jeudi, novembre 21, 2024
AccueilNouvellesActualitésRésilience des pêches aux changements climatiques : un projet de recherche mené...

Résilience des pêches aux changements climatiques : un projet de recherche mené aux Îles-de-la-Madeleine et en Gaspésie

À quel point les changements climatiques exacerbent-ils les facteurs de stress pouvant miner la santé mentale des pêcheurs? C’est la question que se pose la docteure Isabelle Goupil-Sormany, professeure-chercheure en santé publique à l’Université Laval, dans le cadre du projet intitulé Résilience des pêches aux changements climatiques, mené simultanément aux Îles-de-la-Madeleine et en Gaspésie.

Celle qui est aussi médecin-conseil auprès de l’Institut de santé publique du Québec note que le sujet a déjà été passablement étudié chez les fermiers, également au cœur de ce qu’elle appelle «le défi mondial de l’accès aux ressources alimentaires».

«L’accès aux denrées est un élément crucial au regard de notre survie sociale et économique, énonce-t-elle. Et en tant que producteurs, les pêcheurs sont, tout comme les fermiers, les premiers groupes à être affectés par les changements climatiques. Le golfe du Saint-Laurent change très rapidement, les eaux se réchauffent, le taux d’oxygène baisse, les espèces migrent et se modifient, et je veux savoir comment ça affecte l’accès aux ressources. Quels sont les impacts pour les pêcheurs, mais surtout pour les communautés qui en vivent?»

Outre l’accès à la ressource, les contraintes psychosociales, les préoccupations économiques et les risques d’accidents sont autant d’autres sources de stress pour les pêcheurs madelinots et gaspésiens, relève pour sa part le professionnel de recherche Pierre-Alexandre Goyette du Centre de recherche sur les milieux insulaires et maritimes (CERMIM), qui collabore étroitement aux travaux de Mme Goupil-Sormany.

Il a notamment facilité la tenue de rencontres entre la professeure-chercheure et quelques pêcheurs et aides-pêcheurs de homard, en mars dernier, pour en discuter. «Par exemple, les pêcheurs sont maintenant obligés d’importer leurs appâts et ça, c’est à la fois un stress économique et d’accès à la ressource, dit-il. Ce n’est pas nécessairement lié aux changements climatiques, mais c’est en grattant qu’on se rend compte qu’il y a quand même des liens. Et mixés à la montée du coût des permis, à la crise de main-d’œuvre, ça fait beaucoup de choses qui arrivent en même temps. Ça crée une course qui les pousse à avoir nécessairement de bons résultats et tout ça, ça peut avoir des impacts [sur la santé physique et mentale des gens].»

LE POIDS DE L’INCONNU

De ses premières rencontres sur le terrain, Isabelle Goupil-Sormany retient que les pêcheurs sont néanmoins capables de s’adapter aux changements climatiques. Cependant, elle constate que les incertitudes liées aux contraintes législatives et réglementaires de plus en plus lourdes que leur impose le ministère des Pêches et des Océans (MPO) sont particulièrement angoissantes. D’autant plus que le Ministère apparaît lui-même nager en plein inconnu en ce qui concerne, par exemple, les mesures pour protéger les baleines menacées d’extinction ou l’effondrement des stocks de crevette.

«Imaginez-vous un pêcheur qui ramasse le poids de l’inconnu, dit-elle. Le Ministère impose des règles, mais les pêcheurs ne savent pas sur quoi c’est fondé, sur quelles observations, ni pourquoi ce sont eux qui en paient le prix. C’est ça qu’ils nous disent. Ils ont l’impression que les solutions mises de l’avant pour gérer les transformations des écosystèmes sont lourdes. Les conditions des permis de pêche s’allongent, les contraintes sur les équipements s’allongent, les mesures de contrôle s’allongent, les zones de pêche changent. Et donc tout ça, ça rend la pêche moins le fun, parce que personne ne consulte les pêcheurs sur la façon dont ils pourraient faire partie de la solution.  On les prive d’une liberté d’action, d’une reconnaissance de leur expertise.»

