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La population de pétoncles géants des Îles-de-la-Madeleine est en hausse selon les observations de Pêches et Océans Canada

La population de pétoncles géants des Îles-de-la-Madeleine a repris du poil de la bête, ces dernières années. C’est l’heureux constat du ministère des Pêches et des Océans, selon qui le principal indicateur d’évaluation de la ressource – que sont les prises par unité d’effort (PUE) de la pêche commerciale – est passé d’une valeur moyenne à une valeur élevée entre 2019 et 2022.

Le biologiste Rénald Belley de l’Institut Maurice-Lamontagne (IML), qui en signe l’évaluation scientifique 2020-2022 rendue publique à la fin août, explique que c’est la réduction de l’effort de pêche des 21 détenteurs de permis de l’archipel qui a largement contribué à cette amélioration. Depuis 2021, ils se limitent à un total de 230 jours en mer, contre 299 jours en 2020 et 322 jours au cours de la période 2013-2019, ce qui représente une baisse graduelle de 28,5 %.

«En diminuant le nombre de jours de pêche, ça a fait qu’il restait un petit peu plus de pétoncles commerciaux sur les fonds, et ça nous a permis d’inverser la tendance, se réjouit-il. Déjà en 2021, les résultats de notre relevé scientifique post-saison étaient très encourageants et ç’a été confirmé l’année passée en 2022, puis encore une fois cette année. Tout le monde s’accorde pour dire que la population est dans la zone saine depuis l’an dernier, alors qu’on était dans la zone de prudence à l’époque.»

Selon les données provenant des journaux de bord des pêcheurs commerciaux de pétoncles des Îles, les prises par unité d’effort ont ainsi progressé de 73 %, pour atteindre un rendement moyen de 1,94 kg/h·m en 2022, par rapport à 1,11 kg/h·m en 2020. Quant aux relevés annuels post-saison de l’IML, ils servent principalement à mesurer la densité des individus restés sur le fond, comme indice secondaire sur l’état du stock. «Aux Îles, ce qui est particulier, c’est qu’on ajuste le nombre de jours de pêche annuellement, indique M. Belley. C’est basé principalement sur le rendement des pêcheurs, puis c’est aussi ajusté à la hausse ou à la baisse en fonction du relevé scientifique le plus récent. Des fois, ils ont eu un bon rendement, mais il n’en reste plus beaucoup sur le fond et donc il faut diminuer. Ça peut aussi être qu’ils ont eu une bonne pêche et qu’il y en a encore beaucoup et qu’on peut augmenter encore un petit peu.»

BONS INDICATEURS 2023

À ce propos, le biologiste de l’IML assure que les données préliminaires de sa mission 2023 menée du 11 au 25 août à bord du Leim, sont positives. Est-ce que cela   signifie que les pêcheurs madelinots peuvent espérer un ajustement à la hausse de leur nombre de jours de pêche pour les années à venir? «Possiblement, oui, répond Rénald Belley. Il est un peu tôt pour dire ça parce que les données ne sont pas analysées, mais ce qu’on voit dans le relevé, c’est qu’il reste quand même de bonnes densités et des individus quand même de grande taille. Mais en même temps, c’est aussi important de laisser des bonnes densités sur le fond et, en plus, des individus de plus grande taille, parce que pour la reproduction, plus le pétoncle est gros, plus il va produire d’œufs, poursuit le scientifique. La production d’œufs augmente de façon exponentielle avec la taille. Et plus ils sont concentrés, plus il y a de chances que les œufs soient fécondés dans la colonne d’eau.»

M. Belley se félicite d’ailleurs de la «très bonne collaboration» avec les pêcheurs, qui ont contribué à la mise en place de la règle de décision du nombre de jours de pêche, adoptée conjointement avec la gestion des pêches et les sciences en 2010. «Et souvent les pêcheurs sont eux-mêmes plus prudents que les recommandations des sciences, relève-t-il. Pour eux c’est parfois mieux de prendre un jour de pêche en moins chacun, parce que plus la saison avance, moins leur rendement est bon. Leur meilleur rendement va toujours être en début de saison et plus ils vont pêcher, moins il va rester de pétoncles. Donc, c’est moins profitable pour eux s’il en reste moins sur le fond et ça un impact sur leur nombre de jours pour l’année suivante.»

RECRUTEMENT

D’autre part, bien que la mission scientifique de suivi du stock de pétoncle des Îles soit traditionnellement menée avant la ponte des mollusques, l’IML constate qu’un certain nombre d’individus ont une reproduction hâtive. Rien n’indique, toutefois, que ce soit lié à la température croissante de l’eau du golfe du Saint-Laurent. Rénald Belley mentionne à ce propos que ses relevés par traits de drague Digby se font à plus ou moins 30 mètres de profondeur, sur 62 sites d’échantillonnage répartis sur les fonds de pêche traditionnels de la Chaine de la Passe, du Dix milles et de l’Ouest. «En général, toute la population pond en même temps, mais il y a toujours certains spécimens qui pondent avant et donc, il n’y a rien de spécial à cette année. Ça fait juste partie de la diversité naturelle de la population que d’avoir des individus plus précoces que les autres.»

