jeudi, novembre 21, 2024
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Un an plus tard aux commandes du ministère fédéral des Pêches, Diane Lebouthillier toujours aussi motivée, mais prévoit des années difficiles

Nommée ministre fédérale des Pêches et des Océans et de la Garde côtière canadienne en juillet 2023, Diane Lebouthillier ne cache pas sa fierté d’occuper les fonctions de ce ministère malgré les nombreux enjeux et défis observés au sein de l’industrie des pêches de même que le contexte politique incertain qui prévaut actuellement sur la colline parlementaire à Ottawa.

Quinze mois plus tard, en entrevue avec Pêche Impact au début septembre, Diane Lebouthillier a accepté de répondre à nos questions pour nous parler de son expérience personnelle à la tête de ce ministère, de ses principales réalisations, de sa vision personnelle de l’avenir des pêches et des dossiers prioritaires qui retiendront son attention au cours des prochains mois. Nous publions ici plusieurs extraits tirés de cet entretien.

PÊCHE IMPACT

PI- Quelle expérience personnelle tirez-vous de vos fonctions quotidiennes depuis votre nomination à titre de ministre des Pêches et des Océans?

DIANE LEBOUTHILLIER

DL- J’adore mon travail parce que j’avais une idée des enjeux et des défis présents, mais aussi ceux qui pointent à l’horizon. Je savais qu’avec les réchauffements climatiques que la tâche ne serait pas facile. Je ne suis pas un pêcheur et je ne suis pas une experte dans les pêches, loin de là. Mais c’était important pour moi de me dire qu’il faut que je travaille avec les associations de pêcheurs, les divers regroupements, le secteur des sciences et l’ensemble des fonctionnaires de mon ministère.

DL- J’ai passé un après-midi à l’Institut Maurice-Lamontagne où l’on m’a donné un cours 101 avec tout ce qui se passe dans le golfe du Saint-Laurent. Nos eaux se réchauffent plus vite que prévu. On va parler de plus en plus d’espèces marines qui vont manquer d’oxygène. L’acidification des océans est un phénomène concret observable. Les prochaines années seront difficiles et ça va demander beaucoup de résilience et un travail de collaboration avec tous les acteurs. Il va falloir revoir les façons dont les pêches sont pratiquées. Il en va ainsi de notre futur.

DL- Si tout le monde met l’épaule à la roue, on devrait arriver à passer au travers de ce qui est en train de se produire avec les changements climatiques non seulement au niveau du golfe du Saint-Laurent, mais aussi dans l’Arctique.

PI- Quel bilan voulez-vous que nous retenions sous forme de réalisations, d’investissements et d’interventions lors de votre première année de mandat?

DL- D’abord, j’ai annoncé la réouverture de la pêche commerciale au sébaste de l’Unité 1 du golfe du Saint-Laurent après 30 ans de moratoire. Ce n’est pas vrai que tout se met en place du jour au lendemain. Le travail de collaboration demeure important avec l’ensemble des intervenants concernés. Le comité consultatif m’a fait des recommandations afin que l’on puisse bien exploiter cette ressource dorénavant et d’en maximiser son utilisation à différentes fins avec un TAC de 60 000 tonnes pour 2024 et 2025.

DL- La reprise de la pêche commerciale de la morue du Nord avec un TAC prudent de 18 000 tonnes au large de la côte nord-est de Terre-Neuve et Labrador, la réouverture de la pêche au maquereau à des fins d’appât et la tenue d’un projet pilote pour le bar rayé avec l’Union des pêcheurs des Maritimes sont également de bonnes nouvelles.

DL- Pour la région du Québec, j’ai aussi annoncé le printemps dernier l’émission de 25 nouveaux permis exploratoires pour la pêche au homard dans la zone 18, sur la Côte-Nord. De plus, pour ce qui est des pêches au concombre de mer et à l’oursin, elles sont maintenant exploitées de façon commerciale et non plus de manière exploratoire.

