jeudi, novembre 21, 2024
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Pêche au sébaste : des assouplissements aux règles de capture toujours réclamés

L’industrie du sébaste presse la ministre des Pêches et des Océans (MPO) d’assouplir les règles de capture pour faciliter la relance de la pêcherie après trois décennies de moratoire. Elle lui demande surtout d’autoriser des essais de chalutage à une profondeur de 250 mètres, là où le poisson se trouve en concentrations plus importantes. C’est que depuis la réouverture de la pêche au poisson rouge à la fin juin, le ministère n’autorise les pêcheurs qu’à trainer leurs filets à plus de 300 mètres. La mesure en place jusqu’au 31 octobre, pour la pêche dite d’été, vise à limiter à 1 % le taux des prises accidentelles d’espèces vulnérables telles que la morue. Cependant, elle a aussi pour effet d’affecter la rentabilité des sorties en mer.

Questionnée à ce sujet en marge d’une conférence de presse tenue aux Îles au mois d’août, Diane Lebouthillier a répondu qu’elle s’en remettait aux recommandations du Comité consultatif du sébaste composé de représentants ministériels, de l’industrie, des nations autochtones et  d’organisations non gouvernementales. «J’étais très heureuse, en 2024, d’annoncer l’ouverture de la pêche au sébaste après 30 ans de fermeture et mon objectif, c’est d’éviter d’autres fermetures. Au contraire, on veut développer des pêches responsables tout en protégeant les prises accessoires et on a deux ans pour s’adapter. Alors ça va évoluer avec le temps», a-t-elle déclaré sans pour autant dire si des ajustements seront apportés dès cette année.

Pour sa part, le gestionnaire de Madelipêche, Paul Boudreau rappelle que le président du Comité consultatif du sébaste Todd Williams a publiquement fait savoir que le MPO ferait preuve de souplesse dans l’application du plan de pêche au sébaste 2024-2025 (Pêche Impact, juillet 2024). «Et ce qu’on veut, c’est pouvoir faire des tests à 250 mètres dès cette année, pour arriver à la prochaine réunion du comité avec des données probantes, avec des faits sur lesquels baser les discussions et prendre des décisions éclairées sur d’éventuels ajustements», plaide-t-il.

COMMUNICATIONS DÉFAILLANTES?

Questionné à son tour à ce propos, le bureau du ministère à Ottawa nous informe qu’il est possible de faire les tests souhaités avec un permis de pêche expérimentale. «Les mesures de gestion du sébaste pour l’Unité 1, annoncées le 31 mai dernier, s’appliquent à tous les titulaires de permis de pêche, y compris l’obligation de pêcher à des profondeurs supérieures à 300 mètres jusqu’au 1er novembre. Si un titulaire de permis souhaite effectuer des travaux expérimentaux visant à éviter les prises accessoires à différentes profondeurs, il peut demander un permis de pêche expérimentale, délivré en vertu de l’article 52 du Règlement des pêches», nous écrit-on par courriel.

Le capitaine du MANIC V de Rivière-au-Renard, Guillaume Synnott, n’a pas caché sa surprise lorsque nous lui avons relayé cette information. Il raconte que le MPO, à qui il avait précisément proposé d’accueillir des observateurs en mer pour faire des essais de pêche au sébaste à moins de 300 mètres de profondeur afin de documenter la présence ou non d’espèces non ciblées, lui a tout simplement répondu ‘’Non’’, sans autre explication.

«À bord de mon bateau, j’ai des caméras de surveillance pour enregistrer les prises, une boîte noire aux 15 minutes [pour le suivi satellite des déplacements] et j’ai offert au MPO de démontrer que dans des profondeurs de 250 mètres, on va prendre peu ou pas de prises accessoires, relate le pêcheur gaspésien. Et tout ce qu’on nous a dit c’est ‘’Non, pas pour cette année’’. Alors il faut croire qu’ils veulent mieux paraître devant les journalistes [en les informant davantage]! M. Synnott nous apprend aussi que le ministère est resté sur ses positions lorsqu’il est revenu à la charge avec une demande de pêche exploratoire en bonne et due forme, après nous avoir parlé. «Le ministère n’a pas l’air de vouloir changer le plan de pêche 2024», se désole-t-il.