D’autres rencontres auprès des pêcheurs et aides-pêcheurs sont d’ailleurs prévues après la saison de pêche 2024, afin de pousser plus loin cette discussion amorcée ce printemps et pour l’élargir à un plus grand nombre de participants, dont les crabiers et les pêcheurs de poisson de fond. La chercheure de l’Université Laval veut aussi s’entretenir avec les membres  de leurs familles. «Stress pas stress, les pêcheurs vont aller pêcher, souligne-t-elle. Mais toutes leurs contraintes, les familles les observent. Elles sont témoin de ce que ça représente comme stress et c’est pour ça qu’elles sont une source d’information pertinente. Elles vont nous aider à mieux comprendre, parce qu’il y a le vécu et le ressenti, et les familles sont plus à même de verbaliser le ressenti que les pêcheurs.»

CONCLUSIONS EN 2025

Les résultats du projet Résilience des pêches aux changements climatiques seront présentés au public en 2025, dans le cadre de forums dont la formule reste à être identifiée. Les rencontres viseront tant à faire connaître les conclusions d’Isabelle Goupil-Sormany, qu’à bonifier collectivement ses propositions d’adaptation. «On veut que la recherche serve de levier pour ensuite penser des solutions qui vont répondre aux besoins des pêcheurs, de leurs familles et de la communauté», insiste-t-elle.

La professeure-chercheure de l’Université Laval dit aussi espérer que le MPO acceptera de participer aux discussions et qu’il se montrera ouvert à modifier son approche de gestion pour atténuer les sources de stress pouvant miner la santé mentale des pêcheurs. Elle préconise notamment l’approche de gestion Lean soutenant le concept d’amélioration continue. «C’est un processus de gestion qui vise à éliminer toutes les actions et activités qui n’apportent pas une valeur ajoutée à la finalité», expose-t-elle.

Le projet Résilience des pêches aux changements climatiques bénéficie d’un soutien de 300 000 $ sur trois ans de la part du Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies. En plus du CERMIM, y collaborent également le Centre de recherche en innovation sociale et développement durable (CIRADD), l’Association des capitaines propriétaires de la Gaspésie (ACPG), le CISSS de la Gaspésie et l’Institut de recherches économiques et contemporaines, entre autres.

Enfin, la chercheure de l’Université Laval promet aussi un éventuel projet spécifique pour étudier l’impact des changements climatiques sur la santé mentale des pêcheurs de la Côte-Nord. «Je ne les oublie pas, soutient-elle. Tout le Québec maritime est important!»

REPÈRE – page 22 – Volume 37,3 Juin-Juillet-Août 2024

300 X 250 Harnois Énergies
300 X 250 Desjardins
300 X 250 Techno Soude Marine
300 X 250 Polymos
300 X 250 Marindustriel
300 X 250 Marentrack
300 X 250 Hydraunav
300 x 250 Trinav
300 X 250 Mackay Marine
300 X 250 Lelièvre, Lelièvre et Lemoignan
300 X 250 Wajax MTU
300 X 250 Fonds régionaux de solidarité FTQ
helene.fauteux@icloud.com'
Hélène Fauteux
Hélène Fauteux est diplômée en communications et journalisme de l'Université Concordia. Établie aux Îles-de-la-Madeleine depuis 1986, elle a développé une solide expertise en matière de pêche et de mariculture.
ARTICLES RELIÉS
- Annonceurs -
300 X 250 Harnois Énergies
300 X 250 Desjardins
300 X 250 Lelièvre, Lelièvre et Lemoignan
300 X 250 Polymos
300 X 250 Marindustriel
300 X 250 Techno Soude Marine
300 X 250 Mackay Marine
300 X 250 Marentrack
300 X 250 Hydraunav
300 x 250 Trinav
300 X 250 Fonds régionaux de solidarité FTQ
300 X 250 Wajax MTU

POPULAIRES