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Pour maximiser leurs captures avant l’arrivée des baleines noires, les crabiers veulent 25 casiers supplémentaires en début de saison

Les pêcheurs traditionnels de crabe des neiges du sud du Golfe réclament plus de souplesse de la part de Pêches et Océans Canada (MPO) afin de maximiser leurs captures avant l’arrivée des baleines noires menacées d’extinction. Ils ont notamment profité de la réunion annuelle du comité consultatif de gestion, tenue à Moncton le 22 février, pour demander l’autorisation de pêcher avec 25 casiers supplémentaires en début de saison 2023.

Selon Robert Haché, directeur général de l’Association des crabiers acadiens (ACA), le ministère leur avait déjà alloué un tel nombre de casiers additionnels en 2017, pour un total de 175 par bateau, par mesure d’équité avec certaines autres flottilles dont la capacité de capture au prorata casiers/quotas est nettement supérieure à celle des pêcheurs semi hauturiers. Or, cette mesure leur avait été retirée dès l’année suivante, sur la base de données erronées, dit-il.

«Depuis ce temps-là, on demande au MPO de nous redonner les 25 casiers sur la base de l’équité, précise M. Haché. Mais à défaut d’obtenir gain de cause, ce qu’on souhaite c’est de les avoir au moins pour une période de cinq semaines en début de saison, quand il y a beaucoup moins de baleines dans le Golfe, pour accélérer la capture du crabe et le retrait des cordages de l’eau [afin de minimiser les risques d’empêtrement].»

De plus, les crabiers plaident pour une plus grande flexibilité de gestion en ce qui concerne les fermetures de zones de pêche lorsque la présence de baleines est signalée. Ils font valoir que les fermetures saisonnières de zone ne sont pas pertinentes lorsque les animaux sont encore en déplacement vers leurs aires d’alimentation, au cours du mois de mai. «Avant le mois de juin, il n’y a vraiment pas de concentrations significatives de baleines, explique Robert Haché. Les concentrations observées au cours des cinq dernières années ont toujours été aux mêmes endroits. Et c’est pourquoi on demande qu’avant le mois de juin on ne fasse que des fermetures temporaires, qui permettent aux pêcheurs d’avoir des réouvertures quand c’est possible et de pouvoir pêcher pendant la période où il y a moins de risques [d’interaction] que plus tard dans la saison.»

FERMETURES SAISONNIÈRES

Pour sa part, Paul Boudreau, porte-parole des crabiers traditionnels madelinots est d’avis que le MPO doit carrément renoncer aux fermetures saisonnières. Ces dernières sont décrétées lorsqu’une baleine est encore présente dans une zone interdite à la pêche, 15 jours après l’émission de l’avis annonçant son bouclage temporaire.

«On veut qu’il y ait une réouverture des quadrilatères fermés à la pêche dès qu’il n’y a plus de baleine, dit-il. Parce que ça se peut qu’il n’y ait plus aucune baleine trois semaines suivant l’avis de fermeture. Alors on demande qu’il n’y ait plus de fermeture saisonnière et qu’on assure une meilleure surveillance des baleines dans les zones fermées, pour qu’on puisse les rouvrir dès qu’elles se sont déplacées.»

Les crabiers du sud du Golfe demandent aussi au MPO d’attendre d’avoir un signalement visuel d’une baleine, plutôt qu’un simple signal acoustique, afin de mieux cibler les zones de fermeture. Le problème, selon Robert Haché, c’est que la détection acoustique d’une baleine peut se faire dans un rayon de 40 km, autour d’une bouée hydrophone.

«Ils ferment autour de la bouée et pas nécessairement là où se trouve la baleine, expose-t-il. Alors nous, ce qu’on dit au ministère, c’est d’accentuer les observations aériennes quand ils ont une indication acoustique de la présence d’une baleine pour essayer de l’identifier de façon visuelle. C’est une question de fine tuning, d’amélioration des mesures en places, pour permettre à la pêche du crabe de se dérouler de la façon la plus sécuritaire pour les baleines et la plus performante possible, dans les circonstances.»

ÉTAT DU MARCHÉ

Par ailleurs, le DG de l’ACA se déclare encouragé par l’augmentation, à 85 532 tonnes métriques (TM), de la biomasse estimée des crabes mâles adultes de taille commerciale. Selon les données du MPO, il s’agit d’une croissance de près de 4 600 TM, équivalente à une hausse de 5,6 %, par rapport à l’an dernier. «On est content, affirme Robert Haché. C’est une augmentation intéressante. Notre formule de gestion de la ressource par approche de précaution, pour assurer une pêcherie durable, fonctionne très bien.»

