Depuis le début de la saison de pêche au crabe des neiges qui, dans la zone 17, s’est amorcée le 25 mars, les rendements sont inégaux selon les secteurs. Cependant, les prix au débarquement sont satisfaisants, les conditions de capture favorables et la qualité du produit excellente. En revanche, la crise de la COVID-19 a eu quelques impacts sur les marchés, tout en représentant un défi pour les crabiers.
Le président de l’Association des crabiers de la zone 17 le confirme : la pêche est bonne. «On a 83 % du quota de pris (à la mi-mai), se réjouit René Landry. C’est quand même bien, même si, par rapport à l’année passée, on a subi une baisse.» Il faut dire que les pêcheurs de crabe ont à composer avec une diminution de 42 % du total autorisé des captures (TAC), qui est de 1 277 tonnes.
Si les crabiers de la zone 17 ont jusqu’au 24 juin pour atteindre leurs quotas individuels, la majorité d’entre eux ont déjà terminé leur saison. «À partir du 20 avril, il y en a qui avaient terminé, indique M. Landry. Il y a d’autres secteurs où c’était plus dur à cause des courants. Il reste encore un mois. C’est sûr que le quota va se prendre en totalité!» Même son de cloche du côté du pêcheur Ian Chouinard. «Ç’a été meilleur en début de saison. Là, c’est un peu plus tranquille, mais ça va quand même bien.»
Selon le coordonnateur des pêches de la Première Nation d’Essipit, dont la saison devrait s’étirer jusqu’au début juin, les résultats sont plus mitigés du côté ouest de la zone qu’à d’autres endroits comme Matane, Baie-Comeau ou Rimouski. Pour Pierre Léonard, cette situation s’explique aussi par la diminution du TAC. «Mais la pêche suit son cours, nuance-t-il. Avec les mesures de confinement des équipages, c’est un peu plus difficile à vivre. Mais la saison va relativement bien.»
RÉAJUSTEMENTS DE PRIX ET CONDITIONS DE CAPTURES
Normalement, un prix de départ est fixé au débarquement et il est réajusté en fin de saison. Cette année, un réajustement s’est ajouté en mi-saison. Le prix de départ était de 3 $ la livre. Il sera réajusté à 3,50 $ à la mi-mai. René Landry ne veut pas s’avancer sur ce sujet. «Ce sont les marchés et la COVID-19 qui mènent. C’est fou! Mais, on est avantagés dans le crabe des neiges parce que les inventaires étaient à zéro. La demande est bonne, si on se compare à d’autres produits.» «La COVID ne nous a pas aidés dans tous les marchés», croit Ian Chouinard.
Les conditions de capture étaient plutôt clémentes. «Ç’a très bien été lors de la première semaine de la mise à l’eau, raconte le président de l’Association des crabiers. Après ça, il y a eu du froid et un peu de vent. Mais ce n’est pas si pire, cette année.» Quant à Ian Chouinard, il qualifie le printemps de «venteux». «On a eu quelques épisodes de tempête comme à chaque printemps et des périodes de courants, décrit Pierre Léonard. Mais rien de mémorable […]. C’est venteux et il faisait froid en début de saison. Mais, sur la Côte-Nord et en Gaspésie, il faut s’attendre à ça à la fin mars!»
CORONAVIRUS
Au sein de l’Association des crabiers, aucun cas de coronavirus n’a été recensé. «Il y a un peu de problèmes de distanciation sur un bateau de 50 pieds, reconnaît son président. Mais on a des lavabos à bord pour se laver les mains. Tout s’est bien déroulé.» S’il est soucieux de respecter les précautions visant à éviter la propagation du virus, Ian Chouinard admet que «ce n’est pas évident». «On travaille dans un endroit assez restreint. Mais on fait vraiment attention. On nettoie le bateau à toutes les levées et on applique toutes les mesures possibles.»
Pour René Landry, la menace qui plane provient des observateurs en mer. Après avoir consulté son conseil d’administration, il déclare: «Il n’est pas question qu’un observateur passe une journée à bord avec les hommes de pont». «Si le fédéral insiste, c’est non négociable!» Comme les observateurs proviennent d’un peu partout, il craint que des pêcheurs soient contaminés par la COVID-19, ce qui mettrait en péril la fin de saison d’un équipage. «Il faut aller sur l’eau pour avoir des revenus et payer les coûts des permis. Les termes des pêcheurs ne baisseront pas parce que le quota n’a pas été pris!»
BELLE QUALITÉ
Tous s’entendent sur la qualité exceptionnelle de la ressource. «Très beau crabe, s’exclame M. Landry. Dans les catégories, c’est du 1 et 2: du crabe clair, d’une belle grosseur.» Ian Chouinard corrobore : «Il est beau, gros et plein.» Même constat du côté de la Première Nation d’Essipit. «C’est même mieux que l’an dernier, croit M. Léonard. C’est du crabe résiduel, mais c’est du crabe de belle taille.»
Bien que la ressource soit dans un cycle biologique naturel de diminution, certains pêcheurs voient tout de même la relève qui est prévue dans deux ans par les scientifiques de l’Institut Maurice-Lamontagne. Ian Chouinard estime que la relève s’améliore. «Du crabe juvénile, on en attrapait dans les casiers, signale-t-il. La relève va être là pour plusieurs années!» S’il ne veut pas s’avancer dans des prospectives concernant la ressource et son abondance, Pierre Léonard n’a pas le même discours. Il ne s’attend pas à une reprise du crabe avant quelques années dans la zone 17.
Par ailleurs, le secteur de la transformation se porte bien. «Dans les usines, ça fonctionne bien, confirme le directeur général de l’Association québécoise de l’industrie de la pêche (AQIP), Jean-Paul Gagné. À part les prix qui ne devraient pas être aussi hauts que l’an dernier, ça va bien.» Du côté de la Première Nation d’Essipit, Pierre Léonard corrobore. «Les usines opèrent dans notre secteur depuis le début. On n’a jamais eu de problèmes du côté des acheteurs.»
FORTE DEMANDE SUR LES MARCHÉS
Ce printemps, le crabe des neiges de la zone 17 s’est beaucoup vendu sur le marché intérieur, notamment dans les grandes chaînes d’alimentation et les poissonneries. «La 17 étant la première zone, on a quasiment tout écoulé sur le marché québécois, confirme Pierre Léonard. En début de saison, on n’a même pas été capables de répondre complètement à la demande!»
«Il y a un engouement, appuie Jean-Paul Gagné. Selon le rapport des poissonniers, ils n’ont jamais vendu autant de crabes! Ça commence à être une tradition d’acheter du crabe comme on achète du sirop d’érable. Les prix étaient là et les gens étaient prêts à payer.» La balance des stocks est destinée aux marchés des États-Unis et du Japon.
Pour l’instant, M. Gagné n’observe pas de blocage sur les marchés. Il n’est cependant pas assuré que l’industrie ne devra pas supporter de surplus d’inventaire avant que tout ce qui est fermé en raison de la pandémie ne rouvre. «Aux États-Unis, ils commencent à rouvrir des restaurants, mentionne-t-il. Mais, ça dépend des états.» Si Pierre Léonard se réjouit que la demande sur le marché américain soit bonne, il ne peut cependant s’empêcher de penser à toutes les grandes bannières de restaurants qui, comme Red Lobster, sont fermées, sans compter les casinos et les bateaux de croisière qui ont suspendu leurs activités.
L’ESTUAIRE DU SAINT-LAURENT – pages 19-20 – Volume 33,2 Avril-Mai 2020