L’Association québécoise de l’industrie de la pêche (AQIP) a tenu son 45e congrès annuel les 16, 17 et 18 janvier à Québec sous le thème «45 ans d’évolution et de révolution». «Le congrès a été très apprécié, estime le directeur général. Avec 225 participants, l’achalandage a égalé ou peut-être même dépassé celui de l’an dernier», évalue Jean-Paul Gagné.
Celui-ci n’aurait pu demander mieux. «Les commentaires étaient excellents. On n’a eu aucun commentaire négatif.» L’événement a suscité une forte participation des gens du secteur de la transformation des produits marins de l’ensemble du Québec maritime avec, pour trame de fond, des sujets liés notamment à la crise actuelle qui sévit dans les secteurs de la crevette et du turbot. Il a également été question d’une reprise de la pêche au sébaste et des mesures d’aide d’accompagnement des deux paliers de gouvernement pour faciliter la diversification des activités de transformation.
PROGRAMMATION APPRÉCIÉE
Durant trois jours, de fortes assistances étaient au rendez-vous pour les dîners-conférences portant sur le portrait de l’industrie des pêches au Québec, l’état des connaissances actuelles relativement aux effets des changements environnementaux observés sur les espèces du Saint-Laurent et l’adaptation à un nouveau contexte de l’économie et des marchés.
Par ailleurs, les séances d’information intitulées «Rayonner à l’international» et «Vers une économie circulaire, un modèle émergent» offertes par Exportation et Développement Canada ainsi que celle portant le titre «Investissement Québec au service de l’industrie de la pêche» ont attiré de nombreux congressistes.
Le dirigeant de l’AQIP estime aussi que la conférence sur la situation des pêches au Québec, présentée par Coboom, figure parmi les faits saillants de l’événement. «Ça nous oriente pour l’avenir et sur les actions à prendre. On sait qu’actuellement, on a une diminution des captures de homard en Nouvelle-Écosse. Ça avait commencé l’année passée. Il faut prévoir qu’un jour ou l’autre, avec le réchauffement de la planète, ça puisse arriver dans notre coin. Les changements climatiques ont une grosse influence.»
«45 ANS D’ÉVOLUTION ET DE RÉVOLUTION»
En plus d’en profiter pour tenir son assemblée générale annuelle, l’AQIP n’a pas manqué de souligner son 45e anniversaire, ce qui en fait la plus ancienne association de transformateurs de produits marins au Canada, selon M. Gagné.
Pourquoi avoir choisi le thème «45 ans d’évolution et de révolution»? «Parce que nos entreprises se sont toujours adaptées aux nouvelles technologies, répond le directeur général de l’AQIP. Actuellement, on est dans une offensive de transformation numérique.»
Les pêches ont aussi connu une véritable révolution, ne serait-ce que par les moratoires sur la pêche à la morue et au sébaste. «Les gens se sont adaptés et, à part une usine qui a fermé, toutes les autres ont survécu en se diversifiant. Il y a eu des bouleversements et on est passé à travers.» Cela fait dire au dirigeant de l’AQIP que ses membres sauront traverser la tempête qui sévit actuellement dans la pêche à la crevette et au turbot en diversifiant leurs activités.
SOLUTIONS
Selon M. Gagné, des pistes de solution émergent. Des comités ont été formés. «On est très actif, confirme-t-il. Ça avance pour garder les usines en opération et conserver les emplois.»
De plus, l’AQIP s’est engagée à être proactive dans le secteur de l’économie circulaire en ayant fait une demande auprès du Consortium de recherche et innovations en bioprocédés industriels au Québec (CRIBIQ) afin que l’entièreté du sébaste puisse être transformée. «C’est une priorité parce que la saison est à nos portes», insiste le porte-parole de l’organisme, qui a bon espoir que la demande soit acceptée.
Le cas échéant, au moins deux industriels se rendront en Islande et au Portugal pour observer les techniques et la machinerie utilisées dans leurs usines pour transformer le sébaste au complet. «C’est autant pour améliorer le sort des pêcheurs que des industriels», spécifie M. Gagné.
En collaboration avec Coboom et grâce au programme Action-Climat du ministère de l’Environnement, de la Lutte contre les changements climatiques, de la Faune et des Parcs, l’AQIP travaille également sur un projet visant à trouver des solutions pour les régions affectées par les changements climatiques. «On prend tous les moyens, tout comme les pêcheurs», fait valoir M. Gagné.
DÉFI
À court terme, le plus gros défi pour le secteur de la transformation des produits marins du Québec maritime consiste à définir par quoi remplacer la crevette dans les usines. «Il faut régler ça, lance M. Gagné. On avait quand même un marché intéressant [pour la crevette], particulièrement au Québec et en Europe.» Est-ce que la crevette congelée peut être une solution de rechange? «On va regarder ça sérieusement», indique M. Gagné. Aussi, le marché pour le homard et le crabe des neiges ne présente aucune inquiétude, selon lui. «C’est aussi ce que nous disent les spécialistes et les scientifiques.»
Cinq usines sont déjà intéressées par le projet en collaboration avec le CRIBIQ. La commercialisation est cependant à faire, de l’avis de M. Gagné. «Les efforts de commercialisation et la mise à niveau des usines de transformation de poisson de fond vont coûter cher», prévient-il en outre. Il ne lui reste plus qu’à espérer l’aide des gouvernements. Il se console néanmoins que les supermarchés Metro et Sobeys accueillent déjà favorablement le produit.
CONCERTATION ET SOLIDARITÉ
Il ne fait pas de doute que, selon Jean-Paul Gagné, le contexte fragile actuel de l’industrie de la pêche force un meilleur maillage, voire une plus grande concertation entre toutes les entreprises du secteur de la transformation pour lancer de nouveaux projets. «C’est incroyable comme les entreprises de transformation et les pêcheurs se parlent de façon très encourageante. La solidarité entre tous les industriels est impressionnante, même s’ils sont tous des concurrents. Ça a été remarqué au congrès. Dans le coin de Rivière-au-Renard, il y a une belle entente. Des fois, ça prend un problème pour avoir une meilleure communication et c’est ce qui se passe en ce moment.»
Dans son discours prononcé au congrès, la ministre des Pêches et des Océans, Diane Lebouthillier, a d’ailleurs mentionné que les problèmes dans l’industrie de la pêche allaient se régler ensemble, a retenu M. Gagné. «On avait besoin qu’elle nous dise ça», laisse-t-il tomber. Du côté du MAPAQ, il garde en mémoire l’éventualité de programmes d’aide soulevée par le ministre André Lamontagne.
NOUVEAU DIRECTEUR GÉNÉRAL DE L’AQIP
L’année en cours sera la dernière de Jean-Paul Gagné à la direction générale de l’AQIP. Son successeur est déjà en poste depuis le 8 janvier. Détenant une vaste expérience comme fonctionnaire au sein des deux paliers de gouvernement et comme consultant à son compte, Michel Paradis détient un baccalauréat en droit et un autre en administration. Originaire de Rivière-du-Loup, l’homme de 55 ans vit à Québec.
«C’est une personne qui a une bonne formation et un bon vécu, résume M. Gagné. Il lui s’agira de s’acclimater aux divers plan conjoints.» Dès l’ouverture de la pêche, le nouveau directeur général fera une tournée des industriels afin d’apprendre à bien connaître ses membres et leurs besoins.
ÉVÉNEMENT – page 14 – Volume 37,1 Février-Mars 2024