jeudi, novembre 21, 2024
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Diagnostiquer la qualité du homard vivant avant sa commercialisation : le projet HOMADIAG

Des travaux de recherche sont en cours aux Îles-de-la-Madeleine, depuis ce printemps, afin de diagnostiquer la qualité du homard vivant avant sa commercialisation.  Le projet HOMADIAG est mené par Merinov, en collaboration avec l’Université du Québec à Rimouski (UQAR) et Fruits de Mer Madeleine. Il a été élaboré à la demande de l’entreprise de l’Étang-du-Nord qui a perdu d’importants volumes, en 2019 en particulier, en cours de transit par camion-remorque entre l’archipel et le marché de Boston.

«Ç’a été un des épisodes majeurs, mais à chaque année il y a des pertes qui ne sont pas toujours expliquées, raconte sa directrice qualité et certification et cochercheure du projet, Pascale Chevarie. Et quand on envoie une remorque de homard, il y a 40 000 livres à bord. Multiplié par le prix du homard, c’est assez important pour qu’on se pose des questions.»

Déjà, l’industrie dispose d’un lecteur du taux de protéine sanguine du homard, déterminé par l’indice de Brix, qui permet de diagnostiquer ses réserves énergétiques en protéines avant son transport vers les marchés. Alors que cet indice varie normalement entre 5 et 14 au cours de la saison de pêche, certains acheteurs exigent un indice de 9 et plus, explique la biologiste Noémie Pelletier, professionnelle de recherche chez Merinov. «Avec un bon taux de protéine, une bonne réserve énergétique, le homard est capable de survivre à un long trajet», expose-t-elle.

Or, d’autres facteurs, comme le taux de lactate dans le sang du homard, qu’on appelle plus précisément hémolymphe, ou encore une contamination à l’histamine, pourraient aussi influencer l’état de santé des crustacés. Le projet HOMADIAG se penche donc sur ces deux hypothèses, comme sources potentielles de stress métabolique pour les crustacés, afin de doter l’industrie de nouveaux outils technologiques faciles d’utilisation pour en déceler la présence, avant l’envoi du produit sur les marchés.

LACTATE

D’une part, le lactate se développe dans l’hémolymphe du homard en réponse à une exposition trop prolongée à l’air libre qui le prive d’oxygène. L’équipe de Merinov-UQAR cherche entre autres à déterminer s’il y a effectivement une étape où les concentrations de lactate sont plus importantes, entre la capture en mer et le transport des crustacés jusqu’au vivier de Fruits de Mer Madeleine sur la Pointe de Havre-aux-Maisons. Pour se faire, la chercheure Camille Berthod de l’UQAR procède d’abord à des échantillonnages à bord des bateaux de pêche, où elle prélève un peu d’hémolymphe sous la queue d’un lot spécifique de crustacés, pour en connaître l’état initial. Puis, on répète les prélèvements sanguins à l’arrivée à quai, après la journée de pêche, et à l’arrivée au vivier.

«On vérifie également si le temps de contention en vivier, entre 12 et 24 heures, est suffisant pour ramener les taux de lactate à des taux respectables», indique Mme Berthod. La chercheure précise cependant que la présence de lactate dans le sang du homard n’a aucune incidence pour les consommateurs. «Mais, si le homard est en manque de beaucoup d’oxygène et qu’il a des taux de lactate importants, on va peut-être le transformer tout de suite au lieu de lui imposer un autre trajet vers les marchés», enchaine Noémie Pelletier.

HISTAMINE

L’histamine, elle, se développe dans la chair des maquereaux utilisés comme appât lorsque la chaîne de froid, pour leur conservation optimale, fait défaut. L’équipe de Merinov associée au projet HOMADIAG cherche ainsi à vérifier si cette contamination des poissons dégradés se transmet au homard. Tout comme pour le lactate, on procède à une ponction d’hémolymphe qu’on analyse ensuite avec un kit de test rapide de laboratoire.

«S’il n’y a pas d’histamine dans l’hémolymphe du homard, alors les méthodes de conservation des appâts sont suffisamment bonnes pour qu’il n’y ait pas d’impact sur les crustacés, souligne Mme Berthod. Dans le cas contraire, un seuil de concentration en histamine pourrait être établi, comme pour les poissons, et vérifié grâce au kit mis en place au cours de ce projet, pour s’assurer de la qualité du homard. Il est observé qu’au-delà d’un certain seuil dans la chair des poissons, l’histamine peut provoquer une réaction pseudo-allergique temporaire chez l’humain.»

