jeudi, avril 10, 2025
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Reprise de la pêche au sébaste : des ajustements nécessaires pour une meilleure rentabilité

La première saison estivale de pêche au sébaste autorisée dans l’Unité 1 du golfe du Saint-Laurent en 2024, après un moratoire de près de 30 ans, a laissé un goût amer aux pêcheurs en raison des restrictions de profondeur de chalutage et de la lenteur des autorités ministérielles à ajuster le tir. Les pêcheurs savaient d’expérience qu’il fallait chaluter à environ 250 mètres (m) pour rentabiliser leurs sorties en mer, parce que c’est là que le poisson se trouve en concentrations plus importantes avant la saison froide. Or le ministère des Pêches et des Océans, qui avait plutôt décidé de les restreindre à 300 m de profondeur par souci de limiter à 1 % le pourcentage des prises accidentelles d’espèces vulnérables, ne leur a finalement donné raison qu’à moins de deux semaines de la fin de la saison.

Ce n’est que le 18 octobre que la pêche dite d’été, qui s’étend traditionnellement du 15 juin au 31 octobre dans les zones 4RST du Golfe, fut autorisée à une profondeur de 131 brasses (240 m), plutôt que 156 brasses (300 m). De plus, le chalutage qui devait y prendre fin le premier novembre a été prolongé jusqu’au 31 décembre et ramené à une profondeur de 183 m, soit 100 brasses. Ainsi, l’obligation d’utiliser des chaluts pélagiques pour la pêche d’hiver a été décalée du 1er novembre 2024 au 1er janvier 2025 et ce, jusqu’au 31 mars. Cela signifie qu’elle n’a affecté que les pêcheurs qui exploitent la portion hors Golfe de l’Unité 1, soit les zones 3Pn4Vn, puisque le Golfe est lui-même fermé à la pêcherie au cours des trois premiers mois de l’année.

Le capitaine du JEAN MATHIEU, Denis Éloquin, qualifie de choquante cette annonce «de dernière minute». Il raconte que la plupart des bateaux de la flottille québécoise étaient déjà remisés parce que le chalutage à 300 m n’était justement pas rentable et qu’aucun navire n’était alors complètement équipé d’engins de pêche pélagique, qui devaient en principe être obligatoires dès le 1er novembre. «On n’avait pas prévu que les règles allaient changer, et donc on n’avait pas prévu d’aller au sébaste durant l’automne, souligne-t-il. Et que le MPO change son fusil d’épaule à la dernière minute, sans qu’on ait eu le temps de s’y préparer, c’est vraiment choquant. C’est frustrant pour celui qui aurait voulu pêcher jusqu’à la fin de l’année!»

Induit en erreur

Pour sa part, Yan Bourdages, capitaine du MERIDIAN 66 de Rivière-au-Renard, était le seul pêcheur semi-hauturier québécois à être encore actif au sébaste, lorsque que Pêches et Océans a fait ses annonces d’assouplissement. Aussi déplore-t-il avoir été poussé à investir 75 000 $ en pure perte dans l’acquisition d’un chalut pélagique fabriqué sur mesure, alors que son utilisation n’était finalement plus obligatoire pour pouvoir continuer à pêcher dans le Golfe au-delà du 31 octobre. Il rapporte que le bureau du MPO à Ottawa avait pourtant assuré son association qu’aucune modification ne serait apportée au plan   de pêche 2024-2025.  On m’a induit en  erreur et j’ai fait un investissement pour un équipement qui ne m’a servi à rien, dénonce-t-il. Je trouve que le manque de prévisibilité dans cette pêche-là est personnellement vraiment dur à gérer.»

Cela dit, M. Bourdages admet qu’il soit satisfait que le MPO ait finalement donné du lest à l’industrie de la capture. Il affirme que la permission de pêcher à 183 m de profondeur lui a notamment permis d’attraper en moyenne 40 000 livres de sébaste en moins d’une heure de chalutage, au cours des mois de novembre et décembre. En comparaison, quand ses collègues étaient restreints à jeter leurs filets à 300 m durant l’été, il leur fallait de deux à trois jours de pêche pour atteindre un pareil volume. «Ça leur a coûté beaucoup plus d’argent que moi, en fuel, en temps de chalutage, se désole le pêcheur semi-hauturier. Et c’est sans parler de leurs émissions de gaz à effet de serre nettement supérieures. Pourtant, on avait tout exposé ça en comité consultatif, mais le MPO n’était pas du tout réceptif. Il a vraiment tardé à réagir.»

