Grâce à l’instauration d’un régime de gestion par quota individuel, la pêche au flétan atlantique de la flottille avec engins fixes des Îles-de-la-Madeleine s’étend désormais du début août à la mi-octobre. Jusqu’ici, la pêcherie compétitive, à laquelle participaient la majorité des 160 détenteurs de permis, ne durait que quelques heures. Et, avec un dépassement des débarquements de 44 tonnes sur une allocation globale de 64 tonnes métriques l’an dernier, le ministère des Pêches et des Océans (MPO) admet que la situation devenait problématique.
«Le statuquo n’était plus acceptable, affirme Dario Lemelin, directeur de secteur par intérim au bureau du Ministère de Cap-aux-Meules. Il fallait trouver une façon de mieux contrôler les dépassements et d’étirer la saison de pêche.»
Ainsi, chaque pêcheur a droit à deux semaines de pêche – pas nécessairement consécutives – pour capturer un contingent individuel résultant d’un partage à parts égales de 93,35% du quota global. Le résiduel de 6,65% est réparti selon l’historique de pêche d’une période de référence de 19 ans, allant de 1986 à 2004.
Il aura fallu dix ans de négociations entre le MPO et les différentes associations de pêcheurs de poisson de fond des Îles-de-la-Madeleine pour en arriver à cette décision. Elle déplaît à ceux qui ont bâti l’historique de la pêcherie dans l’archipel madelinot, et qui voulaient qu’on leur réserve au moins la moitié du quota global de flétan. Ghislain Cyr, du Regroupement des palangriers et pétoncliers uniques madelinots, explique qu’ailleurs, en Gaspésie par exemple, les pêcheurs de turbot et de morue – engins mobiles et grands palangriers confondus – ont obtenu une moyenne de 75 % en reconnaissance de leur historique.
En comparaison, le capitaine du Biock, de L’Étang-du-Nord, calcule que le régime de gestion adopté pour la saison de pêche 2017 ramène à moins de 15 % la part de flétan réservée pour les pêcheurs traditionnels madelinots. «Je trouve ça indécent!, s’exclame-t-il. C’est très bas pour nous, les 18 pêcheurs qui ont fait 50 % de l’historique total des Îles-de-la-Madeleine. Pour nous, c’est inacceptable.»
«Le MPO ne s’est pas gêné d’aller vers la majorité. Ils n’ont pas acheté la paix, mais ils se sont donné la paix en évitant beaucoup de contestations et de manifestations. Et nous, on en fait les frais.»
Ghislain Cyr est d’autant plus choqué du fait que, malgré les efforts de rationalisation de la flottille de poisson de fond, le MPO étend aujourd’hui la pêche au flétan à tous les détenteurs de permis, même si plus de 10 % étaient inactifs encore l’an dernier. «Ce n’est pas logique, déplore-t-il. On est bien loin de la compréhension qu’on peut avoir de l’étude de la firme Ernst and Young, commandée par le MPO au début des années 2000, sur le partage des parts historiques de poisson de fond du Golfe.»
De son côté, le président du Rassemblement des pêcheurs et pêcheuses des côtes des Îles, Charles Poirier, est plutôt satisfait, même s’il réclamait un partage égal du contingent total pour l’ensemble des 160 détenteurs de permis de pêche au poisson de fond. «Il y avait un litige sur l’historique et je pense qu’à 6,4 %, pour reconnaître cet historique, c’est acceptable pour la majorité. C’est correct.
Chaque pêcheur va pouvoir aller sur l’eau quand il veut; quand il fait beau. Pour la sécurité, c’est important. Et, on va essayer d’amener le flétan (à quai) sur une longue durée; le prix va être meilleur et c’est une pêche qui va se faire de manière plus responsable», conclut le capitaine du Bay Catcher, de la Pointe-Basse.
QUOTA DE 88 TONNES
Cette année, le contingent de flétan atlantique pour les palangriers madelinots est donc établi à 88 tonnes, ce qui correspond à 8 % du total des prises admissibles de la zone 4RST du golfe Saint-Laurent. Le Ministère renonce ainsi à en déduire le dépassement de 44 tonnes de l’an dernier, comme il le faisait habituellement en vertu de ce qu’il appelle la conciliation de quota.
Chaque pêcheur reçoit une part individuelle de base d’environ 1100 livres (près de 516 kg) et est responsable d’en assurer le respect. Le cas échéant, tous les dépassements de quotas individuels seront désormais déduits selon un facteur d’un pour un. «On suspend la conciliation de quota cette année, explique Dario Lemelin, en autant que la flottille mette en place un système de gestion pour éviter les dépassements globaux importants, et pour que la conciliation de quota se fasse sur une base individuelle.»
Or, selon ce que rapporte Ghislain Cyr, certains palangriers ont, avec mille hameçons à l’eau, jusqu’à triplé leur taux de prises admissibles dès l’ouverture de la saison. D’ailleurs, en réaction, le MPO a annoncé dès le lundi 7 août une réduction du nombre d’engins autorisés par pêcheur. Il l’a fait passer à 700 hameçons par sortie en mer. «C’est très inquiétant, commente le capitaine du Biock. Va-t-on fermer la pêcherie plus tôt que prévu? Pêches et Océans refuse la remise à l’eau des poissons de taille commerciale en cas de dépassement. Pourtant, pour les pêches sentinelles, tous les flétans échantillonnés doivent obligatoirement être rejetés à la mer. C’est géré à la pièce; on dirait de l’improvisation.»
GESTION – page 21 – Volume 30,4 – Septembre-Octobre-Novembre 2017