Si le crabe des neiges est abondant dans la zone 17, il n’en demeure pas moins qu’il est petit. Mais, avec un quota majoré de 20 % par rapport aux débarquements de l’an dernier et un prix à la livre qui est en hausse, les pêcheurs qualifient la présente saison de bonne, voire très bonne. C’est ce que corroborent les crabiers interrogés par Pêche Impact.
La pêche au crabe de la zone 17, qui s’étend de Trois-Pistoles à Rivière-à-Claude sur la rive sud et des Escoumins à Pointe-des-Monts sur la rive nord, a commencé le 25 mars, pour une période maximale de 13 semaines. Le total autorisé des captures est de 1 674,19 tonnes en 2024 et le quota individuel moyen pour les crabiers traditionnels peut varier de 138 000 à 206 000 livres.
TAC CAPTURÉ À 80 %
Au début mai, il ne restait plus qu’un voyage à faire à Marc Doucet, lors duquel il rentrera ses casiers. Selon celui qui est aussi président de l’Association des crabiers de la zone 17, environ 80 % du tonnage de la zone 17 avait été capturé. «On est aux mêmes chiffres que l’année passée.»
«On a eu moins de beau temps en début de saison et c’est pour ça qu’elle s’étire un peu, explique le capitaine du Bic. Il y a aussi quelques pêcheurs qui ont eu des bris mécaniques. Mais quand les gars vont avoir fait une dizaine de sorties encore, je m’attends à ce que l’ensemble du quota soit capturé.»
Les rendements étaient bons en début de saison, selon M. Doucet. «Après ça, comme chaque année avec la fonte des neiges, les forts courants ont fait réduire les rendements au casier. Donc, on a dû se déplacer.»
Dans les premiers jours de mai, Simon Vallée n’avait plus que 17 % de son quota de 276 000 livres à atteindre. «Ce n’est pas si mal», estime le crabier de Saint-Ulric, qui cumulait 27 sorties en mer ce qui, selon lui, se situait dans la moyenne des saisons précédentes.
Comme le crustacé se faisait plus rare à la fin avril et au début mai, le capitaine du Corégone a dû renoncer à son souhait de clore sa saison aux alentours du 10 mai. Considérant qu’il lui reste 6 à 7 voyages à faire, il prend les choses avec philosophie, en se disant que la situation va s’améliorer.
Le discours est le même du côté de la Première Nation Wolastoqiyik Wahsipekuk. «Le début de saison était très bon et les prises par unité d’effort étaient très élevées, confirme le directeur des pêches de la communauté autochtone de Cacouna, Guy-Pascal Weiner. Mais, il y a peut-être une certaine rareté par endroit. Il y a aussi eu des vents soutenus très fréquents et des conditions houleuses au mois d’avril, même s’il y a eu de belles journées.» Alors qu’il ne restait qu’une dizaine de voyages à faire aux pêcheurs de la Première Nation, les prises étaient en baisse. «Mais dans l’ensemble, c’est une bonne saison», tient à résumer M. Weiner.
CRABE PLUS PETIT
M. Doucet a constaté que le crustacé est plus petit que les années passées. «On est passé par des quotas qui étaient très bas dans les dernières années parce que la biomasse était moins présente, explique-t-il. Maintenant, on est dans un cycle de recrutement. On a moins capturé de gros crabes comme ce qu’on voyait dans les dernières années.»
Le capitaine Vallée constate lui aussi que le crabe est plus petit. Si le directeur des pêches de la Première Nation voit de petits crabes lui aussi, ils semblent cependant moins nombreux que ce qu’ont pu observer ses collègues.
ABONDANCE DE LA RESSOURCE
Le président de l’Association des crabiers de la zone 17 observe l’abondance de la ressource favorisée par un nouveau cycle biologique. «Dans les casiers, on voit que la diversité est là. Le petit crabe et celui de taille commerciale sont beaucoup mélangés, ce qu’on ne voyait pas dans les dernières années. Il y a vraiment plus d’individus par casier. Donc, on a plus de triage à faire pour pouvoir nettoyer ce qui est en bas de la taille minimale et qui doit être remis à l’eau. On doit faire un peu plus attention.»
Quand M. Doucet compare avec les quotas sous les minima historiques des dernières années, c’est très encourageant pour l’avenir parce qu’il y a «beaucoup de stock qui s’en vient pour les prochaines années».
Simon Vallée observe également une abondance qui ne se fait cependant pas sentir sur le poids. Par ailleurs, il n’a jamais vu autant de femelles avec autant d’oeufs prêtes à pondre. S’il souligne ne pas trop s’en faire avec ces nouvelles observations, il soulève néanmoins une certaine incertitude. «Il faut rester prudent et regarder ça année après année pour voir comment la ressource se comporte et pour s’ajuster», croit le pêcheur dont le port d’attache est Matane. M. Weiner dit mesurer tout autant cette abondance de la ressource.
Prix satisfaisant
Contrairement à l’année dernière où il n’y avait pas eu d’ajustement, le prix de départ a été fixé en fonction de la réaction des marchés. Le prix a donc été réajusté au fur et à mesure que la saison a progressé. Au débarquement, il était de 2,50 $ la livre. Peu de temps après, il a été majoré à 3 $ la livre. «On s’attend à ce qu’il soit encore augmenté à 3,25 $ ou 3,50 $ d’ici la fin de l’année», espère le capitaine Doucet.
Selon Guy-Pascal Weiner, le prix de départ a cassé le moral de ses troupes. Mais, la déception a rapidement fait place aux réjouissances lorsque le prix a été majoré. «On avait vraiment besoin d’une bonne nouvelle, considérant qu’il n’y a plus de turbot ni de crevette. Finalement, les conditions de marché s’annoncent supérieures à ce qu’on anticipait. Ce n’est pas un crabe à 5 $, mais ça va.»
Quoi qu’il en soit, le directeur des pêches est lucide. «C’était correct que les prix ne soient pas trop élevés au débarquement pour aider les partenaires industriels et pour ne pas garder trop de dollars dans le congélateur. Mais il fallait que les ajustements subséquents soient rapides et c’est ce qui est arrivé.»
L’ESTUAIRE DU SAINT-LAURENT – page 10 – Volume 37,2 Avril-Mai 2024