mardi, avril 1, 2025
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La biomasse commerciale du crabe des neiges chute de 24 % et le contingent global diminuera de 29 %

L’évaluation des stocks de crabe des neiges réalisée à la fin de l’été 2024 révèle une baisse de biomasse commerciale de 24 % dans le sud du golfe Saint-Laurent. Il s’agit d’une seconde chute majeure de biomasse en autant d’années, puisque le relevé de 2023 s’était soldé par une chute de 21 % par rapport à celui de 2022.

La biomasse disponible à la pêche de 2025 s’est établie à 51 786 tonnes métriques l’été dernier, comparativement à  67 731 tonnes en 2023, précise le biologiste Tobie Surette, du ministère fédéral des Pêches et des Océans.

«Le crabe des neiges passe à travers des cycles, des hauts et des bas d’abondance. Le crabe est encore dans la phase décroissante de son cycle. Entre 2018 et 2022, la biomasse se situait de 78 000 à 85 000 tonnes métriques», précise M. Surette.

À 67 731 tonnes métriques, le relevé de 2023 se situait dans la moyenne de la biomasse depuis que des évaluations annuelles ont commencé à Pêches et Océans Canada, en 1983.

À des fins de comparaison, Tobie Surette signale que lors du creux le plus inquiétant des 20 dernières années, en 2009-2010, les relevés de biomasse de crabe des neiges avaient situé le stock à un intervalle de 31 000 à 35 000 tonnes métriques, soit environ 20 000 tonnes de moins que maintenant.

«Le crabe évolue selon des cycles de 10 ans. Il y avait aussi eu d’autres creux en 1989-1990 et en 1998-1999», note le biologiste comptant 25 ans d’expérience dans l’évaluation du crabe des neiges.

La biomasse commerciale, à 51 786 tonnes, se répartit selon des proportions très variables entre les zones 12, 12E, 12F et 19, avec une nette avance pour la première. Ainsi, le relevé de l’été 2024 conférerait une biomasse de 42 090 tonnes à la zone 12, puis 717 tonnes à la zone 12E,  3 395 tonnes à la zone 12F et 5 271 à la zone 19. Un solde d’un peu plus de 350 tonnes est réservé à un secteur non-assigné et à des zones-tampons.

Tobie Surette prévient que les relevés de Pêches et Océans Canada ne se traduisent pas automatiquement en contingents prévisibles par les gestionnaires du ministère.

Toutefois, si on applique la règle de décision associée à l’approche de précaution adoptée depuis un peu plus de 20 ans en matière de gestion du crabe des neiges dans le sud du golfe Saint-Laurent, un taux d’exploitation de 35,73 % serait imposé à la biomasse commerciale de 2025. Le contingent du sud du golfe s’établirait donc à 18 503,14 tonnes métriques cette année.

Dans la zone 12, le contingent atteindrait 15 086,81 tonnes, comparativement à 261,71 tonnes dans la zone 12E, puis 1 273,94 tonnes dans 12F, et 1 889,68 tonnes dans la zone 19.

En 2024, un contingent de 22 626,39 tonnes avait été accordé à la zone 12, puis de 204,88 tonnes dans la zone 12E, de 1 868,25 tonnes dans la zone 12F et de 1 427,06 tonnes dans la zone 19, pour un total de 26 126,59 tonnes globalement. La baisse globale serait de 29,18 % cette année si ce scénario est approuvé.

Au printemps 2024, les gestionnaires de Pêches et Océans Canada, en accordant un contingent de 26 126,59 tonnes métriques, ont dépassé de 1,6 % le contingent théorique qui aurait découlé de l’application stricte de la règle de décision inhérente à une biomasse commerciale de 67 731 tonnes. Ce contingent théorique était de 25 710,72 tonnes.

Cette différence de proportion entre le fléchissement de la biomasse commerciale de 24 % découlant du relevé théorique de 2024 et la perte hypothétique de contingent de 29,18 % vient du fait que le taux d’exploitation a été ajusté à la baisse en raison de la façon dont l’approche de précaution a été définie.

