Les 22 pêcheurs de pétoncle géant des Îles-de-la-Madeleine encaissent une deuxième baisse consécutive de leur allocation annuelle. D’ici le 31 juillet, ils ont droit à un total de 230 jours en mer dans la principale zone 20 A, regroupant les fonds de pêche traditionnels de l’archipel. Cela correspond à 10 jours chacun, puisque l’un d’eux est détenteur de deux permis. En comparaison, les pétoncliers madelinots se partageaient 299 jours en 2020, et 322 jours au cours de la période 2013-2019.
Le directeur de secteur du ministère des Pêches et des Océans (MPO), Cédric Arseneau, précise que le biologiste chargé du suivi du stock Rénald Belley, de l’Institut Maurice-Lamontagne (IML), ne recomman-dait lui-même qu’une diminution à 252 jours en mer, basé sur les prises par unité d’effort (PUE) de l’an dernier. Ce principal indice de suivi scientifique de la ressource était de 1,11 kg/h∙m en 2020, en bais- se de 16 % par rapport à la valeur de 1,32 kg/h∙m en 2019.
«Ce sont les pêcheurs qui ont choisi de jouer de prudence, se félicite M. Arseneau; personne n’a été surpris de cette décision-là. L’avis des sciences dépend très, très grandement des données qui sont issues de la pêche commerciale. Les pêcheurs sont très conscients de l’état du stock et ils sont volontaires dans les mesures de conservation qui sont mises en place; c’est une constante aux Îles-de-la-Madeleine.»
Mario Poirier, capitaine du P’TITE BAIE et président de l’Association des pêcheurs de pétoncle des Îles, ajoute que ses membres ont également obtenu de commencer la saison deux semaines d’avance, dès la mi-mars, étant donné l’absence de glace dans le golfe cet hiver, et ce, par souci de limiter l’effort de pêche avant la période de ponte estivale.
«Comme ça, la plupart des pêcheurs qui pêchent aussi le homard ont eu le temps de compléter leur saison avant le mois de mai, ce qui va donner trois mois aux pétoncles de se reposer avant la ponte qui se fait généralement au mois d’août, expose M. Poirier. Et le pétoncle est aussi plus difficile à prendre à cette période-là parce que quand l’eau est chaude, il saute par-dessus la drague. Ça fait que tout ça mis ensemble, ça aide à protéger la ressource et à maximiser la rentabilité de nos sorties en mer.»
DANS LA MOYENNE
Cela dit, malgré les recommandations des sciences de baisser l’effort de pêche au pétoncle géant, d’abord en 2020 puis en 2021, le stock des Îles-de-la-Madeleine va relativement bien. C’est ce qu’affirme Rénald Belley. Dans la plus récente mise à jour annuelle de son rapport scientifique revu par les pairs en février 2020, le biologiste de la Direction des sciences démersales et benthiques de l’IML qualifie de moyens ses indicateurs de prises par unité d’effort (PUE) et de relevés de recherche. «Pour l’instant, je dirais, ça va selon nos prévisions, observe-t-il. Les densités sont quand même intéressantes et la PUE est moyenne. Donc, je dirais qu’on n’est pas dans un endroit où est-ce que c’est parfait; on n’est pas dans un endroit où est-ce que c’est très faible, non plus. On se retrouve un peu entre les deux, là.»
Ainsi, il ressort que la densité des pétoncles de taille commerciale, soit de 100 mm et plus, se situait au-dessus de 85 % de la médiane de la série 1992-2015, lors des relevés scientifiques post-saison du mois d’août 2019. «Donc, ce n’était pas le plus élevé qu’on ait observé depuis le début des relevés, mais c’était quand même dans le très élevé », commente le biologiste de l’IML. Cependant, si l’effort de pêche a été ramené d’un total de 322 jours pour la période 2013-2019, à 299 jours l’an dernier, c’est parce que les pré-recrues de 85 à 99 mm, étaient plutôt en densité inférieure à la médiane historique. «Eux autres, ils sont très bas; c’est pour ça que la recommandation des sciences était de diminuer légèrement. Parce que oui, il y en a beaucoup de gros, mais il y en avait très peu en 2019, de ceux qu’on appelle «les moins un an», qui entraient dans la pêche en 2020.»
En contrepartie, le biologiste souligne que la densité des pré-recrues de 70 à 84 mm et de moins de 70 mm était elle-même supérieure à la médiane de la série, lors de ses derniers relevés scientifiques de 2019. «Les 70-84 mm, ce sont eux qui entrent dans la pêche cette année, fait-il valoir. Avec un taux de croissance normale, les pétoncles mettent six ans pour atteindre la taille commerciale. Et si on a quand même recommandé de baisser encore l’effort de pêche, c’est parce qu’il est important de laisser suffisamment de gros géniteurs sur le fond pour favoriser le recrutement.»
Au moment d’aller sous presse après sept semaines de pêche, les prises de l’archipel s’élevaient à 27,7 tonnes de chair, contre 15,5 tonnes pour la même période de l’an dernier. Il s’agit d’une hausse de 78 %, alors que 20 pêcheurs, soit trois de plus qu’en 2020, participent à l’effort de pêche. Les sorties en mer ont elles-mêmes augmenté de 21 % entre le 15 mars et le 2 mai 2021, en comparaison avec les sept premières semaines de la saison dernière, du 13 avril au 31 mai.
En 2020, la saison s’était soldée par des débarquements globaux de 32 tonnes de chair, en baisse de 20 % par rapport à 2019. Quant au prix versés à quai, il est en hausse d’au moins 2 $ la livre, selon Mario Poirier. Il varie entre 16 $ et 18 $, contre 14 $ l’an dernier.
LES MOLLUSQUES – page 26-1 – Volume 34,2 Avril-Mai 2021