Le crabe vert, un vorace prédateur envahissant, a disparu du radar, cette année, aux Îles-de-la-Madeleine. Pêches et Océans Canada et les pêcheurs d’anguille qui en font une pêche dirigée concertée depuis 2010 pour en contrôler la prolifération n’en ont capturé aucun.
La biologiste Nathalie Simard de l’Institut Maurice-Lamontagne (IML) explique qu’il s’agit d’une espèce d’eau chaude qui a souffert du froid intense des deux derniers hivers. «Il y a eu plusieurs années où on a fait de la pêche intensive pour essayer de contrôler la population, ajoute-t-elle. Donc, c’est possible que ça aussi, la combinaison, finalement, de facteurs pourrait avoir fait en sorte que la population de crabe vert a chuté.»
RISQUE TOUJOURS PRÉSENT
Cela dit, madame Simard prévient que le crabe vert n’est pas éradiqué pour autant. Depuis sa première observation en 2004 dans l’archipel, la biologiste estime que trois ou quatre cohortes de larves s’y sont établies, possiblement portées par les courants depuis d’autres régions des Maritimes où l’infestation est nettement plus importante. «Ce n’est pas impossible que, à un moment donné, on revoit le crabe vert reprendre, revenir à des abondances qu’on a connues dans les années passées, dit-elle. Et c’est pour ça qu’on va continuer de suivre, même si on n’a pas capturé de crabe cette année, l’an prochain, on va retourner faire notre monitorage.»
Nathalie Simard signale également que les crabes verts ne se reproduisent pas aux Îles. Et, comme les individus n’ont qu’une durée de vie maximale de six ans, cela peut aussi expliquer leur diminution d’abondance dans l’archipel.
UNE AUTRE BONNE NOUVELLE
Sur un autre front, le comité ZIP (Zone d’Intervention prioritaire) des Îles est à compléter, cet automne, un projet expérimental de lutte contre l’ascidie jaune amorcé à l’automne 2013. La bonne nouvelle, c’est que les mesures adoptées pour éviter la dispersion de ce tunicier envahissant dans l’archipel portent fruit. Elles consistent simplement en un nettoyage des 40 quais flottants du port de pêche de Cap-aux-Meules qu’on enduit ensuite d’une peinture antisalissure.
Et alors que certaines structures étaient complètement recouvertes d’ascidies jaunes en 2013, le résultat est aujourd’hui spectaculaire, rapporte la biologiste chargée de projet, Marie-Hélène Bénard-Déraspe. «Il y avait certains quais où ça allait jusqu’à 1 400 individus par mètre carré, dit-elle. Et là, les inventaires de cet automne nous permettent de dire que, jusqu’à présent, il n’y a pas d’ascidies jaunes qui se sont fixées sur les quais qui ont été traités.»
L’ascidie jaune est une espèce exotique qui cause beaucoup de problèmes aux aquaculteurs de l’Île-du-Prince-Édouard. Tout indique que, aux Îles-de-la-Madeleine, depuis son premier signalement en 2006, on a réussi à la circonscrire au seul port de Cap-aux-Meules.
«On est sur une bonne lancée ! J’espère que ça va continuer. Mais aussi, c’est important de dire que tout le monde doit garder l’oeil ouvert aussi, là, insiste madame Bénard-Déraspe. Aller dans une autre province, aller dans un autre port, il faut toujours garder l’œil ouvert quand on revient, voir s’il n’y a pas de nouvelles choses qui se sont fixées sur notre coque de bateau. Ce sont des choses qui se peuvent, là. Ça fait que c’est un peu la responsabilité de tout le monde de rester vigilant là-dessus.»
Le projet de lutte contre l’ascidie jaune est mené en partenariat avec le ministère fédéral des Pêches et le Centre d’innovation de l’aquaculture et des pêches, Merinov. Il bénéficie d’un soutien financier de plus de 120 000 $. Selon Marie-Hélène Bénard-Déraspe, il appartiendra ensuite à l’administration portuaire d’en assurer la continuité par un enduit régulier d’une peinture antisalissure sous ses quais flottants.
AUTRES ESPÈCES STABLES
D’autre part, l’IML rapporte que l’abondance du botrylle étoilé et du botryloïde violet, deux autres espèces envahissantes que nous avons à l’œil depuis huit ans, est stable. Nathalie Simard se félicite de ce que ces tuniciers ne nuisent toujours pas aux aquaculteurs de l’archipel. «On a un suivi même plus serré, cette année, dans la lagune de Havre-aux-Maisons, souligne-t-elle, pour regarder à quel moment de l’été on a les plus grandes abondances de larves dans l’eau, pour transmettre cette information-là aux aquaculteurs qui, eux, doivent nettoyer leurs structures à un moment donné, pour d’autres espèces aussi (comme les étoiles de mer et les algues) et ça peut les aider à faire le nettoyage au bon moment.»
Quant au codium fragile, une algue verte envahissante présente sur tous les plans d’eau du territoire, il ne semble pas avoir d’impact majeur, selon madame Simard. Pêches et Océans n’en fait donc pas de suivi particulier.
ESPÈCES ENVAHISSANTES – page 28 – Volume 28,6 – Décembre 2015 – Janvier 2016