Manifestation

En fait, la décision tardive du ministère fédéral des pêches, à l’effet d’assouplir les règles du jeu, est survenue dans les jours suivant une manifestation de Terre-Neuviens à Corner Brook, parce qu’ils étaient frustrés d’être rentrés bredouilles d’un voyage en mer de trois jours à cause de la limite des 300 m. Est-ce à dire que Terre-Neuve pèse plus lourd dans la balance quand vient le temps d’influer sur les décisions du MPO ? «C’est une drôle de coïncidence, relève M. Éloquin. Quand nous, le Québec et les Maritimes, on a fait ces demandes-là, ç’a été rejeté du revers de la main. Et là tout d’un coup, Terre-Neuve décide de  sortir pêcher et on leur donne raison.»

Par voie de courriel, le MPO nous dit plutôt avoir réagi aux recommandations du Comité consultatif sur le sébaste et des représentants des pêcheurs du Québec, du Golfe et de Terre-Neuve-et-Labrador, qui appelaient tous à un assouplissement des mesures de gestion pour favoriser la collecte de données sur les rendements de la pêcherie durant sa phase de transition. «Compte tenu […] des faibles prises accessoires, ainsi que des points de vue des pêcheurs qui ont participé à la pêche cette saison, Pêches et Océans Canada a décidé d’ajuster la profondeur de pêche et les restrictions relatives aux engins pour cette saison, nous avait-on alors expliqué. Les changements apportés témoignent de l’engagement du Ministère à accroître les avantages pour les pêcheurs et leurs collectivités, tout en équilibrant les objectifs de conservation.»

Lors d’un point de presse tenu aux Îles en novembre, la ministre Diane Lebouthillier a aussi réitéré que ses orientations de départ visaient à éviter les prises accidentelles. «Parce que – et je tiens à le répéter  –  c’est une pêche au sébaste et non pas une pêche aux prises accessoires. Et donc oui, on a ajusté les profondeurs pour pouvoir aller chercher de meilleures données, a-t-elle concédé. On s’est adapté. D’où l’importance du Comité consultatif du sébaste : c’est un give and take (un processus d’échanges et de compromis), avec le milieu, pour s’adapter.»

Autre irritant majeur

Par ailleurs, l’industrie de la capture presse également Mme Lebouthillier de renoncer à son exigence d’une couverture de 100 % des sorties de pêche au sébaste par des observateurs indépendants. C’est que non seulement les dépenses associées sont-elles qualifiées de faramineuses, il y a aussi un manque de main-d’œuvre pour répondre adéquatement aux besoins des flottilles. Yan Bourdages soutient qu’il a presque dû se désister d’un contrat de 180 000 livres de poisson rouge pour le compte de Pêcheries Gaspésiennes, l’automne dernier, parce qu’aucun observateur n’était à prime abord disponible.

«Ça n’a pas de bon sens. On se croirait dans la maison qui rend fous des Douze Travaux d’Astérix! Je ne savais plus si je devais mettre du fuel dans mon bateau ou non, relate le capitaine du MERIDIAN 66. Il n’y aucune autre pêcherie qui force les pêcheurs à rester à quai s’ils n’ont pas d’observateurs à bord. Dans la pêche au crabe des neiges, par exemple, où l’objectif de couverture est de 20 %, le MPO n’arrive même pas à un seuil de 10 %. Ça ne retient pas les bateaux pour autant!»

Reste à voir si les pressions de Terre-Neuve, où la rigidité du plan de pêche au sébaste concernant les observateurs en mer a provoqué de nouvelles manifestations à Corner Brook en novembre, saura faire infléchir le MPO pour la saison 2025-2026.

Selon une compilation ministérielle en date du 31 décembre 2024, il ne s’était capturé qu’un total de 2 947 tonnes de poisson sur le quota de 60 000 t pour la saison 2024-2025. De ce volume, les pêcheurs terre-neuviens en avaient livré à quai les deux tiers, soit près de 1 836 t, contre 879 t pour le Québec.

LES POISSONS DE FOND – page 26 – Volume 38,1 Février-Mars-Avril 2025

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helene.fauteux@icloud.com'
Hélène Fauteux
Hélène Fauteux est diplômée en communications et journalisme de l'Université Concordia. Établie aux Îles-de-la-Madeleine depuis 1986, elle a développé une solide expertise en matière de pêche et de mariculture.
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