Tout chalutage sera interdit dans l’éventuelle aire marine protégée (AMP) des Îles-de-la-Madeleine. C’est ce qui ressort d’une déclaration du ministre des Pêches et des Océans, Jonathan Wilkinson, prononcée à l’occasion du Sommet des champions de la nature, à Montréal, le 25 avril dernier.
Selon Susan Mark, responsable de la gestion des océans à l’Institut Maurice-Lamontagne, son discours se voulait la réponse officielle au rapport du Comité de conseil national sur les normes concernant les AMP, déposé en septembre dernier. «Les recommandations qu’avait soumises le comité de conseil étaient pour l’ensemble des aires marines protégées fédérales, et c’est ça que le gouvernement du Canada a décidé de suivre, dit-elle. C’est un comité indépendant, que le gouvernement avait mis en place.
Ainsi, si le projet d’aire marine protégée des Îles-de-la-Madeleine allait de l’avant, les engins mobiles tels que les dragues à pétoncles, les dragues hydrauliques à palourde et les chaluts à plie seraient interdits. Quant aux engins de fond qui ne sont pas mobiles, comme les casiers à homard et à crabe, ils feraient l’objet d’une analyse au cas par cas. «En fait, les normes se prononcent effectivement uniquement pour les engins mobiles de fond, alors que pour tous les autres engins de pêche, on déterminerait en fonction de leurs risques pour l’atteinte des objectifs de conservation s’il y aurait une interdiction ou pas», précise Mme Mark.
De plus, avec le projet de Loi C-55 qui a reçu la sanction royale le 27 mai, Pêches et Océans Canada a modifié sa Loi sur les océans afin de renforcer la protection des écosystèmes marins en péril. Pour le ministre Wilkinson, cela signifie tout secteur où se trouvent des fonds marins et une vie marine rares.
Ainsi, désormais, tout nouveau projet de protection d’un écosystème marin menacé fera l’objet d’un gel d’empreinte de cinq ans. Le ministre des Pêches et des Océans explique qu’elle vise à accélérer la protection des zones visées, en attendant qu’on en définisse les stratégies de gestion à long terme. «Les activités qui se passent dans une région maintenant, peuvent avancer pendant la période de gel, dit-il. Mais il n’y a pas d’opportunités pour les nouvelles activités.
Jonathan Wilkinson indique que la mesure vaut tant pour les futures zones de protection marine (ZPM), que les futurs aires marines protégées (AMP) et refuges marins. «C’est seulement pour les zones dans lesquelles il y a des aspects très spéciaux, souligne le ministre. C’est seulement pour quelques places. Et, quand nous avons un intérêt de parler du sujet d’une zone marine protégée, nous devons avoir des consultations avec les pêcheurs, avec les autres gens qui ont un intérêt.»
Le gouvernement du Canada a pris des engagements internationaux à l’effet de protéger 10 % de ses océans d’ici l’an prochain. Le ministre Wilkinson se félicite de ce que ce taux soit passé de moins de 1 % en 2015, à 8,3 % cette année.
Entretemps, la pêche à la drague et au chalut de fond est déjà interdite sur le Banc-des-Américains, au large des côtes gaspésiennes. La mesure découle de la création, en mars, de la première zone de protection marine du golfe, d’une superficie de 1 000 kilomètres carrés, qualifiée de carrefour biologique pour de nombreuses espèces, dont certaines en voie de disparition, comme les baleines et le loup tacheté.
La députée de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine et ministre du Revenu national, Diane Lebouthillier, fait valoir qu’elle est l’aboutissement de 10 ans de négociations fédérales-provinciales. «Ce qui va permettre de protéger les espèces fourragères qui viennent nourrir des poissons; qui viennent protéger, aussi, les baleines. C’est des milieux de reproduction et de protection d’espèces qui sont en péril», assure-t-elle.
Or, bien que la pêche aux engins fixes soit quand même permise dans le secteur, les crabiers des Îles-de-la-Madeleine ne le fréquentent pas, selon Denis Éloquin. Le capitaine du JEAN MATHIEU s’inquiète malgré tout de la multiplication des fermetures de zones, à certaines pêcheries du golfe, pour protéger la biodiversité. «Ils ont fermé les premières zones dans le sébaste pour protéger les coraux et éponges; je ne pense pas que ça va rouvrir un jour, fait-il remarquer. Les baleines, ça fait deux ans; c’est encore pareil cette année. C’est sûr que c’est inquiétant au niveau des pêches. On perd du terrain.»
Notons qu’avec la protection du Banc-des-Américains, le gouvernement du Québec atteint à peine 2 % de son propre objectif de protéger 10 % de ses milieux marins d’ici 2020. Le projet d’aire marine de 17 000 kilomètres carrés englobant les Îles-de-la-Madeleine, sur la table depuis 15 ans, permettrait à lui seul de répondre à cet engagement.
Toutefois, selon le maire des Îles-de-la-Madeleine, Jonathan Lapierre, la dernière rencontre du comité directeur de ce projet d’AMP, sur lequel il siège, remonte à 2014. Parcs Canada, qui pilote le dossier, indique à ce propos que les travaux qui mèneront à son établissement se poursuivront vraisem-blablement au-delà de 2020. D’ailleurs, son éventuel projet de règlement, pour la création de cette aire marine protégée, devra faire l’objet d’une consultation publique par le biais de la Gazette officielle du Canada. Une consultation préalable est également prévue dans l’archipel.
REPÈRE – page 23 – Volume 32,3 Juin-Juillet-Août 2019