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Pêche au homard en 2024 : baisse des prises et du prix moyen

Les homardiers gaspésiens ont débarqué 4 713,3 tonnes métriques de crustacé en 2024, pour une valeur de 73 329 801 $, une baisse de 165,12 tonnes métriques et de 9 020 219 $ par rapport à la saison de 2023. C’est une baisse de prises de 3,38 % et une diminution de revenus de 10,95 %.

Il s’agit tout de même des deuxièmes meilleurs résultats de l’histoire pour les homardiers gaspésiens, après le bilan de 2023. Il y a un an, les prises s’étaient établies à 4 878,43 tonnes métriques et les revenus à 82 350 020 $, des données excluant les prises des Gaspésiens pêchant à l’île d’Anticosti.

En proportions, c’est dans la zone 21 (Bonaventure à Miguasha) que les fléchissements ont été les plus prononcés, en vertu d’une baisse de 18,14 % des prises, de 410,15 à 335,76 tonnes, et de 25,62 % des revenus, qui sont passés de 6 976 540 $ à 5 189 443 $.

Les fléchissements ont été nettement moins prononcés dans les zones 20A (Forillon à Chandler) et 20B (Newport à New Carlisle). Dans 20B, les prises ont chuté de 9,5 %, de 1 257,29 à 1 137,82 tonnes métriques, alors que les revenus de 17 889 272 $ en 2024 comparativement à 21 035 150 $ en 2023, ont fléchi de 14,95 %.

Dans 20A, les chutes ont été moins prononcées, à 3,18 % pour les prises, qui sont passées de 2 607,19 à 2 524,2 tonnes métriques, alors que les revenus ont diminué de 43 839 715 $ à 38 979 774 $, une baisse de 11,09 %.

La zone 19 (Cap-des-Rosiers à Grande-Vallée), couvrant le côté nord de la Gaspésie, a fait bande à part, alors que des hausses ont été enregistrées. Les prises ont grimpé de 18,51 %, de 603,79 à 715,527 tonnes métriques, ce qui a généré des revenus en hausse de 7,36 %. Ces revenus ont donc grimpé de    10 498 615 $ en 2023 à 11 271 312 $ en 2024.

BILAN STATISTIQUE FRAGMENTAIRE

Les données de 2024 sont encore préliminaires. Le directeur du Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie, O’Neil Cloutier, en tire tout de même des conclusions assez claires, à plus d’un sens, notamment parce qu’il juge le bilan statistique de Pêches et Océans Canada très tardif et fragmentaire.

«Ce sont des données plus globales cette année; c’est une façon de les protéger. On a réclamé ces données le 10 juillet et ç’a culminé par des informations très incomplètes deux mois plus tard. On a commencé à travailler sur la stabilité du secteur homard en 1997, après un rapport du CCRH (Conseil pour la conservation des ressources halieutiques). Pêches et Océans Canada approuvait notre effort de redressement de la ressource à l’époque. On pensait être un meilleur partenaire», souligne M. Cloutier.

Ce ministère fédéral n’a donc fourni que des statistiques générales pour chacune des zones, omettant de transférer au Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie les données pour chacune des sous-zones.

«On a besoin d’analyser les sous-zones. Habituellement, on a ça le 23 juillet, comme en 2022-2023. Là, on a ça le 10 septembre! On ne sait même plus combien de pêcheurs sont inclus là-dedans. Avant, on avait un ensemble de tableaux avec comparatifs des années pour les PUE (prises par unité d’effort, ou poids recueilli par casier)», ajoute-t-il.

O’Neil Cloutier avait senti un changement d’attitude de Pêches et Océans Canada (MPO) par rapport aux statistiques dès la fin du printemps.

«Ce tiraillement pour avoir des données préliminaires a commencé en juin lors d’un audit pour la certification MSC (Marine Stewardship Council). Ils (les représentants du MSC) sont venus ici, puis ils sont allés voir le MPO. Il (le ministère) a refusé de donner les captures pour la zone 21. Listuguj a interdit au MPO de transférer les données de 21B à qui que ce soit. Donc, pour recevoir l’ensemble des captures totales, oui, sauf pour une bande autochtone. On ne peut plus travailler. On est paralysé par l’absence de volonté du MPO de partager les données», analyse-t-il.

