jeudi, novembre 21, 2024
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Pêche au crabe : un début difficile et des récoltes inégales dans la zone 17

La pêche au crabe des neiges, qui s’est ouverte le 27 mars dans la zone 17, a connu un début généralement très difficile: des tempêtes, du froid extrême, de grands vents et de forts courants ont apporté leur lot d’infortune. Certains crabiers s’attendent à faire une bonne saison, tandis que d’autres jugent que l’état de la ressource ne justifie pas la hausse de 25% du quota. Quoi qu’il en soit, tous s’entendent sur un point: le prix au débarquement est intéressant.

«Deux tempêtes en règle, des moins 10 [degrés] comme température et des grands vents, rappelle le coordonnateur des pêches de la Première Nation des Malécites de Viger, Guy-Pascal Weiner. Le départ est lent.» La communauté possède deux bateaux pour autant de permis, dont les efforts de pêche sont concentrés sur le plateau de Forestville et dans la zone de Manicouagan.

DIMINUTION DES CAPTURES

M. Weiner constate une diminution des captures par rapport à l’an dernier. «Pourtant, tous les indices démontraient une forte augmentation, s’étonne-t-il. Chose certaine, l’augmentation du quota n’est pas proportionnelle aux débarquements.» Même son de cloche chez leurs confrères innus Essipit. «Les rendements ne sont pas là, confirme le coordonnateur des pêches pour cette communauté autochtone basée aux Escoumins, Pierre Léonard. On passe du simple au double par rapport à l’an dernier. La saison est difficile pour nous. On s’inquiète un peu. La météo n’a pas été propice. On a eu deux tempêtes violentes et des bris. Dans le secteur de Matane, ils ont connu un début de saison canon.»

Selon le porte-parole des crabiers malécites, dont les débarquements sont destinés à l’usine Les Crabiers du Nord, pour laquelle la communauté est actionnaire minoritaire, il faudra effectuer davantage de sorties en mer que l’an passé pour atteindre le quota, qui est de 431 000 livres pour l’ensemble de la communauté. Jusqu’à maintenant, un peu moins de 50 % des prises ont été capturés. «À ce temps-ci, l’an passé, on avait 65 à 70 % de notre quota, compare M. Weiner. On va l’atteindre, mais ça va être une saison qui va s’étirer. Assurément, le mois de mai va être crucial. Il faut que les quantités     augmentent.» Pour le porte-parole des Malécites, il y a lieu de s’inquiéter. «Certains pêcheurs de crabe sont en difficulté», soulève-t-il.

Les crabiers de la communauté innue Essipit sont bien loin, eux aussi, du quota qui leur a été accordé et que leur porte- parole se garde bien de révéler. «À ce jour, c’est en deçà des résultats attendus», se contente de confirmer M. Léonard. Après 21 sorties en mer, les débarquements provenant du navire Le KRAKEN I représentent la moitié du quota.

BILAN POSITIF

Après douze ans à pêcher avec son père Richard, Marc Doucet en est à sa première saison à titre de capitaine propriétaire. En décembre, il a finalisé la transaction pour se porter acquéreur d’un bateau de 50 pieds, Le BICOIS. Son père continue à pêcher, mais sur Le BICOIS II. Marc Doucet croit bien être, à 27 ans, le cadet des capitaines-propriétaires de la zone 17, qui s’étend de Trois-Pistoles à Rivière-à-Claude sur la rive-sud et des Escoumins à Pointe-des-Monts sur la Côte-Nord.

«Au début, ça a été bon, tant qu’il a fait beau, raconte le jeune crabier qui en était à sa 25e sortie en mer. C’est de même à chaque année. Mais, d’après moi, une fois le coup d’eau terminé, ça va être bon. Le crabe est encore là.»

De ses 85 casiers, il sort en moyenne 8 à 9 000 livres par jour. Il a atteint environ 65 à 70 % de son quota de 215 000 livres. «L’an passé, on avait 171 000 livres à prendre, rappelle-t-il. On l’a pris en onze jours! Là, si ça va bien, d’ici la mi-mai, je devrais avoir terminé ma saison de crabe.»

Le président de l’Association des crabiers de la zone 17 applaudit la hausse   du quota de 25 %. «Quand ça monte, c’est bon, se réjouit René Landry. La ressource est là.»