ZONES À RISQUE

Entretemps, le capitaine du JEAN MATHIEU, Denis Éloquin, qui est aussi actionnaire de Madelipêche et de l’usine de transformation Fruits de mer Madeleine (FMM) de L’Étang-du-Nord, constate que les restrictions du MPO limitant la pêche à plus de 300 mètres l’amène dans des zones qui lui étaient jusqu’ici inconnues, dans les grandes profondeurs du chenal laurentien. À son avis, il est dangereux de pêcher dans le secteur en raison du trafic maritime sur cet axe principal du commerce nord-américain. En quatre sorties en mer, il dit avoir brisé son chalut à deux reprises parce qu’il y aurait accroché un récif, une épave ou peut-être même un conteneur de marchandises.

«Les pêcheurs de sébaste ne sont pas habitués à pêcher un peu partout, expose M. Éloquin. Selon les dates et la température, on pêche à des endroits spécifiques année après année. Tout le monde a quelques bons spots. Mais là, on nous envoie dans des endroits où le poisson n’est pas regroupé et si tu fais un coup de chalut sans ramasser de poisson, bien, tu fais un trou parce que le carburant est terriblement cher. Alors tu ne peux pas te permettre de manquer un voyage ou faire des bris majeurs sur tes équipements de pêche parce que tu n’arrives déjà pas à payer tes frais.»

D’ailleurs, parce que le poisson est très dispersé à 300 mètres de profondeur à ce temps-ci de l’année, le capitaine du JEAN MATHIEU fait remarquer qu’il lui faut parfois jusqu’à quatre jours pour en capturer 85 000 livres. En comparaison, il ne mettrait que deux jours à prendre plus de 100 000 lbs de sébaste à 250 mètres, soutient-il. La situation est d’autant plus décourageante du fait qu’elle affecte le recrutement de ses membres d’équipage, parce qu’ils sont payés au pourcentage des prises.

«Un voyage en bas de 100 000 livres ce n’est pas évident pour les gars, qui sont de moins en moins nombreux à vouloir pêcher, insiste M. Éloquin. Et il n’y a pas de raison valable pour que le ministère nous empêche de pêcher à 250 mètres. Ça n’a pas de sens. […] Les scientifiques ne connaissent pas la réalité de la pêche. Tu ne peux pas te permettre de t’en aller au large, fouiller pour du poisson quand il y en a des quantités incroyables à moindre profondeur. On n’a pas de temps à perdre. On n’a pas d’argent à perdre!»

Autrement, le pêcheur semi-hauturier s’avoue surpris par le très faible volume de prises accidentelles, lors de ses quatre premières sorties de pêche commerciale au sébaste étalées entre la fin juin et la mi-août. Tout au long de cette période, il dit n’avoir capturé qu’une seule morue et qu’un maigre 300 livres de flétan, notamment. Aussi Denis Éloquin assure-t-il qu’une autorisation de chaluter à 250 mètres de profondeur n’y changerait pas grand-chose. «En été, la morue se tient plus près des côtes, dans le 50-60 brasses (90-110 mètres), relève-t-il. Et cette année, tout le monde qui fait la pêche récréative à la palangre prend des grosses morues et prend tout le quota. Ça fait que l‘été, l’automne, il n’y a pas de morue à plus de 100 brasses.»

Notons que l’usine Fruits de mer Madeleine n’a payé le poisson rouge que 0,40 $/lb, alors que M. Éloquin calcule qu’il lui est impossible de rentabiliser la pêcherie en deçà de 0,60  $/lb. Même que l’entreprise de transformation avait convenu avec le capitaine du JEAN MATHIEU de limiter ses voyages de pêche à 80 000 livres chacun, pour faire ses tests de production et de commercialisation. «Il faut être patient et commencer en quelque part», concède-t-il.

LES POISSONS DE FOND – page 6 – Volume 37,4 Septembre-Octobre-Novembre 2024

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Hélène Fauteux
Hélène Fauteux est diplômée en communications et journalisme de l'Université Concordia. Établie aux Îles-de-la-Madeleine depuis 1986, elle a développé une solide expertise en matière de pêche et de mariculture.
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