Les homardiers madelinots doivent démontrer que leur stratégie de protection des baleines noires est mise en œuvre avec succès afin de conserver la certification du Marine Stewardship Council (MSC) de leur pêcherie. Cette condition découle du rapport annuel de surveillance publié en avril 2021 par Global Trust Certification, le sous-traitant du MSC.
Jean-Claude Brêthes, professeur émérite en biologie marine de l’UQAR-ISMER et membre de l’équipe d’audit de surveillance, précise que cette condition devra être rencontrée pour avril 2023. «Mais je ne pense pas que ça pose un problème pour les Îles-de-la-Madeleine parce qu’il n’y a jamais eu de rencontre entre les baleines noires et les pêcheurs de homard, dit-il. Les pêcheurs travaillent relativement près de la côte et, en plus, aux Îles-de-la-Madeleine, ce n’est pas vraiment une zone de concentration de baleine.»
HARMONISATION
Entretemps, Global Trust Certification a abaissé à 75, sous le seuil de passage de 80, le score de performance de la pêche au homard de la zone 22 des Îles-de-la-Madeleine, en matière de protection des baleines noires menacées de disparition, parce qu’il n’est pas encore clairement démontré que les mesures adoptées depuis le taux sans précédent de 17 mortalités enregistrées en 2017 – dont 12 en eaux canadiennes – ont eu un effet positif.
En fait, ce score vaut pour toutes les zones de pêche au homard du Canada atlantique, de même que pour la pêche au crabe des neiges de l’estuaire et du nord du golfe du Saint-Laurent, et la pêche aux crevettes du plateau néo-écossais, indique M. Brêthes. «La condition est sensiblement la même pour toutes les pêcheries, mais les plans d’action peuvent être différents compte tenu des spécificités locales», précise-t-il.
Puis, en avril 2024, son organisation évaluera si les effets combinés des mesures de protection adoptées par les différentes unités de gestion certifiées par MSC «sont connus et se situent de manière hautement probable dans la limite nationale». Le cas échéant, toutes les pêcheries concernées pourront reconquérir la note cible de 80. «Même s’il n’y a jamais eu de problème avec la baleine noire avec la pêcherie des Îles, on est obligé de tenir compte tenir compte de l’impact cumulatif de toutes les pêcheries certifiées, parce que d’autres pêcheries certifiées présentent des problèmes pour la baleine noire», explique le professeur émérite de l’UQAR-ISMER.
RECOMMANDATIONS
D’autre part, Global Trust Certification formule deux recommandations à l’Office des pêcheurs de homard et à l’Association des pêcheurs propriétaires (APPIM) des Îles, codétenteurs de la certification MSC du homard de la zone 22. La première vise à s’assurer que les captures de l’île d’Anticosti livrées dans l’archipel ne viennent pas compromettre la traçabilité des débarquements écocertifiés. En 2019 et 2020, trois des six acheteurs des Îles ont acheté un total de plus de 802 000 livres de crustacés en provenance de la zone 17B d’Anticosti. «Apparemment que ça ne pose pas de problème; il y avait juste une inquiétude, souligne Jean-Claude Brêthes. Alors, c’est pour ça qu’on a fait une recommandation plutôt que d’imposer une condition pour que les acheteurs vérifient que le homard d’Anticosti soit bien séparé du homard des Îles-de-la-Madeleine.»
La seconde recommandation de Global Trust Certification auprès des homardiers madelinots vise à améliorer la qualité des données sur la remise à l’eau des prises accidentelles de crabe commun. Leur manque de fiabilité est un problème récurrent depuis l’écocertification de la pêcherie en juillet 2013, note M. Brêthes. «Le MPO reconnaît qu’un effort devrait être fait pour l’amélioration des informations enregistrées dans les journaux de bord et de la vérification croisée de ces informations», peut-on lire à ce propos dans le rapport de surveillance 2021.
INDICES AU VERT
Cela dit, Jean-Claude Brêthes affirme que tous les indices d’abondance du stock de homard des Îles-de-la-Madeleine sont «au vert». Les débarquements de 13,4 millions de livres enregistrés en 2020, selon les données préliminaires du ministère fédéral des Pêches et des Océans, ont atteint un sommet historique, relève le rapport de Global Trust Certification.
De plus, tous les autres indicateurs démographiques et de productivité de la population des crustacés de la zone 22 sont soit en hausse ou stables. «La production d’œufs est de 3,9 fois supérieure à la moyenne de 1994-1996, période précédant la hausse de la taille minimale légale des captures», signale-t-on, entre autres.
Les audits de surveillance visent d’ailleurs à réviser tout changement concernant la gestion de la pêcherie, incluant les réglementations et le personnel clé de gestion et d’évaluation scientifique du stock. Les certificateurs considèrent également tout développement et changement dans les pratiques de pêche pouvant avoir un impact sur la traçabilité des produits MSC. «La performance de la pêcherie continue à être en conformité avec le Standard Pêcheries MSC», concluent-il.
La prochaine évaluation annuelle de la pêche au homard des Îles sera menée au printemps. Jean-Claude Brêthes et sa collègue Géraldine Criquet, qui dirige l’équipe d’audit de surveillance, tiendront des rencontres virtuelles avec les protagonistes au dossier, étant donné la pandémie de COVID-19.
CERTIFICATION – page 24 – Volume 35,1 Février-Mars 2022