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Pêche au homard : une saison exceptionnelle avec un nouveau record des captures

Les pêcheurs de homard des Îles-de-la-Madeleine enregistrent une nouvelle saison record en termes de captures. Selon les données de l’Office des pêcheurs de homard des Îles (OPHIM), leurs prises totalisaient 13 566 668 livres après huit des neuf semaines de pêche, contre un total de 11,9  millions de livres pour l’ensemble de la saison 2021. En comparaison, le seuil jusque-là inégalé de la saison 2020 s’élevait à 13 414 322 livres.

C’est surtout du côté nord de l’archipel que la progression des captures s’est fait sentir, avec une croissance moyenne variant entre 24 % et 42 % par port de pêche, à la septième semaine, selon les statistiques préliminaires de Pêches et Océans Canada. Les volumes de la 3e semaine ont notamment bondi de plus de 80 % par rapport à la même période de l’an dernier, à Grosse-Île, à Pointe-aux-Loups et à Millerand. En comparaison, la progression des prises du côté sud de l’archipel variait plutôt entre 4 % et 21 % aux trois quarts de la saison.

DU TEMPS TRÈS CALME

«C’est une saison très exceptionnelle!, s’exclame Ruth Taker, directrice générale de la Coopérative de pêcheurs Cap Dauphin de Grosse-Île. Au niveau des prises, je ne pense pas qu’on n’ait jamais vu ça dans le passé.» Les débarquements étaient à ce point abondants à la Coop qu’elle devait au besoin faire appel à des personnes supplémentaires pour prêter main-forte à sa centaine d’employés. «On s’est organisé d’une manière ou d’une autre, mais déjà, pour l’année prochaine, le conseil d’administration a décidé de faire une demande pour avoir 25 travailleurs étrangers», expose MmeTaker.

Le président du Rassemblement des pêcheurs et pêcheuses des côtes des Îles (RPPCI), Charles Poirier, attribue les prises record aux excellentes conditions météorologiques qui ont prévalu tout au long de la saison. «On a eu beaucoup de température avec du vent léger, des accalmies, explique-t-il. C’est ce qui a fait que le homard était au rendez-vous. Dans les années antérieures, quand on avait vu ça, une huile sur l’eau, quatre, cinq jours dans tout le printemps, on disait que c’était une bonne année. Mais là, cette année, plus de la moitié des journées ont été des journées calmes. C’est du jamais vu!»

VALEUR RECORD

Quant au prix moyen pondéré versé à quai, il se chiffrait à 8,05 $ la livre, après huit semaines de pêche, contre 8,39 $ un an plus tôt. Il s’agit d’une légère baisse de 4 %. Le directeur général de l’Association québécoise de l’industrie de la pêche (AQIP), Jean-Paul Gagné, fait néanmoins remarquer qu’avec les volumes record livrés à quai, les six acheteurs inscrits au plan conjoint du homard des Îles avaient déjà déboursé plus d’argent en huit semaines, que la somme record de 102 millions $ pour l’ensemble de la saison 2021.

«Le total versé sur les 13,5 millions de livres, après huit semaines de pêche, est de 109 millions $, souligne-t-il. C’est une très bonne saison dans les circonstances actuelles d’inflation. Le homard se comporte très bien comparativement aux autres espèces, comme la crevette et le crabe. Le prix est resté accessible pour le consommateur. C’est ça qui est important.»

Le président intérimaire de l’OPHIM, Rolland Turbide, admet que le prix payé à quai est raisonnable. «On en prendrait tout le temps plus, mais 8,05 $ la livre c’est satisfaisant parce que partout dans les Maritimes c’est moins que ça, relève-t-il. Alors, il faut être réaliste. Il faut aller avec le marché aussi. On comprend les producteurs; pour une fois, on est d’accord avec eux autres!»

M. Turbide se félicite d’ailleurs de la dynamique qui s’est installée autour de la table de discussion avec les acheteurs, avec l’entrée en scène de trois nouveaux visages, soit Jean Bérubé, Stéphane Filion et Christian Vigneau, qui ont respectivement pris les rênes de Fruits de Mer Madeleine, Pêcheries SBL et Poissons Frais des Îles, au cours de la dernière année. Ils sont bien « d’adon », relate-t-il. Ils sont parlants. Si on a besoin, ils sont là, et s’ils ont besoin on est là aussi. C’est mieux que ce qu’il y avait avant; avant c’était plus du chacun pour soi.»

L’OPHIM planifie d’ailleurs une rencontre avec les acheteurs de homard de l’archipel au cours du mois de juillet, pour finaliser la saison et lancer les bases d’un plan de développement. «On doit travailler ensemble, l’AQIP et l’Office, pour développer de nouveaux marchés, comme Toronto et l’Europe, et investir en publicité, affirme Rolland Turbide. Rien n’est encore sur la table, mais sûrement qu’on va sortir quelque chose au courant de l’hiver.»

ARBITRAGE REJETÉ

Cela dit, les pêcheurs de homard des Îles ont été déboutés par la Régie des marchés agricoles et alimentaires du Québec qui a rejeté leur demande d’arbitrage sur le prix versé à quai lors des 3e, 4e et 5e semaines de pêche de la saison 2020. Pour l’Office, qui contestait les prix versés parce qu’inférieurs à ce qui avait été payé ailleurs en Gaspésie et dans les Maritimes, le manque à gagner s’élevait à 2,1 millions $.

Dans sa décision rendue le jeudi 23 juin, suite à quatre jours d’audiences publiques tenue sur la chaîne YouTube le 25 janvier, les 9 et 10 mars et le 5 mai 2022, la Régie ignore carrément le fond de la question. D’entrée de jeu, elle explique que l’OPHIM n’a pas respecté le processus prévu à la Convention de mise en marché du homard des Îles pour faire ses demandes d’arbitrage sur les trois semaines en litige.

C’est qu’en vertu de l’article 8.06 de la Convention, le Comité de prix doit décider le vendredi de chaque semaine si un ajustement de prix est justifié et en déterminer, le cas échéant, la valeur. «À défaut d’une entente entre les parties, l’arbitrage doit à ce moment […] être demandé à la Régie», écrivent les trois régisseurs au dossier.

Le problème c’est que l’Office a plutôt attendu jusqu’au 16 septembre 2021, pour faire sa demande d’arbitrage pour les semaines 3, 4 et 5 de la saison de pêche 2020. On comprend, de la décision de la Régie, que l’Office avait jusque-là gardé espoir de négocier un ajustement pour ces trois semaines et avait fait noter, au procès-verbal des réunions du Comité de prix, une «réserve de droit» afin de se garder la porte ouverte à un éventuel arbitrage.

Or, citant la jurisprudence, la Régie conclut qu’une réserve de droit est «inutile». «Une partie a des droits ou elle n’en a pas, relève-t-elle. Il ne revient pas aux tribunaux d’exprimer un avis juridique sur l’existence ou non des droits qu’une partie demande de réserver. Ceux-ci sont tenus de sanctionner un droit existant qui a été prouvé.»

Volume 35,3 – LES ÎLES-DE-LA-MADELEINE – page 2 – Juin-Juillet-Août 2022

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Hélène Fauteux
Hélène Fauteux est diplômée en communications et journalisme de l'Université Concordia. Établie aux Îles-de-la-Madeleine depuis 1986, elle a développé une solide expertise en matière de pêche et de mariculture.
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