mercredi, octobre 16, 2024
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Projet scientifique sur le hareng de printemps : les homardiers madelinots y participent

Le Rassemblement des pêcheurs et pêcheuses des côtes des Îles (RPPCI) s’est joint à un projet de pêche scientifique sur le hareng de printemps du sud du golfe du Saint-Laurent, initié par Pêches et Océans Canada (MPO) après la fermeture de la pêcherie en mars 2022. Il n’était jusqu’alors mené que dans les secteurs de la Baie des Chaleurs, en collaboration avec les pêcheurs gaspésiens et néo-brunswickois, de même que sur les côtes de l’Île-du-Prince-Édouard.

La biologiste Laurie Maynard, chargée du suivi scientifique du stock à la direction régionale du Golfe basée à Moncton, explique que la zone 16D des Îles-de-la-Madeleine en était exclue tout simplement parce qu’on n’y enregistre plus de débarquements commerciaux depuis plus de 12 ans.

«On a basé le protocole de notre pêche scientifique sur les débarquements qui avaient été faits ces dernières années, de 2020 à 2021, précise-t-elle. Et donc, comme il n’y a pas eu de débarquements aux Îles depuis longtemps, on ne voyait pas pourquoi établir un programme s’il n’y avait pas d’intérêt de la part des pêcheurs; chose qui a changé, effectivement, quand le RPPCI a offert temps et ressources pour nous aider à aller chercher des données.»

En fait, la biomasse du stock reproducteur de hareng de printemps est à un seuil critique depuis 2001. Selon la plus récente évaluation du MPO publiée en juin dernier, les géniteurs de plus de quatre ans ne comptent que pour 33 000 tonnes métriques ™. C’est près de       20 000 tm sous le point de référence limite de l’approche de gestion par précaution, établie en fonction de la moyenne historique de productivité pour la période 1988-1994. Quant aux débarquements de hareng de printemps des Îles, ils sont inférieurs à 10 tonnes depuis 2011, alors qu’ils étaient de 100 à 300 fois plus importants à la fin des années 1990.

«En général dans le Golfe, il y a vraiment eu un changement de régime autour des années 1995, où on a vu les eaux devenir plus chaudes, relève Mme Maynard. Et ça, ça nuit à la reproduction du hareng de printemps et à la survie des jeunes. On voit aussi que le taux de mortalité des harengs adultes de plus de 7 ans est en progression. Alors ça non plus ça n’aide pas, parce que si les adultes meurent plus, ils ne peuvent pas autant se reproduire.» Selon la biologiste, c’est principalement la prédation par les phoques et les oiseaux marins qui explique ce fort taux de mortalité des plus gros harengs de printemps. «En fait, toutes les populations de prédateurs du hareng, incluant les cétacés et le thon, sont en hausse», soutient-elle.

SIGNES DE REPRODUCTION

La pêche scientifique du hareng de printemps de la zone 16D a été menée pendant six semaines, du 25 mars au 4 mai. Deux pêcheurs y ont participé, chacun dans une zone traditionnellement jugée d’importance pour la fraie du poisson, soit dans la lagune de Grande-Entrée et dans le secteur de Gros-Cap, sur les côtes de la Baie de Plaisance. À chaque semaine ils ont tendu leur filet pour toute une nuit  durant, après quoi leurs prises étaient pesées, mesurées, échantillonnées par une biologiste du RPPCI, Stéphanie Arnold. «On a ainsi pu fournir des indices de recrutement, de maturité sexuelle et de structure d’âge à l’équipe d’évaluation de stock de Moncton, spécifie-t-elle. Ça s’est super bien passé, quoi que 80 % du hareng capturé, sur un total de 3 125 livres, a été pris à Gros-Cap.»

À ce propos, nombreux sont ceux qui croient que le hareng de printemps a délaissé la frayère de la lagune de Grande-Entrée depuis qu’elle a fait l’objet d’une pêche intensive au début des années 2000. À l’époque, sur fond de discussions pour un nouveau partage interprovincial de la ressource, le MPO avait encouragé les pêcheurs Madelinots à se bâtir un historique de pêche afin de justifier leur part. «Ça s’inscrivait dans le cadre d’un projet pilote pour déterminer la pertinence d’allouer les contingents par frayère, relate le directeur local du MPO de l’époque, Roger Simon. La ressource connaissait alors un rebond. Mais le projet n’avait mené à aucune conclusion satisfaisante.»

Laurie Maynard souligne pour sa part qu’on ne peut pas relier l’affaissement du stock de la zone 16D à ce simple épisode de surpêche dans la lagune de Grande-Entrée. Le MPO n’a d’ailleurs aucune évidence scientifique à l’effet qu’une frayère surexploitée puisse être à tout jamais délaissée. «Le seul moyen de le savoir c’est de faire des suivis, comme la pêche scientifique. Et le stock qui a crashé dans ces  années-là, ce n’est pas juste une histoire de Madelinots. C’est l’histoire du sud du Golfe. Les débarquements y étaient déjà en baisse généralisée depuis des années», mentionne-t-elle.

