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Le crabe des neiges plus difficile à capturer au large des Îles-de-la-Madeleine

Les pêcheurs de crabe des neiges des zones 12 et 12F ont livré 722 tonnes de crustacés aux Îles-de-la-Madeleine au cours des deux premières semaines de la saison, ce qui représente le tiers du contingent global alloué à l’archipel. Selon les données préliminaires de Pêches et Océans Canada (MPO), il s’agit d’une baisse moyenne de rendement de 28 % par rapport à la période correspondante de la saison 2019.

C’est dans la petite zone 12F le long du chenal laurentien que la baisse est la plus accentuée, soit de 40 %. L’écart a continué de se creuser au cours de la 3e semaine, rapporte le capitaine du PHEONIX IX Jocelyn Thériault, qui se demande s’il parviendra à capturer son quota individuel d’ici la fin de la saison, le 30 juin. «C’est pas mal moins fort qu’on s’attendait; le crabe n’est pas au rendez-vous, dit-il. C’est vrai que la saison est encore jeune, mais de ce qu’on voit, les gars sont pas mal partout dans la zone; on a exploré pas mal de places en eaux plus profondes, moins profondes, puis c’est le même résultat : ça donne un petit coup et ça ne tient pas, comme si le crabe n’était pas là comme les années dernières.»

Le capitaine du JEAN-MATHIEU, Denis Éloquin, constate quant à lui une baisse constante des captures de la zone 12 depuis le début de la troisième semaine, alors qu’elles étaient jusque-là stables à une moyenne d’une vingtaine de milliers de livres par voyage. «En cette quatrième semaine, ç’a baissé de   25 % à 30 %; d’habitude, c’est 15 000 à 20 000 livres par voyage et maintenant, on a de la misère à capturer 10 000 – 11 000. Tout le monde se lamente et se demande ce qui se passe. Est-ce un phénomène passager ou une baisse qui va durer ? Si ça dure, la saison va être difficile», commente le pêcheur de Grande-Entrée.

TROP TÔT POUR CONCLURE

Le chercheur scientifique Mikio Moryasu, de la direction régionale du MPO pour le Golfe, note toutefois qu’il est encore trop tôt pour se prononcer sur les rendements de la pêcherie 2020. Et ce sera d’autant plus difficile d’en faire une analyse adéquate, souligne-t-il, parce qu’il n’y a pas d’observateurs à bord des navires de pêche en raison de la pandémie de COVID-19.

«Pour dire si les captures sont le reflet du stock, on doit regarder les captures par casier, précise M. Moryasu. Mais nous n’aurons pas cette donnée cette année, faute d’observateurs en mer. Cependant, même si on attend aveuglément la fin de la saison pour comparer les débarquements globaux, les captures par casier sont une information qui n’a jamais été utilisée pour l’évaluation de la biomasse.»

Et tandis que l’industrie invoque la période de reproduction ou la présence plus abondante de puces de mer qui s’attaquent aux appâts, pour expliquer les plus faibles rendements de ce début de saison, Mikio Moryasu admet que ce sont des hypothèses plausibles. «Mais c’est très difficile de répondre aux observations d’une poignée de pêcheurs, fait-il remarquer. Pour l’instant, c’est plutôt anecdotique. D’ailleurs, il se peut aussi qu’on ait surestimé la biomasse; c’est possible.»

Or, Denis Éloquin, lui, pointe le phoque gris du doigt. «Les phoques gris plongent derrière le bateau, ils rentrent dans la trappe et volent les appâts. Ils coupent le sac à boëtte en deux; ils le déchirent de haut en bas avec leurs griffes. C’est un phénomène connu : on perd de 100 à 200 sacs à boëtte par saison à cause des phoques.»

3,50 $ LA LIVRE

Pour sa part, le directeur général de Fruits de Mer Madeleine, Pierre Déraspe, se félicite de la belle qualité de ses livraisons de crabe des neiges jusqu’à présent. «Ça va bien! Le crabe est beau et le monde est heureux de travailler. Ça les rassure de travailler et de se qualifier à l’assurance-emploi.»

Selon M. Déraspe, le fait qu’il n’y ait pas de contagion communautaire de la COVID-19 aux Îles contribue à l’humeur positive des troupes. «Ça nous aide beaucoup à sécuriser les gens. Les gens sont disciplinés, ils suivent le protocole de la direction de la santé publique et c’est surprenant combien c’est positif !»

Le directeur général de l’entreprise de l’Étang-du-Nord se réjouit d’ailleurs du rythme normal de la production en usine, malgré les nouvelles mesures de sécurité contre la propagation du virus. «Au début, on s’attendait à une baisse de rendement de 30 %, explique-t-il. Mais il n’y a vraiment pas de différence, finalement. Les gens sont très consciencieux et on les en félicite !»

De son côté, la présidente-directrice générale de La Renaissance des Îles ne perçoit pas, elle non plus, de différence dans la fluidité du travail des 80 employés de son usine de traitement du crabe des neiges de Grande-Entrée, en lien avec les consignes de santé publique. Lynn Albert se déclare également confiante d’arriver à tout écouler sur les marchés américain et japonais. «Le marché absorbe bien pour l’instant ; on se croise les doigts pour que ça continue malgré l’ouverture de la pêcherie du côté de Terre-Neuve le 11 mai. Mais pour nous il n’y a pas vraiment de problème parce que nous sommes un petit joueur. Et on a l’avantage de notre marque de commerce, la Gulf Queen, qui est la plus réputée aux États-Unis», affirme l’industrielle.

Notons que les deux entreprises de transformation des Îles offrent un prix de départ 3,50 $ la livre, contre 5,50 $ à pareille date l’an dernier. «En 2019, le prix final a été de 5,75 $, rappelle Pierre Déraspe. Mais le marché est très, très instable en ce moment; ça peut aller d’un bord comme de l’autre. Disons que 3,50 $, ça demeure conservateur et prudent. C’est la ligne de conduite cette année : prudence.»

Fruits de Mer Madeleine a une capacité quotidienne de production qui varie entre 55 000 et 75 000 livres, selon le type de produit. Elle exporte à 60 % au Japon et à 40 % aux États-Unis.

 

LE SUD DU GOLFE – page 4 – Volume 33,2 Avril-Mai 2020

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Hélène Fauteux
Hélène Fauteux est diplômée en communications et journalisme de l'Université Concordia. Établie aux Îles-de-la-Madeleine depuis 1986, elle a développé une solide expertise en matière de pêche et de mariculture.
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