De plus, la chercheure de l’UQAR profite de l’occasion pour tester en bassin le comportement alimentaire du homard. Elle expose les crustacés, qu’elle filme jour et nuit, à deux sources de maquereau, frais et contaminé, pour voir s’ils en font la distinction. «Ce volet de la recherche est vraiment novateur, dit-elle. Si nous observons une sélection de nourriture selon la qualité de l’appât, ces données seront très utiles pour l’industrie.»

OUTIL SIMPLE D’UTILISATION

Tant pour déceler l’histamine que le lactate dans l’hémolymphe du homard, on utilise un kit de laboratoire capable d’en déterminer les concentrations exactes. L’intérêt de la recherche en cours, c’est qu’on pourrait peut-être utiliser un outil plus accessible pour les industriels de la pêche. Dans le cas du lactate, par exemple, il s’agit d’un petit appareil dont se servent les sportifs de haut niveau pour mesurer leur taux de lactate sanguin comme moyen de contrôle de leur entrainement et de leurs performances en compétition. Il ressemble en tout point à celui utilisé par les personnes diabétiques pour suivre leur taux de sucre. «Quand on fait nos tests de protéine, pour l’indice de Brix, on a aussi un petit bidule semblable», fait remarquer Pascale Chevarie.

Déjà, les recherches démontrent que cet outil de lecture du taux de lactate dans le sang humain est aussi efficace pour l’hémolymphe du homard. «Ça fonctionne bien, mais on doit vérifier en laboratoire si les concentrations sont exactes, indique Camille Berthod. Parce qu’on obtient les mêmes variations qu’avec le kit de laboratoire, mais il faut encore comparer jusqu’à quel point il est précis.»

Les travaux de recherche portent sur des échantillonnages de 60 homards chacun, prélevés au large de Grande-Entrée, Pointe-Basse et L’Étang-du-Nord. Trois séries sont analysées, du début de saison, puis de la moitié et de la fin de saison. Les résultats seront connus à la fin juillet. «Ce qui est intéressant c’est qu’à partir d’une seule ponction d’hémolymphe, on peut faire nos trois bio-tests de protéine, de lactate et d’histamine, relève Pascale Chevarie. Et ce sont aussi des tests qui sont non destructifs, qui ne causent pas la létalité du homard. On n’a pas besoin de sacrifier les individus échantillonnés.»

FRONT

Signalons que le projet HOMADIAG est financé à hauteur de 100 000 $ par le programme Impulsion du Fonds de recherche du Québec – Nature et Technologie (FRQNT), lancé l’an dernier par le gouvernement Legault pour soutenir la relance de l’industrie bioalimentaire en temps de pandémie. Le projet de Merinov, porté par le chercheur industriel Nicolas Toupoint, et réalisé en étroite collaboration avec le chercheur agroalimentaire.

En plus de l’UQAR et de Fruits de Mer Madeleine, le Centre d’expertise en gestion des risques d’incidents maritimes (CEGRIM) est également partenaire du projet, afin de suivre le développement de nouvelles techniques qui pourraient potentiellement être adaptées afin de déterminer la salubrité de la ressource en cas d’incidents maritimes impliquant des matières dangereuses. « Le CEGRIM joue un rôle d’expert-conseil au gouvernement du Québec pour améliorer l’état de préparation des communautés et de l’industrie des pêches et de l’aquaculture commerciales, en se dotant des meilleures pratiques avec les partenaires et en participant au développement et à l’acquisition des nouvelles connaissances dans ces secteurs» mentionne Robin Bénard, adjoint exécutif au CEGRIM et ancien chercheur de Merinov.

Martin Toulgoat, conseiller en communication chez Merinov, estime de plus que le projet HOMADIAG pourrait éventuellement mener à un label de qualité spécifique à l’industrie du homard des Îles. «En faisant les bio-tests avant sa mise en marché, pour garantir que le homard est capable de subir le stress de la manutention et du transport de longue durée, ça va non seulement permettre à l’industrie de limiter ses pertes et d’être plus rentable, mais aussi d’offrir un produit dont la qualité est garantie, et de se démarquer de la concurrence.»

RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT – Volume 35,3 Juin-Juillet-Août 2022

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Hélène Fauteux
Hélène Fauteux est diplômée en communications et journalisme de l'Université Concordia. Établie aux Îles-de-la-Madeleine depuis 1986, elle a développé une solide expertise en matière de pêche et de mariculture.
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