C’est le 14 mars que la Cour d’appel du Québec entendra le litige qui oppose Camille Renaud, de Bassin, pionnier de la pêche au homard à l’île d’Anticosti, à son aide-pêcheur de 2010 à 2015, Étienne Cyr, de Havre-aux-Maisons. Le capitaine de l’A.-C.-WILLIAM tente de faire invalider un jugement de la Cour supérieure rendu le 1er mai 2018, par le juge Alain Michaud, lui reprochant d’avoir rompu une promesse de vente de son gréement, au profit du jeune homme, au coût de 750 000 $.
PROMESSE CONDITIONNELLE
Dans leur argumentation, les avocats de l’appelant, Me Justine Brien et Me Bernard Jolin, de chez Langlois avocats, font valoir que cette promesse était conditionnelle à l’obtention, par Étienne Cyr, du financement nécessaire pour le mois de janvier 2016. Or, ils soulignent que le jour où l’aide-pêcheur a intenté son action en passation de titre, en juillet 2015, il n’avait toujours pas fait la démonstration qu’il bénéficiait «inconditionnellement avant le terme prévu à la Promesse de la capacité financière de satisfaire son obligation».
Selon les avocats de Camille Renaud, le juge Michaud a donc «erré en droit en assimilant la condition de fond de la Promesse (…) à une formalité dépourvue de toute contraignabilité.»
REFUS OBSTINÉ
Pour sa part, l’avocat de l’intimé, Me Yvan Bujold, du cabinet Cain Lamarre, rétorque que n’eût été «le refus obstiné de Camille Renaud de passer le titre en temps utile, le paiement du prix convenu aurait été effectué puisque l’obtention du financement n’a jamais constitué une embûche afin qu’Étienne Cyr procède à l’acquisition de l’entreprise de pêche» de M. Renaud.
Me Bujold conclut qu’ «en l’absence d’erreur manifeste et dominante démontrée ou même alléguée par les Appelants, il n’appartient pas à cette cour (d’appel) de réviser les conclusions du premier juge au sujet de la capacité d’Étienne Cyr de payer le prix convenu en temps utile.»
CONSENTEMENT
La Cour d’appel aura aussi à se prononcer sur la validité du consentement de l’épouse de Camille Renaud, Maria Doyle, qui bénéficie du régime matrimonial de la communauté de biens. Selon les avocats du couple, il est «fondamental comme venderesse qu’elle connaisse l’objet et la nature de l’acte juridique, ses conditions et qu’elle manifeste positivement et sans équivoque son intention de concourir.»
Toutefois, il ressort de leur argumentation que «Maria n’a jamais vu la Promesse (de vente). De fait, ce n’est qu’à la réception de la mise en demeure (…) en juillet 2015 que Maria verra ce document pour la première fois.»
De son côté, l’avocat d’Étienne Cyr retient que l’épouse de Camille Renaud a admis, lors de son interrogatoire préalable du 10 août 2016, que «la décision de vendre ou de ne pas vendre à Étienne revenait à Camille, mais qu’elle était prise d’un commun accord.»
C’est aussi au cours de ce même interrogatoire que Maria Doyle a expliqué que c’est en raison de la mise en demeure d’Étienne Cyr qu’elle n’est plus d’accord pour compléter la vente en faveur du jeune homme.
Qualifiant cette explication de «trop mince», Me Bujold soutient que «madame Doyle, qui a toujours été en faveur du transfert de permis en faveur d’Étienne tente a posteriori de démontrer qu’elle n’a pas offert son concours à la Promesse». Ainsi, pour l’avocat de l’intimé, «la preuve est amplement suffisante pour conclure à la ratification tacite de la Promesse» par l’épouse du capitaine de l’A.-C.-William.
REPÈRE – page 30 – Volume 32,1 Février-Mars 2019