Le ministre des Pêches et des Océans (MPO) annonce la création d’un groupe de travail pour élaborer une nouvelle méthode de chasse aux phoques gris. En point de presse à Cap-aux-Meules, ce printemps, il a reconnu le déséquilibre que cause la prédation des mammifères sur les stocks de poisson.
Le problème, souligne le ministre Dominic LeBlanc, c’est que l’utilisation de fusils fait fuir les animaux. «Il y a d’autres suggestions que j’ai trouvées intéressantes, dit-il. L’importance pour nous c’est d’avoir un groupe de travail, y compris des experts, des techniques, des vétérinaires, des gens qui pourront nous aviser sur la meilleure façon appropriée de chasser ces phoques»
Le ministre fédéral des Pêches est également prêt à appuyer financièrement des activités marketing pour développer les marchés des produits du phoque. M. LeBlanc refuse toutefois de soutenir financièrement un plan de réduction du troupeau, par crainte de représailles commerciales. «C’est pourquoi, moi, je veux être très prudent afin d’appuyer l’industrie, mais d’une façon durable à long terme. On est tout à fait ouvert à leurs idées, mais je veux le faire d’une façon durable, d’une façon à long terme qui va assurer un accès à de nouveaux marchés», affirme le ministre.
PENDULES À L’HEURE
Pour sa part, le directeur de l’Association des chasseurs de phoque intra-Québec, Gil Thériault, affirme que le tête-à-tête que les représentants des chasseurs de loup-marins ont eu avec Dominic LeBlanc, lors de sa visite aux Îles à la fin avril, a permis de mettre les pendules à l’heure. M. Thériault s’est notamment employé à démontrer au ministre des Pêches et des Océans que les intérêts de l’industrie de la chasse sont mal défendus, tant à Ottawa qu’à l’étranger. «Parce qu’on n’était pas présents, et quand on était présents, c’est des gens qui ne connaissaient pas le dossier qui nous représentaient. Ça n’a aucun bon sens!, s’indigne M. Thériault. Donc ça, je pense que ça l’a interpelé un peu plus.»
Il ressort également de ces échanges avec le ministre la possibilité de doter le Québec d’une enveloppe pour le développement de l’industrie de la pêche semblable à celle de 325 millions de dollars annoncée en mars, par Ottawa, au profit de la région atlantique. «Le financement, comme on sait, est toujours la pierre angulaire, fait remarquer le directeur de l’Association des chasseurs de phoque intra-Québec. Ce qu’on a dit au ministre c’est que c’est un peu difficile à avaler qu’il n’y ait pas de financement pour régler le problème de la surprédation du phoque.»
Gil Thériault indique que c’est en septembre que se tiendra la première rencontre du comité de travail, mis sur pied par Dominic LeBlanc afin d’améliorer les techniques de chasse aux phoques gris et d’en adapter la réglementation. En point de presse, le ministre a précisé que son objectif est de mettre en place les nouvelles mesures dès la saison 2018.
PÉTITION DÉPOSÉE À QUÉBEC
Par ailleurs, plus de 1660 Madelinots ont signé une pétition, cet hiver, réclamant un accès à l’île Brion pour les chasseurs de phoque. L’Office de gestion du phoque de l’Atlantique dépasse ainsi son objectif de 1500 signataires, selon son président, Denis Longuépée. Il souligne que la pétition réclame aussi des investissements substantiels dans les infrastructures de la réserve écologique et une mise à jour de son plan de conservation. «On voit encore là que c’est un souci de la communauté; ce n’est pas juste un problème de l’association des chasseurs ou bien de l’office de gestion du phoque. On pense que c’est un problème de communauté. Il faut le travailler ensemble. Alors, la première partie ç’a été de la déposer auprès de Germain Chevarie», explique M. Longuépée.
Le député libéral des Îles, qui a fait la présentation du document aux élus de l’Assemblée nationale lors de son dépôt officiel en mai, assure qu’il y souscrit entièrement. «Pour permettre la chasse, en fait, c’est de diminuer un peu le territoire de la réserve écologique de l’île Brion, expose-t-il. Je suis tout à fait favorable compte tenu qu’il s’agit, je pense, d’un dossier qui est très pertinent et justifié par rapport à la chasse aux phoques gris.»
L’ennui, c’est que le ministre David Heurtel répond qu’il «ne souhaite pas», justement, modifier les limites de la réserve écologique de l’île Brion pour y permettre le prélèvement des mammifères. Il annonce néanmoins qu’il dépêchera son sous-ministre au développement durable et à la qualité de l’environnement. Patrick Beauchesne, dans l’archipel cet été, pour entendre les préoccupations locales. Les discussions porteront aussi sur la relance du programme éducatif de la réserve écologique et sur les options de partenariat. À ce propos, le député Chevarie affirme qu’il demeure optimiste. «Pour ce qui est demandé, par rapport à la modification de la superficie de la réserve écologique de l’île Brion, c’est un dossier qui est défendable, répète le député Chevarie. Il s’agit pour nous, les acteurs, les intervenants du milieu, de présenter un argumentaire qui soit solide.»
DOUBLE DISCOURS INQUIÉTANT
Or, bien qu’il souhaiterait partager l’optimisme de Germain Chevarie, le pêcheur semi-hauturier Denis Éloquin ne s’attend pas à un changement de cap de la part du ministre Heurtel. Il dit que le double discours politique qu’il perçoit dans ce dossier n’a rien de rassurant. Le capitaine du Jean-Mathieu, de Grande-Entrée, compte au nombre des huit chasseurs poursuivis par le ministère de l’Environnement du Québec pour avoir chassé aux abords de la réserve écologique en janvier 2016. «Le ministre ne veut pas rien changer des lois actuelles sur les zones comme l’île Brion, souligne M. Éloquin. Ça fait que, s’il ne change rien dans la loi, je ne vois pas comment on pourrait avoir un accès pour aller chercher les phoques, même s’il y a une volonté, une certaine petite volonté, ici, dans le milieu.»
Cela dit, Denis Éloquin fait remarquer que les phoques gris causent des problèmes croissants aux pêcheurs. Non seulement s’attaquent-ils aux appâts des casiers à homard autour de l’île Brion, voilà qu’ils s’en prennent aussi aux casiers à crabe des neiges au nord-ouest de l’archipel. «Plusieurs pêcheurs se demandent quoi faire avec ça. Il n’y a pas grand moyen de les arrêter, déplore-t-il. Ils brisent, ils détruisent la boëtte dans les trappes, puis après, bien, les trappes ne pêchent pas. C’est en train de s’agrandir partout à l’intérieur du Golfe.»
Notons que le procès de l’escouade du Jean-Mathieu, pour chasse illégale à l’île Brion, se tiendra le 23 août au palais de justice de Havre-Aubert. Selon le capitaine Éloquin, tous ses membres ont enregistré un plaidoyer de non-culpabilité.
REPÈRE – page 19 – Volume 30,3 – Juin-Juillet-Aout 2017