pour qu’on puisse [éventuellement] ajuster en conséquence», a indiqué la ministre. Elle a aussi précisé que les deux paliers de gouvernement fédéral-provincial étaient en négociation pour prolonger jusqu’en 2026 le Fonds des Pêches du Québec et donner la priorité aux projets innovants liés à la pêche au sébaste.

RÉACTIONS AUX ÎLES-DE-LA-MADELEINE

Pour sa part, Madelipêche qui détenait historiquement 25 % du TAC de l’Unité 1, se félicite de la conservation des acquis. «C’est un très gros soulagement!», déclare son gestionnaire Paul Boudreau. À son avis, les deux prochaines années de transition seront pleines de défis, tant pour le développement des marchés que des capacités de capture et de transformation. «Il va y avoir des restrictions importantes sur la pêcherie en raison des baleines [noires menacées d’extinction] et des exigences en matière d’écocertification, prévoit-il. Ça va être une période de développement à une vitesse grand V.»

L’entreprise de Cap-aux-Meules détient un permis de pêche hauturière au sébaste pour opérer en simultané six bateaux de plus de 100 pieds et un permis semi-hauturier. Reste à voir si elle ira jusqu’à reconstituer une flotte de navires de plus de 100 pieds, quoique le MPO nous confirme qu’elle aura aussi la possibilité d’en subdiviser les allocations entre bateaux de 65 pieds et moins, en vertu d’un règlement administratif de longue date. Chose certaine, son gestionnaire qualifie de logique, l’allocation plancher de 25 000 tonnes, annoncée pour relancer la pêche commerciale.

«Je serais extrêmement surpris que le marché puisse prendre un quota de 80 000 tonnes la première année quand il n’y a pas de marché, fait remarquer M. Boudreau. Il faut s’organiser pour le pêcher, le transformer et le vendre; et dans un an, c’est un défi!»

Même son de cloche du côté de Fruits de Mer Madeleine, actionnaire de Madelipêche. Son président, le pêcheur Eudore Aucoin, souligne que «tout est à bâtir» au niveau de la commercialisation du sébaste. «Il y a beaucoup de poisson, oui, mais il ne faut pas étouffer le marché avec des quantités monstres, dit-il. C’est important que ce soit contrôlé et que dans deux ans on augmente les quotas quand le marché sera établi. […] Il faut juste être patient et s’assurer que le poisson rouge devienne un produit de qualité convoité et qu’il y ait un certain prix [rattaché] à ça.»

D’ailleurs, Fruits de Mer Madeleine ne sait pas encore comment elle adaptera ses installations en usine pour traiter le sébaste, ni même s’il lui faudra agrandir pour faire face à la musique. M. Aucoin raconte que son entreprise a notamment participé à la 3e édition du Salon Fourchette Bleue, du 19 au 21 février, à La Malbaie, dans la région de Charlevoix-Est, spécifiquement consacré à la valorisation du poisson rouge, afin d’aller à la rencontre de la clientèle et prendre le pouls de ses besoins. «Que veut le marché? Quels produits veulent les clients? Et donc qu’est-ce que ça va prendre comme espace, comme machines? Au fur et à mesure, ça va prendre forme. C’est le début. Il fallait d’abord qu’il y ait ouverture de la pêche, qu’on connaisse les quantités et ça, c’est fait. C’est le fun! Maintenant on travaille sur la suite!»

PARTENARIATS

Quant au pêcheur Denis Éloquin, qui a investi plus de 5 millions$ dans ses deux navires ces dernières années en vue de la reprise de la pêche commerciale au sébaste, il se déclare très satisfait du feu vert de la ministre Lebouthillier. Le pêcheur-industriel coactionnaire tant de Madelipêche que de Fruits de Mer Madeleine espère que sous cette impulsion, la diversification des activités de transformation de l’usine de l’Étang-du-Nord lui permettra d’opérer au moins six mois année. À l’instar de son confrère Eudore Aucoin, il croit aussi que des ententes devront être conclues avec l’entreprise concurrente, Les Pêcheries LéoMar, pour s’assurer que tout le poisson débarqué aux Îles puisse être traité dans l’archipel.

