Les récents évènements terroristes de Paris et de Bruxelles rendent les acheteurs de homard de la Nouvelle-Écosse nerveux. Alors que s’est ouverte la plus importante pêcherie du pays dans les zones 33 et 34 du sud-ouest de la province, le lundi 30 novembre, ils se demandent si les consommateurs européens auront l’humeur à la fête pour ce produit de luxe.
Stewart Lamont, directeur général de Tangier Lobster, près de Halifax, explique que 40% de ses ventes sont dirigées vers l’Europe dans le temps des Fêtes, contre 25% le reste de la saison. «Si quelque chose de déstabilisant devait arriver, ça changerait l’humeur, dit-il. Alors, nous devons être un peu prudents, mais nous devons toujours être optimistes.»
PRIX NETTEMENT EN HAUSSE
Monsieur Lamont souligne d’ailleurs que le prix payé au débarquement a atteint 6,50 $ la livre au Nouveau-Brunswick, où les pêcheurs de homard de la zone 35 de la baie de Fundy ont commencé leur pêche d’automne au début octobre. À pareille date l’an dernier, les pêcheurs ne recevaient que 4,50 $. «C’est une hausse très importante et j’aime à penser que c’est très justifié. Les pêcheurs travaillent diligemment pour leurs prises», affirme l’acheteur néo-écossais.
Selon Stewart Lamont, cette hausse des prix est favorisée par la faiblesse du dollar canadien et par les faibles inventaires de chair de crustacé. L’industrie du homard est également encouragée par une hausse de la demande mondiale, en particulier du côté de l’Asie où elle a doublé depuis cinq ans, précise-t-il. «Les pays asiatiques comptent désormais pour 40% du marché global du homard.»
Le dg de Tangier Lobster soutient aussi que le ralentissement économique de la Chine n’a aucun impact sur les exportations canadiennes, ce que confirme le directeur général de GIMXPORT, Gino Cyr. Ce dernier évalue à au moins 10 millions $ les retombées économiques de la participation d’une délégation gaspésienne à la China Fisheries and Seafood Expo 2015, qui se tenait à Quingdao, du 4 au 6 novembre. Il raconte que son organisation a choisi de puiser dans ses propres coffres pour y participer pour une quatrième année consécutive, et ce, faute d’avoir obtenu un appui spécifique de la part du gouvernement du Québec.
«Ce qui est important dans les foires commerciales, c’est maintenir une présence, soutient monsieur Cyr. Donc, si t’es là un an, deux ans, trois ans, la quatrième année tu n’es plus là, bien tu n’existes plus. Donc c’est important. Si les autres provinces et les autres pays tiennent à être là, c’est important. Et il faut se rappeler qu’il y a plus de millionnaires en Chine que la population complète au Canada.»
«Ce marché de 1,4 milliard de consommateurs qui aiment les produits de la mer offre les plus grandes perspectives de développement pour l’industrie du homard, renchérit Stewart Lamont. Cependant, au contraire de la Corée et du Vietnam, par exemple, la Chine recherche, dans 90% des cas, la quantité plutôt que la qualité.» Aussi le directeur général de Tangier Lobster admet à ce propos que son entreprise évite elle-même, pour l’instant, le marché chinois «parce qu’il reste à être éduqué sur la valeur réelle du produit.»
LITIGE EN COUR SUPÉRIEURE
Sur un autre front, aux Îles-de-la-Madeleine, l’industrie de la pêche au homard est, au moment d’aller sous presse, en attente de deux décisions. La première est un jugement de la Cour supérieure et la seconde porte sur le renouvellement de la certification du Marine Stewardship Council.
Dans un premier temps, la Coopérative des pêcheurs du Cap Dauphin et la Société de valorisation du homard des Îles ont plaidé devant le tribunal, à Québec, le 19 octobre, pour une révision judiciaire dans le dossier des étiquettes d’identification des débarquements. Chaque partie conteste un volet différent de l’ordonnance de la Régie des marchés agricoles et alimentaires, rendue en mars, obligeant la coop de Grosse-Île à assumer sa part du cout des identifiants de traçabilité et d’écocertification des captures pour la saison 2014.
Pour la directrice générale de la coopérative de pêcheurs, Ruth Taker, la facture de 158 000 $ équivalant à 0,07 $ la livre est exagérée, parce qu’elle n’a vendu que 200 000 livres de produit étiqueté destiné au marché du Québec, sur une mise en marché globale de 2,2 millions de livres. «Ce n’était pas nécessaire pour nous autres parce que nos marchés sont plutôt aux États-Unis, insiste madame Taker. Ça fait que nos clients ne veulent pas les avoir, on n’a pas eu besoin des étiquettes ailleurs qu’au Québec.»
La Société de valorisation du homard des Îles conteste, quant à elle, la décision de la Régie d’exclure les taxes et les intérêts de la facture de 158 000 $, explique son avocat, Claude Régnier. «On lui a demandé de corriger la décision, lui disant : «Vous avez peut-être oublié quelque chose.»». Et la Régie a dit non. La décision est complète et on ne la corrige pas. Mais alors, c’est quand même un montant appréciable, 158 000 $, ça fait un montant assez important quant aux taxes», note l’avocat.
AUDIT MSC
Dans un deuxième temps, la firme SAI Global a effectué une visite de deux jours dans l’archipel madelinot, à la fin octobre, afin de faire le suivi de la certification MSC de la pêche au homard du territoire. Il s’agissait du deuxième audit annuel réalisé par son chef d’équipe, Géraldine Criquet, et son adjoint, le professeur Jean-Claude Brêthes, de l’Institut des sciences de la Mer de Rimouski. Ce dernier explique que leur surveillance de l’évolution de la pêcherie porte notamment sur l’identification des prises accessoires par la tenue d’un livre de bord. «Nous, ce que nous avons demandé, c’était une collecte d’informations plus précises sur les captures en mer et sur les prises accessoires, dit-il. Donc quelle que soit la façon que ça se fasse, que le mécanisme de récolte de l’information soit électronique ou papier, ce n’est pas là le problème.»
L’écocertification MSC du homard des Îles-de-la-Madeleine commande aussi l’adoption de règles de décision et l’identification d’actions à prendre en cas de déclin du stock. «Là, on avait demandé à ce qu’il y ait un peu plus de prise en compte de façon plus précise des incertitudes entourant ces règles de décision, indique monsieur Brêthes. Donc, c’est de voir comment ç’a évolué.»
L’audit de SAI Global comportait des rencontres avec l’Association des pêcheurs-propriétaires des Îles qui a demandé la certification MSC et le ministère des Pêches et des Océans qui assure la gestion et le suivi statistique de la pêcherie. Son rapport sera rendu public sous peu.
RÉGION ATLANTIQUE– page 14 – Volume 28,6 – Décembre 2015 – Janvier 2016