La Fédération canadienne des pêcheurs indépendants appelle le nouveau ministre fédéral des Pêches, Hunter Tootoo, à une décentralisation de la gestion des pêcheries. Son président, Christian Brun, qualifie «d’extrême frisant le ridicule», la centralisation des prises de décisions sous le précédent régime Harper. Il faut que le pouvoir décisionnel sorte de sa tour d’ivoire et revienne vers la base, dit-il.
«Il faut absolument que les pouvoirs de décisions, surtout pour les choses quotidiennes et pour les questions régionales qui touchent la pêche, reviennent dans nos régions, tout en nous consultant évidemment et en ayant cette connaissance très profonde et traditionnelle des pêcheurs et des associations», fait valoir monsieur Brun.
Il se déclare d’ailleurs confiant que le nouveau ministre libéral des Pêches et des Océans, que la Fédération attend toujours de rencontrer officiellement, saura répondre de façon satisfaisante aux attentes de changement des pêcheurs en termes d’approche de gestion. «Je pense qu’il y aura une sensibilité par rapport à la communauté, par rapport aux bénéfices qui doivent aussi rester dans les mains des gens qui vivent, qui occupent les territoires éloignés», espère-t-il.
D’ailleurs, Christian Brun a aussi de bons mots pour la précédente ministre fédérale des Pêches, la conservatrice Gail Shea, qui était très près des pêcheurs côtiers, à son avis. Il se félicite de ce qu’elle ait renforcé la notion de capitaine-propriétaire indépendant en 2014, avec l’élimination des ententes de contrôle initiée par son prédécesseur Loyola Hearn. Pêches et Océans doit néanmoins mettre en place des mesures de vérification plus poussées, parce que certains accords de contrôle des permis de pêche s’exercent toujours sous le tapis, entre détenteurs et tierce partie, affirme monsieur Brun.
UNE RENCONTRE SATISFAISANTE
Pour sa part, le directeur de l’Association des chasseurs de phoque des Îles (ACPÎM), Gil Thériault, se déclare satisfait de sa rencontre avec Hunter Tootoo, le 20 janvier, à Québec. Bien qu’il ne s’agissait que d’une brève rencontre d’introduction, il dit constater que le ministre d’origine inuite est bien au fait du dossier loup-marin.
Monsieur Thériault lui a présenté un résumé du projet pilote de développement de l’industrie du phoque gris afin d’en limiter la prédation sur les stocks de poissons. «Il a réitéré à plusieurs reprises, également, qu’il voulait baser ses décisions sur la science et sur du rationnel, rapporte le dg de l’ACPIM. Alors, si c’est le cas, il y aura une chasse au phoque gris, ça ne sera pas trop long, ça c’est certain!»
À ce propos, Gil Thériault dit avoir bon espoir d’une rencontre plus élaborée, à Ottawa prochainement, avec la garde rapprochée de monsieur Tootoo afin de faire avancer le projet de 13,2 millions $ sur six ans. L’industrie demande au MPO d’y investir 4,5 millions $ pour, à terme, favoriser la capture et le traitement intégral de 93 000 phoques gris. L’industrie est elle-même prête à y investir 7,2 millions $. «Si, avec le ministre Tootoo en place au fédéral, avec la ministre Lebouthillier de la région et avec l’adjoint parlementaire aux Pêcheries, monsieur Chevarie, au provincial, il n’y a rien qui avance dans ce dossier-là, je pense qu’on peut jeter la serviette!», pense monsieur Thériault.
CROISSANCE INSOUTENABLE
Du reste, même les membres du Conseil canadien des ministres des pêches et de l’aquaculture qualifient d’insoutenable la croissance du troupeau de phoques gris de l’Atlantique. C’est ce qu’affirme le député des Îles à l’Assemblée nationale, qui représentait Pierre Paradis à leur dernière rencontre qui se déroulait sous la présidence de monsieur Tootoo, le 21 janvier, à Montréal.
Que la population de mammifères soit passée de 10 000 à plus de 500 000 animaux au cours des 40 dernières années, et que chacun ait une consommation annuelle d’une tonne et demie de poissons, est l’un des principaux sujets de préoccupation de la plupart des ministres des pêches du pays, selon Germain Chevarie. Il dit que le ministre des Pêches et des Océans s’est alors formellement engagé à soutenir le développement de l’industrie de la chasse au phoque gris. «Pour nous permettre de diminuer le troupeau, avec tous les impacts et les conséquences sur les stocks de poissons, mais également de s’assurer qu’on puisse aussi en faire une industrie qui soit viable et fiable», explique le député.
Le chercheur scientifique Mike Hammill, de l’Institut Maurice-Lamontagne (IML), indique à ce sujet que la meilleure façon d’atteindre les phoques gris dans un objectif de réduction de leur population, c’est d’aller les chasser dans leurs colonies de reproduction. L’ironie, c’est que les deux principales colonies se trouvent à l’Île Brion, aux Îles-de-la-Madeleine, et à l’Île de Sable, au sud-est de la Nouvelle-Écosse : deux aires protégées, l’une par le ministère de l’Environnement du Québec et l’autre par Parcs Canada.
GESTION – page 25 – Volume 29,1 – Février – Mars 2016