Passer son brevet de Capitaine classe IV en temps de pandémie, c’est faire face à une multitude d’imprévus. Ce jeune couple de capitaines fraîchement diplômés ne s’était jamais douté que les délais associés à la COVID-19 feraient coïncider leur examen final avec la naissance de leur enfant, un événement qui a touché le personnel de l’École des pêches et de l’aquaculture du Québec (ÉPAQ) à Grande-Rivière.
Wendy Beck-Donahue est fille de pêcheur et relève pour l’entreprise familiale. Depuis plus d’une décennie, elle participe aux activités de capture à bord du homardier de son père. Afin de prendre le relais au sein de l’entreprise, elle a amorcé, l’hiver dernier, le processus pour obtenir son brevet de Capitaine classe IV. Son conjoint et coéquipier de travail, Jimmy-Lee Bourget, s’inscrit avec elle. Leur objectif est qu’il conduise le bateau en tant que capitaine, et qu’elle poursuive ses activités sur le pont en tant que capitaine-propriétaire.
La COVID-19 vient toutefois chambouler le déroulement de leurs études. En mars 2020, tout est arrêté. Le couple pêche tout le printemps et s’attend à reprendre les classes à l’automne afin d’atteindre leur objectif. Wendy et Jimmy-Lee conjuguent leur parcours scolaire et leur vie de parents avec brio, composant avec les obligations et la fatigue. C’est qu’ils ont déjà trois enfants et un quatrième est en route et doit se pointer le nez à la fin février.
Or, les choses ne se déroulent pas comme prévu. «On s’attendait à reprendre nos cours cet automne, mais finalement ça a été remis à cet hiver. Je pensais que je serais au milieu de ma grossesse, mais, vu le report, c’était à la toute fin!», explique Wendy. Il a fallu resserrer l’horaire d’apprentissage. «Normalement, on aurait étudié une trentaine d’heures par semaine, mais ç’a été condensé en une quarantaine d’heures», raconte le père de famille, Jimmy-Lee, qui a dû jongler avec la vie de famille et les études, tout en aidant sa conjointe dans la fin de sa grossesse.
L’examen oral final en présence de l’examinateur de Transports Canada à l’ÉPAQ était prévu le jeudi 25 février. Sauf que deux jours plus tôt, soit le mardi matin, Wendy se rend à l’hôpital pour un examen et a apprend que son accouchement va être provoqué. Elle avise alors la conseillère pédagogique de l’ÉPAQ, Lison Laflamme Trudel. Celle-ci lui propose de reporter son examen en mars, moment où l’évaluateur de Transports Canada serait de retour. «Elle m’a dit qu’elle verrait comment se passerait la journée avant de demander un report», souligne Mme Laflamme Trudel. «Le lendemain, elle m’envoie un message pour me dire qu’elle sera là jeudi à 8h, avec une photo du bébé [en pièce jointe], ajoute-t-elle, ébahie. On aurait voulu inventer ça pour faire un film et on n’aurait même pas pu!»
Le jour de l’examen, Wendy et Jimmy-Lee arrivent accompagnés de leur bébé de 36 heures. «On était prêts, donc on a décidé de passer l’examen quand même. C’est certain que j’étais fatiguée, mais je me sentais capable de le faire», affirme la maman qui en a impressionné plus d’un lors de son arrivée à l’ÉPAQ. Jimmy-Lee n’avait pas beaucoup plus de sommeil qu’elle à son actif, ayant pris le relais à la maison avec toute la logistique entourant l’accouchement de Wendy.
Finalement, l’examen s’est bien déroulé pour les deux membres du couple qui ont obtenu leur brevet de Capitaine classe IV dans les circonstances les plus surprenantes. Ils sont repartis à la maison avec une double raison de célébrer. Le petit Blake a fait son entrée dans la vie de la famille juste à temps pour fêter, avec ses deux parents, l’obtention de leur brevet. Deviendra-t-il pêcheur comme eux? Plongé dans le bain dès sa naissance, les paris sont ouverts. «J’en serais très contente», s’exclame sa mère qui a déjà hâte de reprendre la mer dans quelques semaines, si elle arrive à trouver une gardienne.
Malgré la pandémie et ses aléas, une histoire comme celle-ci a ravivé le sourire du personnel comme des étudiants de l’ÉPAQ derrière leur masque. Et parions que la famille au complet a aussi le sourire fendu jusqu’aux oreilles en constatant qu’un brillant futur les attend.
COUP DE CŒUR – page 22 – Volume 34,1 Février-Mars 2021