M. Doucet considère que le crabe est d’une belle grosseur et que, avec la présence de crabes juvéniles, la relève s’annonce prometteuse. «Les biologistes le voient aussi», note-t-il. Même son de cloche chez les Malécites de Viger. «Il y a très peu de crabes bruns, se réjouit M. Weiner. Il a une belle carapace.»

PRIX SATISFAISANT

Le capitaine du Bicois approvisionne Les Pêcheries de l’Estuaire de Rimouski. «On est un peu en bas du prix fixé, mais ça va être ajusté plus tard, précise-t-il. J’ai 4,65 $ la livre. Mais, je m’attends qu’avec la zone 12, qui comprend le Nouveau-Brunswick et la Gaspésie, on va arriver au prix fixé et ça va être rétroactif pour avoir 5 $ la livre.» «On a un prix de départ de 4,50 $, indique, pour sa part, René Landry. Ça peut finir à 5 $. Ce sont des bons prix, comparés à l’année passée!»

Les pêcheurs innus ne reçoivent pas non plus le prix qui a fait l’objet d’une entente entre les pêcheurs et l’Association québécoise de l’industrie de la pêche (AQIP), mais le coordonnateur des pêches a bon espoir qu’ils l’obtiennent un peu plus tard. «On est assujettis au plan conjoint avec la zone 16, précise Pierre Léonard. Ça va être ajusté en cours de saison. C’est très satisfaisant. Depuis deux ans, on ne rechigne pas sur le prix.»

MESURES DE PROTECTION DE LA BALEINE NOIRE

Même s’il n’a jamais vu de baleines noires dans son secteur de pêche, Marc Doucet se conforme aux normes imposées par Pêches et Océans Canada dans le cadre des «Mesures de gestion pour minimiser les risques d’interaction avec la baleine noire de l’Atlantique Nord».

Le coordonnateur des pêches pour la communauté innue accueille lui aussi les nouvelles mesures avec philosophie, même s’il confirme que ses crabiers n’ont jamais vu, eux non plus, ce type de cétacé dans leur zone d’activités. «On a raccourci nos câbles et nos bouées, affirme M. Léonard, qui a exercé le métier de pêcheur pendant près de 40 ans. C’est certain qu’on parle de mesures qui viennent changer nos pratiques. Mais, en bout de ligne, je prends ça positivement. On s’arrime. On ne se battra pas contre des moulins à vent! Il y a des pressions assez fortes du côté américain. C’est une patate chaude pour le MPO.»

Pour sa part, le président de l’Association des crabiers de la zone 17 n’a pas du tout le même discours. René Landry s’insurge contre ces nouvelles normes. «C’est ridicule, fulmine le pêcheur. Le MPO ne nous a jamais consultés. Dans la zone 17, on n’a jamais vu de baleines noires! Ça ne se peut pas d’être plus déconnectés que ça! Il n’y a pas de mot pour qualifier ça. Ils sont tombés sur la tête! Ils prennent des décisions dans leur bureau et ils nous les imposent. C’est un non-sens! En cinquante ans, je n’ai jamais vu ça. Si je meurs et que je roule sur la grève, est-ce qu’ils vont parler autant de moi que des baleines? Ça me met hors de moi. Ils dépensent des millions et des millions [$], mais ils se foutent des pêcheurs. Je reste poli. Ils nous ignorent!»

M. Landry ne décolère pas quand il pense à toutes ces normes qui, à son avis, sont de plus en plus restrictives pour les pêcheurs. «Ils sont à la veille de nous mettre des menottes, peste-t-il. Ils nous prennent pour des bandits! Il n’y a pas un bandit sur terre qui est watché de même! C’est malheureux! On est pour la protection de la ressource. Mais, il ne faut pas virer fou! Il y a deux baleines qui se sont empêtrées dans les cordages et c’est la faute aux pêcheurs. C’est fou raide!»

Après cinquante ans en mer, René Landry en est à sa dernière saison de pêche. «C’est rendu que ce n’est même plus le fun d’être pêcheur, confie-t-il. Honnêtement, je suis content de finir ma vie de pêcheur parce que ça n’a plus de bon sens!»

L’ESTUAIRE DU SAINT-LAURENT – page 13 – Volume 31,2 – Avril-Mai 2018

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