«Il faut absolument qu’on se prépare pour la prochaine saison pour qu’à partir de juin, on trouve des solutions pour traiter ce poisson-là aux Îles, avance M. Éloquin. Et ça va prendre des partenaires pour traiter de pareilles abondances de poisson parce que c’est du jamais vu, les quotas qui seront disponibles à la pêcherie dans les prochaines années.» «On n’est  pas là pour travailler l’un contre l’autre, renchérit le président de Fruits de Mer Madeleine. Au contraire, ça peut être bien de travailler ensemble pour le bien commun de la communauté, pour que ça devienne une pêche durable et qu’une vie se crée alentour de ça.»

Questionné à cet effet, le président-directeur général des Pêcheries LéoMar, Christian Vigneau, est parfaitement d’accord. «Qu’il y ait une possibilité de collaboration pour transformer le sébaste comme dans les bonnes années qu’on a connues ici, c’est certain qu’on voit ça d’un très bon œil, affirme-t-il. Mais il est encore un peu tôt pour voir comment ça va s’établir. […] On aimerait ça commencer à y toucher un petit peu dès cette année, par contre, ça va rester une transformation manuelle parce qu’on n’est pas capable d’équiper les usines du jour au lendemain. Mais on est content qu’il y ait enfin une ouverture. On peut commencer à travailler plus sérieusement!»

Cela dit, M. Vigneau note également que les sommes résiduelles du Fonds des pêches du Québec, totalisant 11,4 millions $, seront insuffisantes pour permettre aux usines de s’équiper en conséquence. C’est qu’il faudra non seulement développer des chaines de production automatisées pour fileter ou encore étêter et éviscérer le sébaste selon la demande du marché, il faudra aussi investir dans la valorisation des résidus qui compteront pour les trois quarts des volumes traités en usine. «On parle de plusieurs centaines de milliers de dollars, sinon de millions pour s’équiper, fait remarquer le pdg de Pêcheries LéoMar. Et il n’y a aucune mesure spécifique qui a été annoncée pour ça. Les sommes disponibles pour l’instant, c’est une bagatelle!»

DÉCEPTION CHEZ LES CÔTIERS

Par ailleurs, en ce qui concerne l’Association des pêcheurs de sébaste des Îles (APSÎ), son directeur général Jean-Bernard Bourgeois soutient que sa vingtaine de membres détenteurs de permis de pêche côtière au poisson de fond avec engins mobiles sont très déçus par le maintien de la répartition traditionnelle du sébaste entre les différentes flottilles. L’APSÎ déplore que la part des côtiers stagne à moins de 15 %, alors qu’ils comptent pour la plus importante proportion de pêcheurs actifs dans le Golfe. «Les côtiers ont 14 % et 14, divisé entre une gang ça ne fait pas grand-chose, expose-t-il. Ce n’est pas assez important pour nous donner les moyens d’aller pêcher.»

M. Bourgeois dit espérer que les membres du comité consultatif du sébaste accepteront de revoir ce partage historique, afin de favoriser un plus grand accès des pêcheurs côtiers à la ressource. Il souhaite aussi que le TAC soit entièrement réparti en quotas individuels, de sorte à garantir une rentabilité minimale à chacun. «On veut être considérés davantage pour que les quotas reviennent aux pêcheurs et non pas aux grosses entreprises comme par le passé», insiste le jeune homme.

De plus, l’APSÎ demande au MPO d’uniformiser la mesure de 65 pieds et moins à l’ensemble de la flotte côtière à engins mobiles de sorte à éliminer les différentes sous-catégories de navires de 50-45-40 pieds, moins sécuritaires pour les pêcheurs. Faute de quoi, Jean-Bernard Bourgeois est d’avis que ça condamnerait les propriétaires de plus petits bateaux à une simple pêche au sébaste à des fins d’appâts, plutôt que de les encourager à investir dans une embarcation de plus grande taille pour participer pleinement à la relance de l’industrie.

ACTUALITÉ – pages 03-04 – Volume 37,1 Février-Mars 2024

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Hélène Fauteux
Hélène Fauteux est diplômée en communications et journalisme de l'Université Concordia. Établie aux Îles-de-la-Madeleine depuis 1986, elle a développé une solide expertise en matière de pêche et de mariculture.
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