Un contingent de 18 503,14 tonnes en 2025 s’approcherait d’une probabilité modérée que le stock commercial se retrouve dans la zone de prudence, selon l’appellation consacrée par l’approche de précaution. Cette situation découlerait en partie de la marge d’erreur assez forte établie par l’équipe scientifique de Pêches et Océans Canada.

La marge d’erreur déterminée à partir de la biomasse de 51 786 tonnes du relevé de l’été 2024 atteint environ 5 800 tonnes, à la hausse comme à la baisse. C’est une proportion de 11,26 %.

Pas de premier creux historique

Pêche Impact a demandé à Tobie Surette pourquoi la baisse de biomasse des relevés de 2023 et de 2024 semblait si subite, considérant que la dernière décennie avait surtout été marquée par des hausses ou par des périodes de stabilité faisant abstraction de creux sérieux comme celui de 2009-2010.

En réponse, Tobie Surette a précisé «que le dernier creux remontait à 2009-2010, et que de 2011 à 2022, la biomasse avait atteint de 78 000 à 85 000 tonnes, une période forte. La biomasse est une fonction de la quantité de petits crabes en train de grandir pour atteindre la taille légale, et il y en a moins».

Est-ce que le crabe des neiges, comme d’autres espèces, pourrait subir les effets des changements climatiques et des conditions environnementales, facteurs qui généreraient un impact sur la productivité du stock du sud du golfe?

Tobie Surette répond que ses collègues et lui suivent d’assez près les variations de températures de l’eau, et il affirme que la situation du sud du golfe Saint-Laurent ne se compare pas à celle de la mer de Béring, qui borde l’Alaska, où de très fortes chutes du stock et une hausse importante de la température de l’eau sont documentées.

«Dans le sud du golfe, on parle de fractions de degrés. On voit des endroits marginaux qui semblent présenter des températures trop chaudes. On ne voit pas d’impact majeur dans les zones où le crabe est abondant. Tout (les changements) a l’air plutôt modeste, mais on garde un œil là-dessus», précise le biologiste.

Les observations réalisées lors du relevé de 2024 semblent ainsi indiquer une diminution des crabes juvéniles.

«Le relevé donne de l’information démographique. De 2019 à 2021, on a vu des quantités impres-sionnantes de petits crabes. Ces crabes prennent cinq, six ou sept ans avant d’arriver dans la pêche commerciale. Une fraction de ce recrutement est en train de subir une mortalité. On essaie de déterminer le mécanisme (qui influence la diminution de petits crabes). On voit trois raisons. Il y en avait tellement que la quantité de nourriture ne pouvait soutenir cette population. Il a éclos et (il a) grandi dans des endroits moins propices pour le crabe, ou il pratique du cannibalisme. Quand les gros crabes ont faim, ils peuvent manger les petits crabes», explique Tobie Surette.

Le moment n’est pas venu de s’inquiéter à outrance, ajoute le biologiste, qui exclut pour le moment les fluctuations découlant des changements climatiques ou d’autres facteurs environnementaux.

«Les fluctuations sont sans doute dues à du cannibalisme, au lieu des mécanismes de changements climatiques, et à des  mortalités non-expliquées», avance Tobie Surette.

Le recrutement de 2024 a donc atteint un seuil sous la moyenne, mais «les recrues devraient contribuer à augmenter le stock d’ici deux ou trois ans. Si ça (la baisse de recrutement) continue, ça deviendrait     inquiétant», ajoute-t-il, spécifiant que les quantités de petits crabes de 2018 à 2022 laissaient présager un éventuel boum de recrutement.

Température de l’eau

Tobie Surette est loin de nier qu’il y a un réchauffement de l’eau dans certaines  parties du golfe du Saint-Laurent mais il précise que pour le moment, ce réchauffement frappe davantage les secteurs de faible et de grande profondeur, ce qui inclut la couche d’eau avoisinant les rivages, où la profondeur est généralement faible.

«On voit des signes de réchauffement importants; le homard évolue dans la couche d’eau chaude supérieure. L’habitat du crabe des neiges se trouve sous cette couche chaude, dans une couche plus profonde, de 120 à 150 mètres. Sous 150 mètres, on voit aussi une couche d’eau plus chaude. La couche d’eau où vit le crabe est prise en sandwich. Il y a réchauffement plus modeste de la couche intermédiaire où évolue le crabe», spécifie M. Surette.

