Plus d’une centaine de personnes, dont une trentaine de jeunes de la relève, étudiants du programme de formation professionnelle en pêche, a pris part à la 8e édition du Rendez-vous annuel de l’industrie de la pêche et de la mariculture, organisé par la Municipalité des Îles-de-la-Madeleine. L’événement se déroulait sous le thème «Une industrie tournée vers l’avenir!», à la salle communautaire de Cap-aux-Meules, en décembre dernier.
Il réunissait une dizaine de conférenciers, dont les chercheurs scientifiques du ministère des Pêches et des Océans (MPO), Peter Galbraith et Hugo Bourdages. Ils ont respectivement présenté un état de situation sur les changements climatiques et les poissons de fond du Nord du Golfe. «Avec la question du sébaste qui est sur toutes les lèvres présentement, on parle d’un retour éventuel à une pêcherie de court terme; on parle de 2019. Alors, certainement que les changements climatiques auront des répercussions sur l’avenir de la pêcherie», expose Gabrielle Landry, directrice du développement du milieu.
RÉCHAUFFEMENT ACCÉLÉRÉ
D’ailleurs, selon les données de monsieur Galbraith, la température de surface de l’ensemble du golfe du Saint-Laurent était de deux degrés supérieure à la normale, en novembre dernier. L’océanographe physicien de l’Institut Maurice-Lamontagne (IML) explique que le réchauffement, en lien direct avec la température de l’air, s’accélère de façon notable depuis 1990. Sa progression historique de 0,9 degré par tranche de 100 ans est passée à une valeur de 1,5 degré. «En hiver, la température de l’air augmente plus rapidement que notre 0,9 degré en 100 ans, précise-t-il. Plus que le double. On est au-dessus de deux degrés par 100 ans. Et ça, ça affecte nos conditions de glace.»
En l’absence de couvert de glace l’hiver, le réchauffement printanier a jusqu’à cinq semaines d’avance sur les années les plus froides, souligne le chercheur scientifique de l’IML. Il calcule qu’en été, la saison s’allonge de deux semaines dès que la température de l’air enregistre une anomalie d’un degré Celcius.
PERSPECTIVES 2017
Le Rendez-vous des pêches et de la mariculture est aussi l’occasion de faire le point sur l’état des marchés et d’en analyser les perspectives pour la saison à venir. Ainsi, selon l’économiste Sony Cormier, la stabilité est à prévoir, et ce, malgré les remous politiques que provoque, entre autres, l’arrivée de Donald Trump au pouvoir aux États-Unis. Conseiller stratégique pour le compte de GÎMXPORT, monsieur Cormier cite une donnée du Fonds monétaire international, qui anticipe une croissance mondiale de 3,4% en 2017. «Deux éléments sont favorables actuellement, dit-il. Pour ce qui est des coûts de production, le prix du pétrole est bas comparé à ce qu’il était il y a quatre ou cinq ans. Donc, c’est un élément intéressant pour l’industrie. Et le taux de change est aussi très bas, ce qui avantage le produit canadien sur les marchés.»
Cela dit, Sony Cormier constate que la croissance de la Chine est elle-même quatre fois plus importante que celle du Canada, et ce, même si son produit intérieur brut est en repli continu depuis 2010. Son collègue André-Pierre Rossignol, conseiller à l’exportation chez GÎMXPORT, note à ce propos d’intéressantes opportunités sur le marché chinois pour les produits du homard transformé, en particulier. «Ce n’est pas nécessairement possible pour nous d’envoyer du homard vivant en Chine; c’est trop compliqué, dit-il. Ce n’est pas toujours facile. Donc, on a commencé à transformer, et à avoir du congelé et des produits transformés et là, on a accès à un nouveau marché. Et c’est pour ça que c’est important de suivre la parade quand il est question de commerce à l’international.»
Quant à la menace du nouveau président des États-Unis de mettre fin à l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), l’industrie de la pêche se croise les doigts pour ne pas qu’elle se matérialise. Sony Cormier fait remarquer que ce changement priverait tout autant le cœur économique américain du Rust Belt, où se trouve la majorité de l’électorat de Trump.
La valorisation des résidus des usines de transformation et les coûts prohibitifs de l’accès de la relève aux pêcheries figuraient également à l’agenda des discussions du Rendez-vous annuel de l’industrie. De plus, le biologiste Jean-François Laplante du Centre d’innovation des pêches et de la mariculture, Merinov, a fait un compte-rendu des travaux de recherche et développement que mène son équipe depuis 2013 sur les appâts alternatifs. Il note, entre autres, que le loup-marin présente un intérêt pour leur conception afin de compenser le déclin du hareng, du maquereau et de la limande à queue jaune.
Selon monsieur Laplante, les rendements à la pêche sont légèrement supérieurs à ceux de la boëtte traditionnelle, quand on combine un broyat de viscères, d’os et de viande de phoque à du hareng broyé. Cependant, il précise qu’il ne s’agit là que du résultat de deux sorties en mer pour la pêche au crabe araignée, menées le printemps dernier : «Quand je parle de légèrement supérieur, c’est peut-être 5%. Mais c’est basé sur deux sorties en mer. Donc, on est encore prudent à ce niveau. Puis, on prévoit une phase deux pour l’année 2017.»
Merinov est d’ailleurs en attente d’un financement de la part des deux paliers de gouvernement pour poursuivre ses travaux de recherche sur les appâts alternatifs. Monsieur Laplante évalue les besoins à 250 000 $ pour les trois prochaines années.
CONCERTATION – page 30 – Volume 30,1 – Février-Mars 2017