M. Cloutier déplore que le ministère se serve d’un argument douteux dans ce cas, l’identification des prises d’un seul homardier lors de l’obtention des statistiques d’une sous-zone, pour garder les données de toutes les sous-zones.

«Elles sont coulées dans un ensemble de données. On veut protéger les données des individus. Par le passé, le ministère refusait de dévoiler les statistiques quand il y avait trois pêcheurs ou moins dans une sous-zone. Puis, ils ont monté ce nombre à cinq ou moins. Aujourd’hui, on exclut tout le monde. Je ne peux faire aucune analyse de prises par unité d’effort, pour permettre aux pêcheurs de faire des ajustements. Mon conseil d’administration, moi et tout le monde sont en maudit», ajoute M. Cloutier.

Il trouve la situation d’autant plus frustrante que le Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie a été à l’origine d’un grand effort de redressement de la biomasse du homard dans la région depuis 27 ans, effort ayant notamment débouché sur des prises cinq fois plus importantes aujourd’hui qu’au milieu des années 1990, et sur le développement d’un service de recherche financé par les pêcheurs.

«La pêche est gérée par unité d’effort, par PUE. Est-ce que le MPO a le droit de faire ça à un partenaire aussi important? On sait ce que nous avons fait comme effort. Le MPO était content à l’époque quand on a racheté des permis. On nous dit que nous ne sommes plus importants», tranche-t-il.

POURQUOI UNE CHUTE PLUS PRONONCÉE DANS 21B ?

O’Neil Cloutier souligne une baisse des prises nettement plus marquées dans la zone 21 que dans les zones 20A et 20B. Il a des raisons de croire que les pêcheurs évoluant dans la sous-zone 21A s’en sont assez bien tirés.

«On sait après avoir parlé à des pêcheurs de 21A qu’ils ont eu une bonne saison. Ç’a mal été dans 21B. Y a-t-il des raisons pour lesquelles les ratios par unité d’effort ne sont pas bons. On le dit depuis des années. On donne des permis à Listuguj, 100 casiers de plus à la communauté le printemps, 100 casiers de plus l’automne. Il y a une pêche d’automne. C’est sans compter que la même chose arrive de l’autre côté, à Eel River Bar, au Nouveau-Brunswick», déplore O’Neil Cloutier.

«Je n’ai pas lancé la serviette. Je vais avoir des discussions à tous les échelons (avec les gestionnaires de Pêches et Océans Canada). Jusqu’à maintenant, c’est sans succès. On est paralysés. Il y a un problème politique. Qu’est-ce qui arrivera en 2025 lors de l’audit du MSC pour les quatre prochaines années? Le MPO nous a cassé les oreilles en 2012 pour obtenir la certification MSC. On s’en souvient. Aujourd’hui, ils menacent notre certification alors qu’ils n’ont rien payé. Je sais ce qui ne va pas. Ce sont les ententes de réconciliation avec les autochtones, mais pas toutes. Nous travaillons très bien avec Gespeg et Gesgapegiag», précise-t-il.

O’Neil Cloutier compte aussi se faire entendre à propos de la présence grandissante de bars rayés dans les eaux côtières fréquentées par les homardiers.

«Il y a de grandes chances que le bar rayé explique en partie la baisse des captures en 2024, avec la surexploitation dans des secteurs précis, comme 21B», dit-il.

ÉMISSION DE NOUVEAUX PERMIS ET PRIX EN BAISSE

L’augmentation constante des débarquements dans la zone 19 revient constamment dans les discussions, quand l’idée d’émettre de nouveaux permis en Gaspésie est soulevée.

«On craint cette éventualité. Il y a une zone expérimentale à l’ouest de Rivière-à-Claude. Selon ce qu’on sait, par (le gestionnaire régional) Éric Saint-Laurent, il y aura de nouveaux permis de Rivière-à-Claude à Forillon. On ne sait pas où (la ministre) Diane Lebouthilier donnera des permis. Elle a dit Gaspé-Nord et Anticosti», dit-il.

