Pierre Déraspe, directeur général de Fruits de Mer Madeleine de l’Étang-du-Nord, est le nouveau président du créneau Accord Ressources, sciences et technologies marines. Il succède à Robert Langlois, des Pêcheries Gaspésiennes, qui en assumait le leadership depuis six ans.
Le directeur du créneau, Alain Grenier, précise que son organisation a pour mission de favoriser la concertation et l’innovation au sein de l’industrie de la pêche. «Des fois, ça va s’appuyer sur l’innovation de produits, l’amélioration de procédés, la performance de la main-d’œuvre, la mise en place de solides partenariats d’affaires; donc, c’est un peu notre rôle, dit-il. Et, aussi, on fait des investissements via un programme, qu’on appelle le PADS (Programme d’appui au développement des secteurs stratégiques et des créneaux d’excellence).»
La valorisation des résidus de transformation des produits marins et la pénurie de main d’œuvre figurent parmi les principaux défis à relever, souligne pour sa part Pierre Déraspe. «Il faut être à jour sur toutes les nouvelles technologies pour être au premier rang dans tous les changements qu’il y aura à venir dans les procédés de transformation d’usine, mondialement, avance-t-il. Et, d’être capables de développer avec des stratégies parfois communes, parfois chacun la nôtre; mais être capables, justement, d’avoir une vue d’ensemble des différents procédés à venir, puis d’aller chercher les aides nécessaires pour avoir l’information de façon efficace.»
BÉTON VERT
Le créneau Ressources, sciences et technologies marines a d’ailleurs participé, du 10 au 12 avril, à une conférence sur la valorisation des coproduits marins à Reykjavik, en Islande. De plus, l’entreprise Fruits de Mer Madeleine est associée au projet Béton Vert, initié par le Centre de recherche sur les milieux insulaires et maritimes (CERMIM), en vue de valoriser les dizaines de milliers de mètres cube de sable de dragage, retirés annuellement des ports et chenaux des Îles-de-la-Madeleine, et les quelques 1 400 tonnes de résidus marins que génèrent chaque année, les usines de transformation du territoire. Ces déchets de l’industrie de la pêche ne seront plus acceptés au Centre de gestion des matières résiduelles (CGMR) de Havre-aux-Maisons, à compter de janvier prochain.
Marc-Olivier Massé, directeur associé du CERMIM, rattaché à l’Université du Québec à Rimouski, s’y penche depuis deux ans, déjà. En collaboration avec des chercheurs du département de génie civil de l’Université de Sherbrooke, il a développé un prototype de roche artificielle, combinant les carapaces de crustacés et les coquillages de mollusques séchés et broyés, et les sables de dragage. « Nous, on regarde, aux Îles, ce qui coûte très cher à importer comme matière première, et quels sont les frais d’exportation, d’élimination de certaines matières, expose M. Massé. Donc, on met tout ça dans l’analyse économique et ensuite technique; de quelle façon on serait capable d’améliorer la performance, ou en substituant, même, certains intrants.»
Le directeur associé du CERMIM s’est aussi déplacé en Europe, en avril, en vue d’établir des partenariats scientifiques dans le domaine. Il note que l’École nationale supérieure des mines de Lille Douai, en France, a développé une expertise dans la récupération des sables de dragage, depuis une vingtaine d’années. «On a regroupé tous les partenaires qu’on voyait qui avait les éléments de ce qu’on cible être notre recette idéale pour valoriser, pour développer certaines filières», dit-il.
FREINER L’ÉROSION
Estimé à 2,5 millions de dollars sur trois ans, le projet Béton Vert bénéficie d’une subvention d’un million de la part de Développement Économique Canada. Il est mené en collaboration tant avec Fruits de Mer Madeleine, qu’avec sa concurrente La Renaissance des Îles, la Municipalité des Îles-de-la-Madeleine, la division Dragage et Remorquage de la CTMA, Techn’Îles et Option Béton de l’Étang-du-Nord.
C’est la députée de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine et ministre du Revenu national, Diane Lebouthillier, qui a fait l’annonce du soutien gouvernemental, le 21 mai. Elle applaudit au fait que les roches artificielles serviront de matériau pour les ouvrages de protection des côtes contre l’érosion côtière. «Beaucoup d’organismes à fort potentiel ont vu le jour en étant à l’affût des nouveautés, en observant les tendances et en anticipant les besoins du marché, dit-elle. Et le Centre de recherches sur les milieux insulaires et maritimes, le CERMIM, en est un exemple probant.»
L’octroi fédéral permettra au CERMIM de se construire une usine pilote près du CGMR, et de la doter d’équipements spécialisés pour ses activités de recherche et développement. Son directeur associé explique que le projet se veut une vitrine en économie circulaire, au profit des entreprises et institutions du territoire. «On souhaite optimiser les pratiques, les procédés, favoriser les maillages industriels autant aux Îles-de-la-Madeleine qu’à l’étranger, et les transferts technologiques, énonce Marc-Olivier Massé. Et puis, on veut aussi créer des retombées économiques. L’idée est, oui, d’aider à régler des problèmes, mais on veut aussi que les entreprises puissent faire des revenus intéressants avec ça.»
Le CERMIM, qui explore différentes solutions de valorisation des résidus d’usines de transformation de produits marins, vise aussi, dans un deuxième temps, leur utilisation à des fins agricoles. M. Massé fait remarquer qu’une fois séchées, les quelques 1 400 tonnes de déchets qui seront détournés du CGMR, résulteront en plus ou moins 300 tonnes de matière pouvant être valorisée.
NOMINATION – page 21 – Volume 32,3 Juin-Juillet-Août 2019