L’Association québécoise de l’industrie de la pêche (AQIP) a tenu son 46e congrès annuel à Québec les 14, 15 et 16 janvier sous le thème Les défis de l’industrie de la pêche. Si l’événement a suscité une forte participation des gens du secteur de la transformation des produits marins de l’ensemble du Québec maritime, il n’a pas pour autant calmé certaines inquiétudes.
Chaque dîner-conférence a attiré une centaine de personnes et le banquet de clôture a réuni 225 convives.
Selon le directeur général de l’AQIP, Jean-Paul Gagné, le thème retenu par le conseil d’administration de l’organisme faisait notamment référence à la morosité observée dans l’industrie de la pêche, particulièrement celles à la crevette et au turbot.
«Les quotas sont très bas, se désole M. Gagné. La capture du turbot est faible, de telle sorte que des pêcheurs abandonnent le plan conjoint. C’est dire la gravité de la situation! Concernant la crevette, on n’a pas de contrôle sur ce qui se passe dans le fond de l’eau; sa situation est critique.» Quoi qu’il en soit, l’homme demeure optimiste, ne pouvant s’empêcher de rêver d’un retour de ces deux espèces.
Imposition possible des tarifs douaniers
Le congrès n’a pu se soustraire d’un sujet brûlant d’actualité : l’imposition possible de tarifs douaniers par les États-Unis de l’ordre de 25 % à l’endroit des exportateurs canadiens à l’aube d’une nouvelle saison d’activités de capture et de transformation des produits marins. Cette menace du président Donald Trump reportée au 2 avril suscite à la fois l’incertitude de chacun et l’inquiétude des transformateurs québécois de poissons et de fruits de mer, puisque près de 80 % de leurs exportations sont destinées au marché américain.
«On sait que les premiers ministres provinciaux et le premier ministre fédéral s’en occupent, soulève M. Gagné. Mais, j’ai l’impression que pour un certain temps, on risque d’avoir cette taxe et que ces effets pourraient être dévastateurs pour notre industrie. Qu’on parle du crabe des neiges, du homard et de la crevette, l’ampleur de l’impact de ces tarifs douaniers est différent d’une espèce à l’autre en raison de leur niveau des ventes sur le marché américain. Donc il y a une inquiétude qui règne. Il faut trouver des solutions pour que les pêches demeurent le moteur économique des régions maritimes du Québec par l’exploitation d’autres ressources qui sont peut-être moins connues, particulièrement le sébaste, dont on remarque une certaine abondance.»
Dîners-conférences
Une forte assistance a été remarquée lors des dîners-conférences. Le premier avait pour thème Comment se préparer aux impacts incontournables et croissants des changements climatiques ? Il était animé par une spécialiste du domaine, Anne Blondlot d’Ouranos.
Le deuxième dîner-conférence a été prononcé par Jean-Pierre Dubé de Coboom. Il portait sur l’adaptation de l’industrie de la pêche aux changements climatiques.
C’est Geneviève Turbide Potvin, première vice-présidente de la Banque Nationale, secteur entreprises et gestion privée, qui a été la tête d’affiche du dernier dîner-conférence placé sous le thème Perspectives économiques 2025. «Elle ne s’est pas gênée pour nous faire part des torts de la société et des décisions qui ont été prises dans les derniers temps», mentionne le directeur général de l’AQIP.
Des séances d’information ont été offertes. La première a été donnée par la directrice générale d’Aliments du Québec, Isabelle Roy. «La grande majorité des entreprises adhèrent à Aliments du Québec, précise M. Gagné, qui siège au conseil d’administration de l’organisme. C’est une marque reconnue sur le marché québécois. Il y a des mesures pour nous aider, même monétairement, à la promotion de certains produits.» Le dirigeant de l’AQIP a d’ailleurs profité du moment pour demander la collaboration de l’organisme pour la promotion du sébaste. «C’est un nouveau produit qu’on met sur le marché. Donc on a besoin d’Aliments du Québec.»
La deuxième séance d’information a été présentée par Guillaume Morissette. Intitulée 20 000 térabytes sous les mers : l’intelligence artificielle au service de l’inventaire des fonds marins, l’activité a porté sur une invention servant à détecter la ressource dans les profondeurs marines, dont le homard.
Une période d’échanges entre les congressistes et le nouveau sous-ministre ad- joint aux pêches du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ), Yvon Doyle, a permis de connaître les priorités du ministère à court et moyen termes. «Il a expliqué la façon dont il voyait sa fonction, rapporte M. Gagné. Il a envie de travailler avec l’industrie et il participe aux différents comités; il est vraiment informé. On retient qu’il devrait être à l’écoute. Comment cela va-t-il se traduire? On va le savoir bientôt.»
Assemblée générale annuelle
Une inquiétude s’est dégagée de l’assemblée générale annuelle quant à un permis de transformation délivré l’an dernier à une coopérative de pêcheurs des Îles-de-la-Madeleine. «Est-ce que les pêcheurs vont commencer à former des coops pour faire la commercialisation des produits?, s’interroge M. Gagné. Est-ce quelque chose qui va se perpétuer? Il y a des gens qui ont travaillé fort, qui ont beaucoup investi, qui ne font pas partie d’une coop de pêcheurs, qui ont des entreprises à capital-actions et qui font vivre les pêches depuis le début. On a une intervention à faire au ministère à ce sujet.»
Lors de la réunion du conseil exécutif qui a suivi l’assemblée générale annuelle, un nouveau président a été élu sans opposition pour succéder à Bill Sheehan qui, après cinq ans, a souhaité ne pas solliciter un nouveau mandat. Le nouveau président est Olivier Dupuis des Pêcheries gaspésiennes, de Rivière-au-Renard. Ruth Taker, directrice générale, de la Coopérative des pêcheurs Cap Dauphin aux Îles-de-la-Madeleine, a été reconduite au poste de vice-présidente. Les autres membres de l’exécutif sont demeurés les mêmes.
Dans son discours, le président sortant de l’AQIP, M. Sheehan, a expliqué la situation qui sévit actuellement dans le secteur des pêches et l’importance de cette industrie en Gaspésie et dans l’ensemble des régions maritimes du Québec.
Discours des ministres des Pêches
En clôture d’événement, les ministres des Pêches André Lamontagne et Diane Lebouthillier se sont adressés aux congressistes. «Le ministère provincial a dit qu’il serait présent, retient le directeur général de l’AQIP, pour qui il s’agissait de son dernier congrès, considérant qu’il quittera ses fonctions le 31 mars. Mme Lebouthillier a dit la même chose. On attend des résultats concrets. Ils prennent des engagements qui doivent être réalisés! Ils parlent de mettre des programmes en marche. Ce sera plus simple que de répondre à des demandes individuelles, parce qu’il va y avoir des demandes qui vont arriver de toutes parts.»
ÉVÉNEMENT – page 22 – Volume 38,1 Février-Mars-Avril 2025