La saison de chasse au phoque du Groenland a ouvert plus tôt qu’à l’habitude, au début mars, aux Îles-de-la-Madeleine. Cédric Arseneau, directeur de secteur pour le ministère des Pêches et des Océans (MPO), explique qu’il répondait ainsi à une demande de l’industrie, dont les besoins sont désormais axés sur les approvisionnements en viande, plutôt que sur la fourrure de beater. «Donc, ce qu’on cherchait comme cible, c’était que 80 % du troupeau de blanchons soit sevré, dit-il; et donc, qu’il ait arrêté de se nourrir à la mère. C’est avec cette cible-là, qu’on a fixé la date du 11 mars.»
De plus, le MPO a annoncé la levée du moratoire sur les permis de chasse, en vigueur depuis 15 ans, pour favoriser la relève. Ce dégel a déjà permis d’accueillir une vingtaine de nouveaux entrants, ce printemps. M. Arseneau précise que les chasseurs de phoque du Groenland doivent cumuler deux années d’expérience à titre d’apprenti, avant d’obtenir un permis commercial. «Depuis 2004, une bonne partie des chasseurs ont maintenant pris leur retraite, souligne-t-il. Ça fait que le nombre de permis a diminué un peu à travers les années. Et, donc, à partir de ce moment-là, on a vu que l’activité de chasse est quand même relativement faible et que l’enjeu d’atteindre les quotas n’est plus quelque chose de significatif.»
ABSENCE DE QUOTA
Cependant, le copropriétaire de la Boucherie spécialisée Côte à Côte et président de SeaDNA, Réjean Vigneau, dénonce l’absence, pour la deuxième année consécutive, d’un seuil maximal de capture pour la chasse au phoque du Groenland. Il se porte en faux contre le MPO qui invoque la difficulté de l’industrie à atteindre les taux de prises admissibles, depuis 2009, à cause des faibles conditions de glace sous l’effet des changements climatiques ou de l’embargo européen sur les fourrures, pour justifier sa décision de surseoir à l’établissement d’une cible.
Pour M. Vigneau, Pêches et Océans Canada devrait plutôt augmenter le quota, peu importe qu’il soit capturé ou non, afin d’informer le public sur la réalité du troupeau et de son impact sur l’écosystème. Le chasseur-boucher en fait une question de cohérence. «Tu ne décides pas un quota par sa facilité d’aller les chercher, ni (en fonction de) l’état du besoin pour le commerce. Tu décrètes un quota par son cheptel, et tu augmentes ton quota quand tu en as trop, insiste-t-il. Tu dis, pour la biodiversité, il faut augmenter le quota. Point final.»
Autrement, les escouades de chasse au phoque du Groenland, montées à bord du JEAN-MATHIEU et du FRANCIS-ÉRIC, deux navires semi-hauturiers, sont revenues bredouilles, dans la troisième semaine de mars. Le capitaine Denis Éloquin explique que la forte densité des glaces les a freinées à une vingtaine de kilomètres du troupeau, au nord-est de l’archipel. Par prudence, dit-il, les chasseurs ont choisi de rebrousser chemin dès le lendemain de leur sortie en mer. «La glace avait quand même 20 à 30 pouces en majorité, partout. Ça fait que c’est beaucoup trop épais quand tu parles d’une distance à parcourir de 10, 15 ou 20 milles à travers une pareille glace; c’est impossible. En tout cas. On ne voulait pas prendre de chance. On a viré de bord parce que ça pouvait être dangereux. Les baies, les plaques de glace, avaient entre deux, trois et quatre milles de long; ça peut créer une énorme pression sur le bateau», fait remarquer M. Éloquin.
La Boucherie Côte à Côte visait un approvisionnement de 800 carcasses de phoques du Groenland juvéniles, pour compléter son inventaire 2019-2020. De plus, 1 200 phoques gris, capturés à l’île Pictou en janvier, avaient déjà partiellement répondu à ses besoins. Réjean Vigneau s’est donc tourné vers les importations terre-neuviennes, pour sécuriser son stock.
REPÈRE – page 30 – Volume 32,2 Avril-Mai 2019