Cela dit, la biologiste en évaluation de stock fait remarquer qu’on a quand même capturé près de 250 livres de hareng en six nuits, dans cette frayère habituelle de l’Est de l’archipel. Tout ce que ça confirme, c’est que le poisson a frayé quelque part autour des Îles, poursuit Mme Maynard. Ça peut être dans la lagune, comme ça peut être ailleurs. On n’en a pas, pour l’instant, de confirmation directe. Mais l’important pour moi, c’est d’être capable de suivre   les cohortes. Et donc, un échantillon par semaine, même si ce n’est pas beaucoup de poissons, ça me suffit.»

Globalement, incluant les poissons capturés dans le secteur de Gros-Cap, les prises mesuraient en moyenne 29,6 cm, ce qui correspond à des adultes reproducteurs d’âge 5 et 6. «Que la plupart des poissons qu’on trouve aient plus de quatre ans, c’est un signe de reproduction, indique la biologiste. Et fait à noter : qu’on ait ramassé des poissons à toutes les semaines, c’est une bonne nouvelle de présence!»

REFUGE MARIN

D’autre part, en parallèle avec la pêche de suivi scientifique de la ressource coordonnée par la direction régionale du Golfe, le MPO est à préparer un plan de suivi des refuges marins des régions du Québec, incluant les lagunes des Îles-de-la-Madeleine. Le biologiste Benjamin Grégoire, de l’équipe de conservation marine de l’Institut Maurice-Lamontagne (IML), rappelle que les lagunes de l’archipel ont ce statut de refuge marin depuis 2017, alors que la pêche au hareng y est elle-même interdite depuis 2007. «Les plans de suivi qu’on doit mettre en place visent à s’assurer que ces sites soient bien protégés et qu’on y conserve bien les ressources qu’on cherche à protéger, dit-il. Mais avant même de faire un plan de suivi, on se doit de faire une mise à jour des connaissances. Parce qu’en ce qui concerne les lagunes en particulier, il y a très peu de données disponibles. Et puis, on est présentement à cette étape-là, pour mieux connaître la réalité du milieu et son utilisation par le hareng.»

Les travaux de l’IML, auxquels collaborent également non seulement le RPPCI, mais aussi le Comité ZIP des Îles, visent plus précisément cinq bassins intérieurs du territoire madelinot. En plus de la lagune de Grande-Entrée, on parle du Bassin aux Huîtres, de la lagune de Havre-aux-Maisons, du Havre-aux-Basques et de la Baie de Bassin. Le MPO y a notamment disposé des thermographes pour recueillir des indices de température.

«On a plusieurs projets menés de pair depuis 2022, pour la mise à jour de nos connaissances sur le refuge marin des Îles, expose M. Grégoire. On cherche entre autres à identifier les secteurs précis de fraie et sur quel type de substrat le poisson va frayer. Et la pêche scientifique à laquelle participe le RPPCI va aider non seulement à l’évaluation du stock, mais aussi à aller chercher ces informations qui vont nous être utiles dans l’optique de conservation et de gestion des lagunes.»

CARACTÉRISATION  D’UNE ZONE DE FRAIE

De plus, le ministère fédéral des Pêches a été en mesure de caractériser la frayère de hareng de Havre-Aubert qui se trouve à l’intérieur du plan d’eau abritant le port de pêche et la marina. Benjamin Grégoire raconte que l’opportunité s’est offerte après que quelques citoyens aient signalé la présence de laitance dans le secteur, le dimanche 21 avril. La laitance est l’épanchement de sperme qui recouvre les œufs de hareng d’une sorte de poche, dans la colonne d’eau, pour les fertiliser. «Je pense que c’est possiblement la première fois depuis longtemps qu’une équipe des sciences du MPO ait eu la chance de procéder à la caractérisation d’une frayère dans le Golfe, se félicite-t-il. Ça fait déjà deux ans qu’on fait un appel aux Madelinots, en collaboration avec le Comité ZIP, pour signaler des observations de fraie.»

La caractérisation de la frayère, qui s’est faite en plongée et à l’aide d’un système de caméra tractée, a notamment permis de prélever à deux reprises des échantillons d’œufs, rapporte le biologiste de l’IML. Leur analyse en laboratoire va permettre d’avoir une indication de la qualité des œufs et de leur taux de survie. M. Grégoire fait aussi valoir que son équipe a pu délimiter l’étendue de leur déposition benthique. «Les harengs déposent les œufs, qui sont collants, sur des substrats. Et donc, ça nous a permis de confirmer le type de substrat sur lequel les harengs ont frayé.»

Le biologiste de l’équipe de conservation marine prévoit présenter son rapport de compilation d’acquisition de connaissances sur le refuge marin des Îles en cours d’année prochaine. La publication englobera aussi l’utilisation des lagunes par le homard, en tant que pouponnière et site de croissance. Quant au RPPCI, il souhaite aussi s’impliquer dans le suivi scientifique du hareng d’automne. Il demande également au MPO d’étendre ses activités d’évaluation du stock de printemps de la zone 16D au côté nord de l’archipel à compter de l’an prochain, afin d’assurer une couverture de l’ensemble du territoire.

LES PÉLAGIQUES – page 16 – Volume 37,4 Septembre-Octobre-Novembre 2024

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Hélène Fauteux
Hélène Fauteux est diplômée en communications et journalisme de l'Université Concordia. Établie aux Îles-de-la-Madeleine depuis 1986, elle a développé une solide expertise en matière de pêche et de mariculture.
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