Autrement, il ressort des relevés scientifiques 2023 qu’une forte cohorte de recrutement observée deux ans plus tôt est toujours présente sur les fonds ratissés par le Leim. «On avait trouvé des bonnes densités de petits en 2021 et on voit cette cohorte qui est en train de grandir, rapporte le biologiste. On voit ces petits qui ont grandi dans les endroits où on s’attendait à les voir.»

Cela dit, le recrutement de très petits pétoncles se présente plus faible qu’espéré sur le fonds de l’Ouest, cette année. «On n’en a pas vu beaucoup, admet Rénald Belley. Je dirais que c’est le seul petit bémol. Mais, vu qu’on ne couvre pas tout le secteur à 100 %, peut-être que les recrues sont ailleurs.»

PARASITE

De plus, l’IML a entrepris cette année des travaux de recherche pour documenter la présence d’un parasite, le polychète, au sein du stock de pétoncles géants de l’archipel. M. Belley, qui fait le suivi scientifique de la ressource depuis 2019, précise que ce type de ver marin est surtout visible sur les gros mollusques d’un certain âge. «À l’œil, comme ça, je dirais que je n’en ai pas vus plus qu’à l’habitude, dit-il. C’est juste normal d’en voir. Mais on veut mieux comprendre ce phénomène-là. On veut en connaître l’impact et suivre ça un peu mieux dans le temps.»

Est-ce que ce parasite pourrait nuire à la reproduction du pétoncle, tout comme le font deux types d’infestations parasitaires qui touchent le buccin – un autre mollusque – et en affectent tant la reproduction que la croissance et la survie? «Je dirais qu’en général, c’est plus la pêche ou des changements environnementaux, que seulement un seul parasite, qui pourraient être problématiques pour le pétoncle, avance Rénald Belley. Du moins, en ce qui concerne le polychète. D’après moi, il est là depuis longtemps; il n’est pas apparu dernièrement.»

Malgré tout, le chef de mission de l’IML reconnaît que le parasite, qui fait des petits trous sur la coquille des pétoncles, pourrait avoir un effet sur la reproduction des mollusques. «Ça pourrait avoir un effet parce le pétoncle va essayer de refermer ce genre de petite cavité-là, que le polychète fait dans la coquille. Donc le pétoncle va investir de l’énergie à réparer sa coquille au lieu de l’investir dans ses gonades et son muscle», concède-t-il.

Les analyses de l’IML sur ce parasite du pétoncle seront menées en laboratoire par la chercheure en écophysiologie Catherine Couillard. C’est cette même scientifique qui a aussi fait les analyses sur les parasites du buccin, mentionne Rénald Belley. Son équipe lui a fourni un échantillonnage de 60 gros pétoncles vivants, gardés à bord du bateau  dans des «condos climatisés» et ensuite transportés vivants par avion, afin de lui permettre de mener à bien son enquête. «Premièrement, on veut savoir de quelle espèce de polychètes il s’agit. Et on va les étudier en détail pour en déterminer l’effet sur le muscle et sur l’état physiologique du pétoncle en général. Chose certaine, ça n’a pas d’effet sur la qualité du muscle, souligne le biologiste. Qu’il y ait ou non des polychètes, ça ne dérange pas du tout la qualité du produit [de consommation humaine].»

BILAN DE SAISON

Enfin, notons que c’est en février prochain que l’IML produira son rapport sur la mise à jour des indicateurs de l’état des stocks de la zone 20A des Îles-de-la-Madeleine, afin d’aider à la prise de décision sur le nombre de jours de pêche qui sera alloué à la flottille en 2024.

Selon les données de pêche commerciale 2023, les débarquements de la flottille de pêche des Îles ont augmenté de 28 % par rapport à la saison 2022, avec un total de près de 494 000 kg. Ce volume compte pour 91 % des prises totales de  pétoncles du Québec, également pêchés en Gaspésie et sur la Côte-Nord. En comparaison, 67 % des débarquements provenaient des Îles en 2022, contre 31 % pour la Côte-Nord et 2 % pour la Gaspésie.

Pour ce qui est du prix payé à quai, il était de 5,54 $/kg, dans l’archipel cette année. Il s’agit d’une baisse de 2 cents la livre par rapport à l’an dernier. À l’échelle du Québec on parle plutôt d’une valeur moyenne de 5,47 $/kg, en hausse de 44 cents par rapport à 2022.

LES MOLLUSQUES – page 27 – Volume 36,4 Septembre – Octobre – Novembre 2023

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Hélène Fauteux
Hélène Fauteux est diplômée en communications et journalisme de l'Université Concordia. Établie aux Îles-de-la-Madeleine depuis 1986, elle a développé une solide expertise en matière de pêche et de mariculture.
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