DL- En ce qui concerne les phoques, je continue d’en parler et nous avons récemment déposé un avis auprès de la commission européenne. On l’a travaillé avec des collègues ministres qui ont aussi signé cet avis et un travail a aussi été réalisé avec les communautés autochtones innues et inuites afin de faciliter l’accès aux produits des phoques et qui doivent être récoltés de façon éthique et durable.

DL- Du côté des investissements dans les ports pour petits bateaux, il s’agit des plus gros montants alloués depuis 2015 par notre gouvernement. Pour la Gaspésie, on parle de 13 projets pour un montant de 50 millions $ et pour les Îles-de-la-Madeleine, c’est une somme de 42 millions $. Ces infrastructures portuaires sont une source de développement économique et elles ont besoin d’entretien et de réparation, en plus d’être adaptées aux effets des changements climatiques. Elles servent aux pêcheurs, mais aussi aux chantiers navals de construction.

DL- Un autre dossier important aura été la reconduction du Fonds des pêches du Québec jusqu’en 2026 pour le dépôt de projets. Dernièrement, nous avons soutenu plusieurs projets en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine pour des montants respectifs de 3,5 millions $ et 1,2 million $.

DL- La construction, par le Chantier naval Forillon de Gaspé, du premier navire hybride au Canada et au profit de la Garde côtière est un autre bel investissement. Ce sont des retombées très positives pour la région et pour maintenir et créer 90 emplois. On ne se pète pas assez souvent les bretelles. Nous sommes bons au Québec!

PI- À ce moment-ci, après avoir déjà parcouru l’ensemble du pays depuis votre  nomination, qu’elle est votre vision de l’avenir de l’industrie des pêches et de l’aquaculture ?

DL- C’est certain que nous devons diversifier les pêches pratiquées actuellement et nous devons faire valoir au maximum les produits que nous sortons de la mer. On ne peut plus se permettre d’en perdre. Il faut regarder l’entièreté des produits pêchés et c’est à ce moment qu’entre en jeu l’économie circulaire.

DL- Par exemple, j’ai eu des contacts avec mes homologues des provinces, dont le ministre québécois André Lamontagne, pour discuter, entre autres, du bar rayé. Moi, j’ai des pouvoirs de gestion du côté de l’Atlantique, mais du côté du Québec, cette espèce relève d’un champ de compétence qui appartient au gouvernement québécois. Pour moi, c’est un produit qui ne devrait pas éventuellement servir qu’à des fins d’appât, mais aussi pour la consommation, en plus d’une pratique de pêche sportive déjà permise.

DL- Dans ma vision d’avenir des pêches, je dois prendre en considération que presque toutes les espèces sauvages se retrouvent en difficulté en raison du réchauffement des océans. Ce que les gens oublient, c’est que le poisson pour grandir, il a besoin de consommer du poisson! La demande demeure toutefois forte pour les espèces sauvages.

DL- 2022 a été la première année où il s’est vendu plus de produits d’espèces issues de l’aquaculture que ceux d’espèces sauvages capturées dans nos océans. Et quand on regarde du côté des provinces de l’Est du Canada, ce sont elles qui vont émettre les permis d’aquaculture. Mais comment les choses vont s’articuler pour ne pas nuire aux espèces sauvages? Il faudra trouver un équilibre et des discussions seront nécessaires parce qu’on ne veut pas créer non plus d’autres problèmes. Ça devient une question de sécurité et de souveraineté alimentaire.

PI- Quels sont les dossiers prioritaires qui retiendront davantage votre attention au cours des prochains mois et qui pourraient avoir une incidence pour l’industrie du Québec maritime?

DL- Pour moi, ce sera l’émission de nouveaux permis exploratoires pour la pêche au homard dans la zone 19 du côté nord de la Gaspésie et dans la zone 17 pour le secteur à Anticosti. Je souhaite rendre ma décision en décembre prochain. Les gens qui obtiendront ces permis ont besoin de prévisibilité et de temps pour s’organiser, s’équiper et peut-être embaucher des aides-pêcheurs, au besoin. Le travail de consultation des fonctionnaires de mon ministère est déjà débuté et ils devront me fournir leurs recommandations pour que je puisse ensuite en faire une annonce.

