La situation est de plus en plus alarmante en ce qui concerne les activités de pêche commerciale à la crevette. En raison des très faibles contingents alloués pour chacun des stocks, seulement cinq crevettiers ont pris la mer au cours de la dernière saison. En revanche, les captures par unité d’effort ont été plutôt bonnes.
Ce qui fait dire au crevettier et membre de l’Association des capitaines-propriétaires de la Gaspésie (ACPG), Vincent Dupuis, que la situation de la dernière saison est encore plus inquiétante que celle de 2023. C’est qu’en dépit du fait que la pêche se soit bien déroulée pour les rares pêcheurs qui ont pris le large, il s’avère impossible de soutenir une flotte complète, d’autant plus que le gouvernement refuse d’aider l’industrie.
Demande d’aide financière
«Mme [Diane] Lebouthillier (ministre fédéral des Pêches) a dit qu’elle n’était pas prête à nous aider, déplore M. Dupuis. Donc on sait que ça ne s’améliorera pas. Elle a rouvert la pêche au sébaste mais ça a été fait à la dernière minute, sans préparation. Aujourd’hui, il y a trois usines qui achètent un peu de sébaste en petites quantités. Encore là, ce n’est pas assez pour soutenir une flotte. Donc on ne peut finalement pas pêcher le sébaste.» Il aurait souhaité que la pêche au sébaste soit rouverte graduellement et que les marchés soient préparés.
«On a un comité de travail qui essaie de trouver des solutions pour une restructuration de la flotte des crevettiers, mentionne M. Dupuis. Le gouvernement participe, mais on a l’impression que l’aide financière ne viendra pas.»
Le message prioritaire que l’ACPG entend adresser aux gestionnaires du ministère des Pêches et des Océans et à sa ministre Diane Lebouthillier, lors de la tenue d’une rencontre du Comité consultatif de l’industrie de la crevette qui se tiendra les 9 et 10 décembre, portera d’ailleurs sur l’aide financière. Selon le porte-parole de l’association de pêcheurs, celle-ci est essentielle pour passer à travers la crise qui sévit actuellement dans cette industrie.
Laisser tomber une flottille au profit d’une autre?
«La ministre dit qu’elle veut donner des permis de homard pour qu’il y ait de la relève, soulève M. Dupuis. Mais si on introduit de nouveaux pêcheurs dans la pêche au homard, plutôt que de s’occuper des flottilles et des pêcheurs qui sont en difficulté, on va créer une nouvelle flottille pour en laisser tomber une qui existe déjà. On laisse tomber l’expertise. Comme on a investi dans les pêches toute notre vie et que la ministre nous dit qu’elle va prioriser les autochtones et la relève, ce sera un gros gaspillage d’argent. Un bateau de pêche à la crevette coûte de 5 à 8 millions $.»
Vincent Dupuis n’est pas contre la relève. «Mais va-t-on laisser tomber pour autant les gens qui ont travaillé toute leur vie dans les pêches?, interroge-t-il. Il faut garder une flotte active au Québec.»
Une étude a été réalisée par la firme Mallette de Matane au sujet d’une rationalisation et d’une restructuration nécessaires de la flottille des crevettiers du Québec pour les prochaines années. «On a créé une table de travail et on se rencontre régulièrement pour essayer de faire une restructuration du côté des crevettiers et pour trouver des pistes de solution pour arriver à s’en sortir», confirme le représentant de l’ACPG.
Quota presque atteint
Le total autorisé des captures pour la dernière saison était de 3000 tonnes métriques. La part du Québec était d’environ 2,2 millions de livres. Selon Vincent Dupuis, les débarquements au Québec ont été approximativement de 2 millions de livres (907 tonnes métriques).
«Le taux de captures n’était pas si pire. Mais les gars ont changé leur méthode de pêche; il fallait qu’ils changent de place assez souvent.» Selon M. Dupuis, c’est la zone Estuaire qui s’est démarquée le plus. En début de saison, la pêche a aussi été bonne dans Anticosti. Par contre, elle a été famélique dans Sept-Îles.
Évaluation scientifique de l’état des stocks de crevettes
L’équipe de scientifiques de l’Institut Maurice-Lamontagne (IML) a procédé à une évaluation complète de l’état des stocks de crevettes de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent. «On a fait le monitorage de base de l’écosystème, précise Hugo Bourdages, biologiste de Pêches et Océans Canada à l’IML. On a fait notre relevé scientifique au mois d’août.»
Les scientifiques du ministère fédéral ont procédé à leurs travaux s’inscrivant dans la deuxième année de la nouvelle approche de précaution. «L’année dernière, on n’avait pas été en mesure d’échantillonner le stock de l’estuaire, rappelle-t-il. Donc, on n’avait pas d’information. Cette année, on l’a échantillonné.»
Les résultats et conclusions ont été présentés le 28 novembre à l’Institut Maurice-Lamontagne. «C’est une mise à jour de l’indicateur de l’état de santé des quatre stocks de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent. Mais, il y a quand même beaucoup d’information.»
Comité consultatif de l’industrie de la crevette
Le comité consultatif de l’industrie de la crevette de l’estuaire et du golfe du Saint-Laurent se réunira les 9 et 10 décembre à Québec. «On va présenter l’écosystème et les résultats de l’évaluation scientifique de l’état des stocks de crevettes, décrit le scientifique. On va aussi parler de l’environnement de la crevette nordique, comme la température de l’eau, l’oxygène dissout et l’abondance des sébastes. C’est clair qu’on va regarder les données de la pêche commerciale, comme la distribution, l’effort de pêche et les prises par unité d’effort.»
C’est à ce moment-là qu’il sera possible de savoir si la situation continue de se dégrader en matière de quantités des stocks. «On va aussi avoir une mise à jour des conditions océanographiques qui affectent l’abondance de la crevette», termine M. Bourdages.
GASPÉ-NORD – page 2– Volume 37,5 Décembre 2024 – Janvier 2025