Si les prises sont au rendez-vous pour les homardiers québécois, les revenus devraient aussi y être en 2017, compte tenu des bonnes perspectives de marché qui s’annoncent à environ deux mois du début de la pêche du crustacé.
Le taux de change entre le Canada et les États-Unis pourrait être encore plus avantageux qu’il l’est présentement pour les Québécois, et l’économie américaine est en progression, deux facteurs qui devraient contribuer au maintien de bonnes conditions de marché pour l’industrie du homard, selon l’économiste Ali Magassouba, du ministère fédéral des Pêches et des Océans (MPO).
«Les perspectives sont bonnes. Le taux de change risque de diminuer, à l’avantage des exportateurs québécois. En ce qui concerne l’économie américaine, on parle de mesures de stimulation fiscale de la part du gouvernement Trump, des mesures qui avantageront les individus. On parle aussi d’un programme d’infrastructures. Ce sont des mesures qui font augmenter la valeur du dollar américain», aborde monsieur Magassouba.
«Les taux d’intérêt vont augmenter et le dollar américain devient alors un bien qui deviendra plus prisé. Ça s’emballe au sens où ça peut faire de nouveau augmenter les taux d’intérêt et la valeur du dollar américain. Il ne serait pas surprenant que le dollar canadien se retrouve à 71 ou 72 cents (américains). Il est à 75-76 cents présentement», poursuit l’économiste.
Les prix du homard pendant la pêche d’hiver sont comparables à l’an passé vers la même période, note l’économiste.
«J’entrevois soit une petite augmentation, soit une stabilité du prix au pêcheur cette année, mais une diminution n’est pas impossible. Il y a beaucoup d’impondérables. Il suffit d’une augmentation du prix du pétrole pour changer le contexte. Si on restreint l’approvisionnement, ça devrait avoir un impact d’appréciation du dollar canadien et ça diminuerait un peu les avantages liés à l’exportation», analyse monsieur Magassouba.
Le secteur québécois du homard est en mouvance, en ce sens que les Îles-de-la-Madeleine, qui ont longtemps dominé l’industrie en volume de prises et en valeur, voient la Gaspésie, la Côte-Nord et l’île d’Anticosti gagner du terrain depuis quelques années.
«Il y a quelque chose qui se passe. Sur la Côte-Nord et à l’île d’Anticosti, ça change beaucoup. Dans la zone 16, sur la Côte-Nord, cinq pêcheurs déclaraient chacun 12 000 $ de revenus en 2010. En 2016, ils ont chacun déclaré 128 000 $ en 2016. Dans la zone 13, la moyenne de revenus par pêcheur était de 6 500 $ en 2010, et c’est monté à 90 000 $ en 2016. Dans la zone 19 en Gaspésie, qui couvre le côté nord jusqu’au parc Forillon, les revenus étaient de 50 000 $ par permis en 2008, et de 200 000 $ en 2016. À Anticosti, les pêcheurs qui déclaraient 120 000 $ en 2010 ont débarqué pour 650 000 $ de homard en 2016», décrit Ali Magassouba.
«En Gaspésie, dans la zone 20 (couvrant une partie du côté sud), les quantités ont beaucoup augmenté, mais il faut aussi dire qu’il y a eu des rachats de permis. Pendant ce temps, aux Îles, les pêcheurs trouvent que la tarification des permis ne tient plus la route. Ils trouvent qu’ils paient cher», signale-t-il.
Les tendances à l’augmentation des prises de homard ont été observées un peu partout en Amérique du Nord, mais c’est au Québec, à savoir sur la Côte-Nord, à Anticosti et du côté nord de la Gaspésie que les augmentations ont été les plus marquées, dit monsieur Magassouba.
Les Îles-de-la-Madeleine restent donc au premier rang québécois pour les prises de homard et les revenus, mais sur le plan de la valeur des produits transformés, les usines gaspésiennes ont supplanté les usines de l’archipel.
«Les usines gaspésiennes transforment 53% de la valeur du homard québécois qui n’est pas vendu sur le marché des produits vivants», note l’économiste. Les chiffres sont encore préliminaires, mais ils seront officiels au cours des prochains mois.
Les débarquements de homard à quai ont totalisé 39,4 millions $ aux Îles-de-la-Madeleine en 2016, comparativement à 32,9 millions $ pour la Gaspésie. Sur la Côte-Nord, les livraisons ont totalisé 2,6 millions $.
Les prix ont été excellents en 2016 au Québec, mais Ali Magassouba fait remarquer que ces valeurs nominales sont un peu trompeuses, quand on fait l’ajustement avec le taux d’inflation.
«Le prix qu’on a vu en 2016 était très élevé en valeur nominale, mais si on regarde les 15 dernières années, il ne s’agissait que du neuvième meilleur prix, en tenant compte de l’inflation. Par exemple, le prix a été de 6,47 $ la livre en Gaspésie en 2016. On peut penser que c’est proche du record de 6,59 $ en 2007, mais ce prix de 2007 était passablement plus élevé», analyse monsieur Magassouba.
Quant à l’influence qu’auront les marchés hors Amérique en 2017, elle sera variable, selon lui.
«Le marché de la Chine ne semble pas se calmer. Les importations restent fortes. Le homard québécois ne se rend pas en grande quantité en Chine, mais deux entreprises de ce pays possèdent deux usines en Nouvelle-Écosse. Ce qui est exporté en Chine ne se rend pas sur le marché nord-américain et ça crée des ouvertures pour le homard québécois», dit monsieur Magassouba.
«L’Europe n’est pas un gros marché pour le Québec. On n’y exporte presque rien, mais pour le reste du Canada, ce n’est pas négligeable. Quand le libre-échange entrera en vigueur, les quotas de 2 000 tonnes de homard cuit et de 240 tonnes de homard préparé et préservé tomberont», ajoute-t-il.
L’offre de homard dit américain diminue légèrement depuis le sommet de 2014 à 160 000 tonnes. Il est passé à 158 500 tonnes en 2015 et à 157 000 tonnes en 2016. «Le Québec reste un petit joueur, avec 4% de l’offre de l’Amérique du Nord», glisse Ali Magassouba.
COMMERCIALISATION – page 9 – Volume 30,1 – Février-Mars 2017