Traditionnellement, à la mi-mars, la tenue annuelle du Boston Seafood Show est l’occasion privilégiée pour les transformateurs du Québec maritime et du Canada atlantique pour rencontrer plusieurs de leurs clients basés un peu partout à travers la planète. L’objectif principal recherché demeure toujours le même, soit celui d’obtenir l’heure juste quant aux conditions de mise en marché des produits de la mer transformés ou encore à l’état vivant qui risquent de prévaloir à quelques semaines du début d’une nouvelle saison d’activités.
Ces rencontres incontournables entre les transformateurs canadiens et les acheteurs étrangers, qui se déroulent en temps normal dans un climat de confiance et de respect mutuel, se traduisent habituellement par de bonnes négociations qui mènent en bout de ligne à la conclusion d’ententes gagnantes pour chacune des parties concernées.
Toutefois, il est déjà acquis que la 43e édition du Boston Seafood Show, qui aura lieu du 16 au 18 mars, se déroulera cette fois-ci dans un contexte fort différent de celui des dernières années. Le déclenchement observé d’une guerre des tarifs mondiaux n’augure rien de bon pour notre industrie des poissons et fruits de mer. La menace la plus forte et la plus inquiétante est celle du président américain Donald Trump à l’endroit des exportateurs canadiens avec l’imposition possible de tarifs douaniers de l’ordre de 25 % dès le 2 avril prochain.
Le président Trump a beau changé souvent d’idées selon son humeur, nous l’avons bien remarqué dans les dernières semaines, il n’en demeure pas moins qu’il persiste à créer une confusion qui met à toute épreuve les nerfs des gens de notre industrie.
Au Québec maritime, tout comme dans les provinces de l’Atlantique, le marché américain demeure depuis toujours la principale destination pour l’écoulement de la plupart de nos diverses productions, à quelques exceptions près. Un partenaire commercial de première importance, de longue date et de proximité, des paiements effectués en argent américain et un taux de change presque continuellement favorable sont souvent les raisons les plus évoquées pour justifier le choix des États-Unis comme étant la cible numéro un à prioriser pour réaliser de bonnes affaires sur les plans monétaire et pratico-pratique.
À Boston, nos transformateurs de crabe des neiges et de homard des régions maritimes, puisqu’il s’agit de nos deux secteurs les plus dominants, porteront plus que jamais une attention particulière quant au comportement et à l’appétit de leurs acheteurs américains. Bien qu’ils soient conscients de certains risques qui les attendent, puisque certaines discussions ont déjà eu lieu préalablement, nos transformateurs restent sur le qui-vive, car les clients américains pourraient bien opter pour plus d’une stratégie de leurs achats et de leurs ventes en 2025.
Puisque l’imposition de tarifs douaniers de 25 % sera d’abord absorbée en entier par les acheteurs américains, comment ces derniers réagiront-ils par la suite? Tenteront-ils d’en refiler une partie à leurs consommateurs? Oui, fort probablement. Seraient-ils prêts à leur imposer en totalité toute l’ampleur de ces tarifs? Non, parce que les prix à la caisse en hausse qui s’en suivraient pourraient voir les marchés s’effondrer assez rapidement. N’oublions pas que les Américains devront eux aussi composer avec une augmentation importante du coût de la vie pour plusieurs produits de base et jugés essentiels. Rappelons-nous que le crabe des neiges et le homard sont des produits de luxe et que seule une partie de la population a les moyens de les consommer à certains moments de l’année.
Ceci dit, il y a donc fort à parier que l’imposition de ces tarifs douaniers amènent déjà les acheteurs américains à vouloir négocier des prix à la baisse pour l’obtention de nos précieux crustacés. Donc des diminutions de prix attendues pour les transformateurs avant même que leurs activités ne débutent. S’en suivra sans grande surprise également une baisse de prix à quai pour les pêcheurs.
Parmi les pires scénarios qui pourraient aussi survenir à court terme, il y a celui celui de l’achat au compte-goutte de nos produits marins par les acheteurs américains. Ils voudraient ainsi s’assurer d’écouler leur marchandise payée à fort prix sans avoir à supporter de gros inventaires et débourser de gros montants d’argent pour leur entreposage. Un deuxième scénario, qui est loin d’être écarté, c’est aussi celui d’établir des prix payés en-dessous de la valeur réelle du marché pour une période temporaire. Les acheteurs américains voudront être capable de maintenir de bonnes liquidités financières en attendant la réaction de leurs consommateurs. À suivre.
ENTRE-NOUS – page 5 – Volume 38,1 Février-Mars-Avril 2025