DL- Et pour répondre à votre question, en plus des pêcheurs allochtones, il est certain que des permis exploratoires seront alloués à des communautés autochtones. Les Premières Nations veulent, comme tout le monde, être capables de développer leur économie et travaillent déjà avec nos industriels de la transformation.

DL- Dans un autre ordre d’idées, la diversification de nos activités de pêche est aussi un élément important. L’objectif n’est pas nécessairement d’avoir davantage de navires et non plus davantage d’usines de transformation. Il faut analyser la façon dont on pourra maximiser les flottilles de pêche actuelles de même que les infrastructures existantes du secteur de la transformation des produits de la mer. Les transformateurs, déjà en Gaspésie et aux Îles-de-la-Madeleine, ont une belle expertise et ils sont capables d’adapter leurs lignes de production en fonction des espèces transformées à des moments précis de leur saison.

DL- Pour revenir au sujet du Fonds des pêches du Québec, il demeure un outil qui a été important pour l’ensemble de notre industrie et il doit continuer de l’être pour les pêcheurs, les transformateurs et les aquaculteurs. Je souhaite que nous puissions avoir des discussions prochainement pour un fonds des pêches 2.0.

PI- Quel message avez-vous pour le ministre André Lamontagne qui souhaite un plan d’action de votre ministère et de votre gouvernement pour la mise en place de mesures d’aides financières pour les flottilles en difficulté, entre autres, celle des crevettiers?

DL- Je vais plutôt m’adresser aux gens du secteur des pêches. Pour moi avoir un permis de pêche, c’est un privilège. Nous exploitons une ressource qui est publique et qui appartient à tous les Canadiens. Un pêcheur, c’est aussi un entrepreneur. Puis nous observons également que plusieurs pêcheries sont en difficulté telles celles de la crevette, du turbot, du hareng et du maquereau.

DL- Il y a des opportunités qui s’en viennent avec le sébaste, et le message que je lance, c’est de saisir cette opportunité-là. La plus belle place où l’on peut retrouver un pêcheur, c’est sur l’eau à bord de son bateau. Et je suis d’accord avec les crevettiers à l’effet que de voir des bateaux dans le parc d’hivernement en plein été, ce n’est pas l’endroit où l’on veut qu’ils se retrouvent. L’un de mes objectifs, pour faire perdurer le secteur des pêches, c’est d’essayer de remettre les gens au travail et de les retourner en mer.

DL- Moi, je ne crois pas que nous avons actuellement trop de pêcheurs. Nous avons besoin de diversifier les activités de capture. Et c’est pourquoi nous devons avoir plus d’informations sur les nouvelles espèces qui pourraient être exploitées de façon écoresponsable et durable.

DL- Comme ministre, je priorise le travail de concert avec le secteur des sciences et celui des pêches. Je vais essayer de continuer à donner aux associations et regroupements de pêcheurs le maximum d’informations à notre disposition. Leur implication est primordiale pour réussir à passer à travers tous les défis des prochaines années.

SCÈNE FÉDÉRALE – pages 4-5 – Volume 37,4 Septembre-Octobre-Novembre 2024

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Robert Nicolas
Robert Nicolas est actif depuis près de 30 ans dans le domaine des communications et de l’information reliées plus spécifiquement au secteur des pêches et de l’aquaculture commerciales. Détenteur d’un baccalauréat en Information-communication de l’Université de Moncton, il agit à titre de collaborateur du journal Pêche Impact dès sa naissance en 1988, pour ensuite en devenir le coordonnateur/rédacteur en chef en 1992 jusqu'à aujourd'hui. Observateur privilégié de l’évolution de l’industrie durant toute cette période, Robert Nicolas devient le responsable du Bureau école-industrie de l'École des pêches et de l'aquaculture du Québec (ÉPAQ) en 2011 où il met au profit de cette institution d'enseignement ses connaissances des enjeux et des réalités propres à chacune des régions maritimes du Québec.
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