La limite de tolérance du crabe des neiges se situe à une eau de 5 à 6 degrés Celsius. «Il préfère (une température) sous 3°, les larves aiment une température encore plus froide», ajoute le biologiste.

La formation tardive des glaces et l’absence de glaces, n’ont pas encore eu d’impact sur la couche d’eau dans laquelle vit le crabe des neiges, assure-t-il.

Et 2026 ?

Pêche Impact a aussi demandé à Tobie Surette ce à quoi les principaux acteurs du secteur du crabe des neiges dans les zones peuvent s’attendre en 2026, entre la stabilité ou une autre baisse.

«Notre prévision, et ça dépend du TAC (total admissible des captures en 2025), c’est qu’on prévoit une autre baisse pour l’an prochain, de 51 700 à 43 000 tonnes métriques», dit-il prudemment.

Depuis quelques années, les biologistes étudiant le golfe du Saint-Laurent ont remarqué une acidification de l’eau, un phénomène qui pourrait avoir un effet à long terme sur la solidité des carapaces de crustacés. Est-ce un phénomène observable jusqu’à maintenant?

«On fait quelques études à ce sujet. L’impact se situe moins sur les larves que sur les gros crabes. Les crabes flottent dans la colonne d’eau; ça pourrait créer des problèmes mais jusqu’à maintenant, le crabe des neiges semble montrer une tolérance à ça», dit Tobie Surette.

Doit-on être inquiet dans l’immédiat au sujet de l’avenir du crabe des neiges dans le sud du golfe? Est-il voué à un déclin comme la crevette, le turbot et les poissons pélagiques comme le hareng et le maquereau?

Tobie Surette note que des redressements d’espèces sont possibles, comme dans le cas du flétan atlantique.

«À court terme, on suit la situation sur une base annuelle. Pour le portrait à long terme, si les eaux continuent à se réchauffer sur 20, 30 ou 50 ans, il y aura un impact. Il y a un stock au sud du nôtre, en Nouvelle-Écosse; on devrait le savoir avant», remarque le biologiste.

Les femelles crabes ne sont pas pêchées et pour le moment, cette situation n’est pas inquiétante, précise Tobie Surette.

«La quantité demeure haute mais le recrutement de nouvelles femelles matures a été bas. On pensait qu’on aurait plus de recrues femelles» mentionne-t-il.

«On est sous la moyenne et dans une période de décroissance (mais) on est dans un cycle qui devrait aller en croissance d’ici deux ou trois ans» résume-t-il en conclusion.

LE SUD DU GOLFE – pages 3-4 – Volume 38,1 Février-Mars-Avril 2025

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Gilles Gagné
Gilles Gagné, né à Matane, le 26 mars 1960. J'ai fait mes études universitaires à Ottawa où j'ai obtenu un baccalauréat avec spécialisation en économie et concentration en politique. À l'occasion d'une offre d'emploi d'été en 1983, j'ai travaillé pour Pêches et Océans Canada comme observateur sur deux bateaux basés à Newport, deux morutiers de 65 pieds. Le programme visait l'amélioration des conditions d'entreposage des produits marins dans les cales des bateaux et de leur traitement à l'usine. Cet emploi m'a ouvert des horizons qui me servent encore tous les jours aujourd'hui. En 1989, après avoir travaillé en tourisme et dans l'édition maritime à Québec, je suis revenu vivre en région côtière et rurale, d'abord comme journaliste à l'Acadie nouvelle à Campbellton. C'est à cet endroit que j'ai rédigé mes premiers textes pour Pêche Impact, à l'été 1992. Je connaissais déjà ce journal que je lisais depuis sa fondation. En octobre 1993, j'ai déménagé à Carleton, pour travailler à temps presque complet comme pigiste pour le Soleil. J'ai, du même coup, intensifié mes participations à Pêche Impact. Je travaille également en anglais, depuis près de 15 ans, pour l'hebdomadaire anglophone The Gaspé SPEC et je rédige l'éditorial du journal Graffici depuis 2007.
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