O’Neil Cloutier s’inquiète de l’effet que de nouveaux permis pourraient avoir sur les prix, alors qu’une tendance à la baisse sévit depuis trois ans.

«Le prix moyen en Gaspésie s’est établi à 7,09 $ la livre. C’est une diminution de 63 cents par rapport au prix moyen de 2023. En Gaspésie, le prix avait été de 7,89 $ en 2022 et de 8,35 $ en 2021.

«C’est une tendance lourde. Plus on donne des permis, plus on augmente la probabilité qu’on augmente les quantités sur les marchés. Les industriels vont se servir de ça. Le prix moyen s’est établi à 7 $ la livre un peu partout cette année sauf au Nouveau-Brunswick, où il a atteint 7,35 $, plus 10 cents de ristourne. Il a atteint 7,75 $ lors de la première semaine dans Northumberland. On parlait de 8,30 $ dans ce secteur pour cette semaine, même si le homard est de moins bonne qualité, parce qu’il est en mue. Historiquement, les pêcheurs (du sud du Nouveau-Brunswick) ont toujours eu un prix plus bas. Ça veut dire que le marché de la chair est extrêmement fort. Le homard du golfe a plus de chair au printemps qu’à l’automne», analyse O’Neil Cloutier.

«Il se passe quelque chose, sans doute une trop grande offre. C’est pour ça qu’il est difficile de comprendre qu’il y aura une consultation à ce sujet et qu’elle (la ministre Lebouthillier) a déjà annoncé l’émission de permis. On (les homardiers) va payer pour l’inertie totale du MPO dans la gestion des autres stocks. On va payer pour une erreur du ministère. Elle aurait pu aider les crevettiers avec le sébaste et elle ne l’a pas fait. On se paie une crise, on sacrifie les homardiers pour régler une crise inutile», affirme-t-il.

Il voit dans que les crabiers des zones 12A et 12B, les pêcheurs de turbot et les crevettiers, attentent des permis de homard.

 

«L’instabilité financière nous guette. Il n’y a actuellement pas de transaction parce que les quantités et les prix baissent. Si on émet huit permis exploratoires dans une zone qui compte huit homardiers, comme dans la zone 19, le banquier va cogner à la porte», craint O’Neil Cloutier, inquiet à l’aube de consultations qu’il croit arrangées d’avance.

 

LA GASPÉSIE – pages 2-3 – Volume 37,4 Septembre-Octobre-Novembre 2024

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Gilles Gagné
Gilles Gagné, né à Matane, le 26 mars 1960. J'ai fait mes études universitaires à Ottawa où j'ai obtenu un baccalauréat avec spécialisation en économie et concentration en politique. À l'occasion d'une offre d'emploi d'été en 1983, j'ai travaillé pour Pêches et Océans Canada comme observateur sur deux bateaux basés à Newport, deux morutiers de 65 pieds. Le programme visait l'amélioration des conditions d'entreposage des produits marins dans les cales des bateaux et de leur traitement à l'usine. Cet emploi m'a ouvert des horizons qui me servent encore tous les jours aujourd'hui. En 1989, après avoir travaillé en tourisme et dans l'édition maritime à Québec, je suis revenu vivre en région côtière et rurale, d'abord comme journaliste à l'Acadie nouvelle à Campbellton. C'est à cet endroit que j'ai rédigé mes premiers textes pour Pêche Impact, à l'été 1992. Je connaissais déjà ce journal que je lisais depuis sa fondation. En octobre 1993, j'ai déménagé à Carleton, pour travailler à temps presque complet comme pigiste pour le Soleil. J'ai, du même coup, intensifié mes participations à Pêche Impact. Je travaille également en anglais, depuis près de 15 ans, pour l'hebdomadaire anglophone The Gaspé SPEC et je rédige l'éditorial du journal Graffici depuis 2007.
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