Selon l’application des règles de décision en matière de pêche de l’approche de précaution, le MPO autoriserait un taux d’exploitation cible de 41,79 % pour la pêche de 2023, ce qui se traduirait par un quota global de 35 743,82 TM pour le stock de crabe des neiges du sud du golfe du Saint-Laurent. Cela représenterait une hausse de     7,78 % du total admissible des captures (TAC) en incluant le quota scientifique, par rapport au contingent de 33 163 TM de l’an dernier. La décision ministérielle sur ce TAC, pour la prochaine  saison de pêche du crabe des neiges, ne sera toutefois annoncée qu’à une date ultérieure.

Entretemps, le DG de l’ACA se dit très confiant que la demande du marché américain sera au rendez-vous ce printemps, compte-tenu de la fermeture de la pêche au crabe de l’Alaska pour les quatre prochaines années et de l’embargo sur le crabe russe comme mesure de protestation contre la guerre en Ukraine.

«Seul le Canada sera fournisseur de crabe, souligne-t-il. Il va falloir que ce crabe-là se trouve une niche au niveau du prix que les Américains vont être prêts à payer. Et ce qui est évident, c’est que le prix va baisser parce que ceux qu’on a eus les deux dernières années étaient vraiment exceptionnels. Au niveau de l’industrie de la capture, on est conscients de ça.»

Cela dit, M. Haché admet que certains industriels, encore aux prises avec des inventaires de l’an dernier, auront plus de difficulté dans le contexte économique actuel. «Le portrait n’est pas complètement noir, ni entièrement blanc, dit-il. Les usines vont avoir un bien meilleur prix pour le crabe frais que pour le crabe de l’année passée. Et ça ne veut pas dire qu’elles ne pourront pas vendre le crabe de l’an dernier, mais elles vont le vendre à perte. Ça c’est clair.»

DÉBUT DE SAISON

Rappelons que la saison 2022 de pêche au crabe des neiges avait débuté le 13 avril dans le sud du Golfe, pour se terminer au 30 juin, date officielle de fermeture imposée depuis 2018 comme mesure de protection des baleines noires. Et, selon ce que rapporte Robert Haché, la couverture de glace dans les chenaux menant aux ports de Caraquet et de Shippagan serait de 20 % inférieure à celle d’à pareille date l’an dernier.

Est-ce à dire que les pêcheurs pourraient prendre la mer dès les premiers jours d’avril cette année ? «Là où l’eau est peu profonde, il faut l’aéroglisseur de la Garde côtière (GCC) pour faire sortir la glace et assurer la sécurité des pêcheurs, répond le dg de l’ACA. Mais on est toujours les derniers à être desservis, parce que la priorité va d’abord aux embâcles sur le Fleuve et l’Estuaire, [pour prévenir les inondations]. Cependant, si les vents sont favorables, tout peut se dégager très rapidement. Alors c’est Dame Nature qui aura le dernier mot.»

De son côté, Paul Boudreau réitère la revendication des crabiers madelinots pour que la saison de pêche ouvre à date fixe, soit le premier avril, et ce, peu importe que tous les ports de pêche de la Gaspésie, des Îles ou du Nouveau-Brunswick soient déglacés ou non. Il rappelle que le MPO a accordé un contrat privé de déglaçage des ports de la péninsule acadienne en 2020, afin de combler les lacunes dans les services fournis par la GCC en eaux peu profondes, ou lorsque ses brise-glace doivent intervenir en plusieurs endroits à cause des conditions hivernales. «Chacun a un quota individuel, ça fait que même si des gens commencent plus tard, tout ce qui est pris avant l’arrivée des baleines, c’est la meilleure manière de protéger les baleines», conclut-il.

Mais la ministre des Pêches et des Océans, Joyce Murray, ferme une fois de plus la porte à cette idée. «C’est une [seule] zone de pêcherie et il faut que tout le monde y ait accès pour qu’on puisse l’ouvrir», nous a-t-elle déclaré en point de presse à l’occasion d’une visite effectuée aux Îles-de-la-Madeleine les 2 et 3 mars.

LE SUD DU GOLFE – page 5 – Février-Mars 2023

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Hélène Fauteux
Hélène Fauteux est diplômée en communications et journalisme de l'Université Concordia. Établie aux Îles-de-la-Madeleine depuis 1986, elle a développé une solide expertise en matière de pêche et de mariculture.
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