jeudi, novembre 21, 2024
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Des espoirs aux inquiétudes et réalités désarmantes

Le début d’une saison de pêche est souvent porteur d’espoirs, parfois parsemé d’inquiétudes de façon ponctuelle, mais aussi de réalités désarmantes qui nous laissent croire que des jours meilleurs ne sont pas nécessairement pour demain. Dans ce dernier cas, lorsque la situation s’étire sur l’ensemble d’une saison, ça devient plutôt préoccupant sans penser aux conséquences potentielles et néfastes pour les années suivantes, surtout lorsque certains stocks de crustacés et de poissons de fond sont déjà sous la loupe depuis un certain temps pour plus d’une raison.

C’est pourtant la triste réalité que nous observons avec les crises actuelles qui sévissent dans les secteurs de la crevette, du turbot et du hareng d’automne et qui sont déstabilisantes à plusieurs égards.

D’abord, ni les pêcheurs ni les transformateurs y ont trouvé un minimum de rentabilité acceptable en pratiquant leurs activités quotidiennes en 2023. Il n’était donc pas surprenant qu’en cours de saison que certains de ces acteurs aient carrément décidé de lancer la serviette. Pire encore, ces ressources marines précieuses subissent soit un déclin d’abondance plus qu’alarmant ou encore une disparition inattendue de l’écran radar des eaux de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent.

Au cours des prochaines semaines et des prochains mois, grâce à la réalisation de ses derniers relevés scientifiques effectués en août et jusqu’au début septembre, le secteur des sciences tentera à nouveau d’apporter des réponses encore plus précises aux questionnements des gens de l’industrie de la crevette et du turbot qui sont de plus en plus nombreux.

Dans le cas de la crevette, il faut souligner l’initiative de la ministre Diane Lebouthillier d’exiger aussi rapidement qu’à la fin octobre le dépôt du rapport de la dernière évaluation scientifique de l’équipe de biologistes de l’Institut Maurice-Lamontagne. Un tour de force impensable il n’y a pas si longtemps. Il faut applaudir le dévouement de cette équipe de travail. Une revue par les pairs scientifiques pour débattre du contenu et des conclusions de cette évaluation en cours est déjà programmée pour la fin octobre. Pour sa part, les membres du Comité consultatif de l’industrie de la crevette du Golfe se réuniront lors des premières semaines de novembre pour discuter de l’avenir de cette pêcherie à court terme et pour statuer sur des recommandations de faibles quotas potentiels pour chacune des quatre zones de pêche en 2024, s’il y a lieu.

Bien que personne ne s’attend à un revirement spectaculaire de la situation actuelle du jour au lendemain, les gens concernés voudront essentiellement obtenir les précisions et les éclaircissements les plus justes possibles aux questions suivantes : le réchauffement climatique et tous ses impacts continueront-ils d’affaiblir encore davantage la productivité de chacun des stocks de crevette? La forte prédation de la crevette effectuée par le sébaste risque-t-elle de s’amplifier encore plus à court et moyen termes en sachant que la majorité de la population de sébaste a atteint une taille minimale commerciale où la crevette devient son principal garde-manger? A-t-on observé une nouvelle cohorte de crevette à quelque part qui pourrait être porteuse d’espoir à un moment donné? Et finalement, que l’on pratique une pêche minimale ou non en 2024, qu’elles en seront les conséquences immédiates sur l’état des stocks de crevette?

Quant à savoir si elle procèdera à une fermeture partielle de la pêche ou qu’elle imposera un moratoire complet des activités de capture en 2024, en tenant compte des conclusions et des recommandations de la dernière évaluation scientifique, la ministre Lebouthillier a promis une réponse au plus tard en janvier prochain. Une décision qu’elle souhaite concertée avec les principaux acteurs impliqués qui ne se fera pas justement sans heurts parce que l’application d’une nouvelle approche de précaution de la ressource, qui tiendra maintenant compte des effets des changements climatiques, pourrait avoir un effet dévastateur sur les prochains niveaux de prélèvement de la crevette si une pêche minimale devait être maintenue.

