Avec ses annonces du 6 et du 18 juin dernier concernant la mise en place de nouveaux plans d’acquisition de données sur le homard pour la zone 19 du côté nord de la Gaspésie et pour la zone 17 à Anticosti, la ministre fédérale des Pêches, Diane Lebouthillier, annonce sans détour sa position et sa volonté d’émettre dès le printemps 2025 de nouveaux permis de pêche exploratoire dans ces deux zones de pêche pour évaluer si ces stocks de homard pourraient éventuellement supporter une pêche commerciale supplémentaire, tout en assurant la conservation de la ressource.
Si certains intervenants de cette industrie considèrent cette décision comme étant politique à l’aube d’une élection fédérale quelque part en 2025, la ministre Lebouthillier rétorque qu’il s’agit plutôt d’une opportunité de développement économique incontournable en raison de la très forte croissance observée des populations de homard dans Gaspé-Nord et à Anticosti, ces dernières années. Plusieurs secteurs de ces deux vastes territoires de pêche sont encore jugés sous-exploités. «La ressource est abondante, mais je ne veux pas qu’on y pratique une surpêche. Une chose est cependant claire pour moi : on ne va pas regarder passer le homard et lui faire «bye-bye». L’objectif est de dynamiser davantage le secteur de la capture, mais aussi celui de la transformation», mentionnait la ministre lors d’un point de presse le 13 juin, à Newport en Gaspésie.
L’émission de ces nouveaux permis exploratoires en 2025, tout comme pour la zone 18 en Côte-Nord plus tôt le printemps dernier, viendra en aide à des groupes de pêcheurs en difficulté, mais aussi pour bonifier des ententes de réconciliation avec les conseils de bandes autochtones concernées de la Gaspésie et de la Côte-Nord. Des groupes de travail incluant des organisations de pêcheurs et les Premières Nations seront créés pour les zones 19 et 17 et les consultations prévues par Pêches et Océans serviront à élaborer les plans de mise en œuvre d’acquisition de données supplémentaires. Au terme de ces actions concertées, les résultats obtenus permettront ensuite d’orienter les décisions pour statuer sur le nombre de permis à émettre, leur répartition et les critères d’attribution qui seront retenus.
Fait important à souligner, un nouveau relevé scientifique sera effectué autour de la Gaspésie à l’automne et constituera également une source précieuse de données. À l’opposé, un tel relevé n’a jamais eu lieu à Anticosti et il n’est pas prévu d’en mener un à court terme, nous informe Pêches et Océans.
Bien qu’il coulera beaucoup d’eau sous les ponts d’ici le printemps prochain, on peut s’attendre à ce que les discussions à venir dans ces 2 dossiers animeront plus d’un débat, dont assurément un premier d’ordre biologique et un second d’ordre économique. En pages 10 et 11 de votre journal, vous serez à même de constater les attentes modérées et réalistes de certains groupes de pêcheurs pour assurer la survie de certains de leurs membres avec un accès possible à la ressource homard dans les zones 19 et 17. Pour sa part, sans être contre l’orientation priorisée par Pêches et Océans, le Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie, qui vieille à la défense de ses membres déjà actifs dans la zone 19, émet des mises en garde, entre autres, quant au manque de structure de réception des volumes capturés dans la sous-zone 19A, mais aussi quant à l’impact de captures additionnelles importantes qui pourraient peut-être se traduire par une baisse des prix au débarquement.
Selon les données compilées par Pêches et Océans en 2023, les captures réalisées dans les zones 19 et 17 continuent d’être impressionnantes.
Pour la zone 19 dans Gaspé-Nord, huit permis commerciaux sont exploités sur une distance d’environ 120 km de côte et répartis dans 5 sous-zones comprises entre Cap Gaspé et la rivière Manche d’Épée. L’an dernier, ces permis ont totalisé des captures de 1 331 126 livres, pour des revenus globaux de 10,5 millions $. C’est l’équivalent de 166 391 livres par entreprise de pêche et un revenu moyen de 1,3 million $. De plus, 4 permis exploratoires sont actifs sur une distance d’environ 150 km de côte dans la sous-zone 19A et qui comprend le territoire de Rivière-à-Claude à la rivière Tartigou, à l’ouest de Matane. Chacun de ces permis permet des prises de plus de 100 000 livres.
Pour la zone 17, à Anticosti, on dénombre 15 permis commerciaux dans la sous-zone 17B qui s’étend sur un territoire d’environ 400 km et couvre tout le tour de l’île, bien que la pêche s’effectue principalement dans la portion est. L’année dernière, les captures enregistrées ont atteint 2 184 887 livres, pour des revenus totaux de 16,8 millions $. Cela représente une moyenne de 145 660 livres par permis de pêche et un revenu moyen de 1,1 million $. Quant à la sous-zone 17A, qui s’entend sur une distance d’environ 100 km au sud-ouest de l’Île, un seul permis commercial est actif et soumis actuellement à une limite des captures de 15 000 livres afin d’approvisionner les résidents et les entreprises de l’île Anticosti en priorité.
Enfin, la valeur marchande de certains permis commerciaux des zones 19 et 17 atteint maintenant les 10 millions $ et plus. Un dossier à suivre.
ENTRE-NOUS – page 05 – Volume 37,3 Juin-Juillet-Août 2024