À ce sujet, certaines organisations du secteur de la capture ont déjà laissé savoir qu’elles défendront l’option d’une pêche minimale au détriment d‘un moratoire complet. Personne ne veut revivre l’expérience de la morue du golfe du Saint-Laurent. Certaines communautés côtières souffrent encore d’une gestion erratique pratiquée à l’époque par le ministère fédéral des Pêches. Du côté du secteur de la transformation, le maintien d’activités en usine est aussi loin d’être d’assuré avec des quotas aussi faibles et qui ne cessent de diminuer depuis trop longtemps. Au Québec, a-t-on besoin de rappeler, que lors des bonnes années d’abondance de la crevette, les usines pouvaient transformer de 12 à 15 millions de livres annuellement. Maintenant, elles ne peuvent plus se contenter du quart ou du tiers des  volumes d’autrefois sur une longue période.

Ce contexte particulier de l’industrie de la crevette nous expose aussi à une autre réalité plus qu’évidente et nous amène à se poser une question que les gens n’aiment pas nécessairement entendre en période de crise, surtout lorsque l’on ne peut pas prévoir avec exactitude la durée de la période de turbulences actuelle. Y a-t-il lieu de penser à rationaliser le nombre de joueurs actuels pour les secteurs de la capture et de la transformation de façon adéquate et réfléchie en fonction de la ressource disponible et d’en mesurer tous les impacts? Pourquoi? Parce qu’à court terme, la surcapacité observée des activités de capture et de transformation risque de perdurer et la rentabilité des entreprises restera difficilement atteignable. Et surtout, parce que les solutions miracles n’existent tout simplement pas.

Comme solution temporaire et urgente, les crevettiers aimeraient bénéficier d’un accès prioritaire à la réouverture prochaine de la pêche commerciale au sébaste. Une mince consolation parce que toute cette industrie est à reconstruire sur des bases solides. Quant aux trois usines de transformation du Québec, deux d’entre elles sont actuellement spécialisées que dans des opérations pour la crevette et qu’une diversification de leurs activités exige une certaine planification et période de temps préalables. L’importation de crevettes étrangères peut s’avérer une option là aussi temporaire, mais pas à n’importe quel prix.

Le ministre québécois responsable des Pêcheries, André Lamontagne et la ministre Diane Lebouthillier se sont rencontrés pour une première fois le 24 septembre dernier, à Montréal, pour discuter principalement des difficultés que connaissent certaines pêcheries en Gaspésie. Le Fonds des pêches du Québec, qui dispose encore d’une enveloppe de plus de 20 millions $ et dont la durée du programme arrive à échéance à la fin mars 2024, pourrait servir de coffre à outils pour aider certains secteurs d’activités présentement en  position précaire. La ministre Lebouthillier a démontré une ouverture à la requête de son homologue provincial à ce que la durée du programme en question puisse être prolongée jusqu’en 2026 pour le dépôt de projets structurants et innovateurs. À suivre.

En ce qui concerne la pêche au turbot, personne ne s’attendait à des résultats de capture aussi catastrophiques du printemps dernier jusqu’à ce jour. Pour le moment, personne ne semble avoir de réponses pour expliquer la disparition soudaine du turbot des eaux du golfe du Saint-Laurent.

Certains des pêcheurs actifs ont navigué à plus d’une reprise l’ensemble du territoire de la zone de pêche sans obtenir de résultats satisfaisants. Quelques hypothèses sont avancées sans certitude pour le moment. Le réchauffement climatique est l’une de ces hypothèses soulevées qui pourrait faire en sorte que la migration habituelle du turbot n’est plus du tout la même que celle prévalant lors des années antérieures.

Même si cette pêcherie a elle aussi connu des hauts et des bas ces dernières années, ses activités de capture et de transformation, principalement du côté nord de la Gaspésie, affectent grandement les entreprises concernées. C’est du jamais vu!, affirment les intervenants qui dépendent en bonne partie de cette industrie. La ministre Lebouthillier a mentionnée qu’une nouvelle évaluation scientifique du turbot sera complétée au cours des prochains mois et qu’elle fera l’objet de discussions cet hiver avec les tous les acteurs impliqués.

ENTRE­-NOUS – page 5 – Volume 36,4 Septembre – Octobre – Novembre 2023

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