Le Rassemblement des pêcheurs et pêcheuses des côtes des Îles (RPPCI) est en processus d’acquisition d’un bateau multifonctionnel. D’une part, il pourra servir de navire de relève pour ses membres qui subiraient un bris mécanique en pleine saison de pêche. Le président du RPPCI, Charles Poirier, précise que cela répond à une demande expresse de ses pêcheurs, formulée lors d’une journée forum tenue en mars 2019 pour cibler leurs priorités.
« Ça fait que si tu manques en pleine saison, t’appelles : « Moi, est-ce que je peux avoir le bateau? Je le loue pour une semaine, le temps que je me répare. » Comme ça, personne n’est mal pris; il y a un bateau disponible qui est prêt. Et, au fur et à mesure, il va se payer entre le groupe de pêcheurs concernés. »
M. Poirier précise qu’un appel de soumissions a été lancé cet hiver. « On pense qu’avec un 50 000 $, peut-être bien un 75 000 $, on peut avoir un bon bateau de dépannage. »
Projet Bouées
D’autre part, le RPPCI se servira de son bateau pour ses travaux de recherche et développement sur le homard, menés en partenariat avec Merinov. Son président explique qu’il sera particulièrement utile pour la pêche présaison visant à recueillir des données d’aide à la décision dans l’établissement de la date la plus propice à la mise à l’eau des casiers.
Dans le cadre de ce projet initié en 2018, deux bouées conçues par la firme française Flex Sense équipées de senseurs électroniques ont été déployées au nord et au sud de l’archipel. Le RPPCI en installera deux autres, à l’est et à l’ouest, en 2021.
« Merinov a un bateau, mais c’est compliqué, selon les conditions météo, souligne M. Poirier. Parce que là, il se fait une pêche du côté sud, et après ça il décolle avec tous ses équipements pour aller du côté nord. Ça fait que pour élargir notre projet sur quatre secteurs, on positionnerait notre bateau pour pouvoir faire les secteurs est-nord ou ouest-sud, pour que les deux bateaux puissent travailler conjointement, avec les équipages de Merinov. »
Taux de protéine
Jusqu’à présent, la pêche présaison visait surtout à vérifier la température de l’eau sur le fond, sachant que le homard sort de son hibernation lorsqu’elle atteint 1,5 degré Celsius. Or, selon Charles Poirier, les relevés 2019 démontrent que le taux de protéines des crustacés serait aussi à considérer.
« Les données de l’année passée nous ont montré que la température n’était finalement pas nécessairement le principal enjeu, parce que le homard était déjà actif à moins de 1,5 degré Celsius. Ça fait que ça nous a comme joué dans la tête un peu. Est-ce à un degré Celcius, ou est-ce à 0,5 degré Celsius que le homard prend son activité? Ou encore, est-ce le fait qu’il y en a beaucoup et que la compétition est forte pour la nourriture disponible sur le fond? On commence à penser que quand il a faim il se réveille plus vite; on pense qu’il y a un lien avec son taux de protéine. Ça fait qu’il y a de quoi à continuer à aller voir avec des cages pour savoir quand le homard est déjà actif. »
Le RPPCI s’est d’ailleurs inscrit auprès du Fonds des pêches du Québec pour obtenir le financement nécessaire à la continuité de son Projet Bouées pour la période 2020-2024. M. Poirier évalue les besoins à un million de dollars sur quatre ans, incluant l’achat des deux nouvelles bouées Flex Sense pour les secteurs est et ouest de l’archipel.
À cet effet, la députée fédérale de la Gaspésie et des Îles et ministre du Revenu national, Diane Lebouthillier, l’assure de sa collaboration. « Les projets qui sont porteurs pour le développement des Îles-de-la-Madeleine, c’est sûr qu’ils auront toujours mon appui, mon support », affirme-t-elle.
Bateau de l’avenir
De plus, le RPPCI souhaite faire l’acquisition d’un second navire, qu’il ferait construire cette fois, pour en faire un prototype en matière d’efficacité énergétique. Des différents exposés faits aux pêcheurs ces dernières années sur le sujet, M. Poirier retient que la propulsion hybride diesel électrique est la plus appropriée pour réduire la dépendance au pétrole et l’empreinte environnementale de la flottille de pêche au homard.
« Les bateaux consomment beaucoup de carburant, ça fait que s’il y a moyen de les réduire, bien, ce sera notre plus-value. Et on sait que la technologie est avancée, mais on ne veut pas se compliquer la vie non plus. »
Cependant, il y a encore loin de la coupe aux lèvres en matière de bateaux de pêche de l’avenir, souligne le capitaine du Bay Catcher, de la Pointe-Basse. « Il y a encore beaucoup à faire et c’est coûteux, dit-il. Que tu ailles électrique ou que tu ailles hybride, tu vas tout le temps avoir de la complication. Si tu vas électrique, t’as pas assez d’heures; ça te prend un hybride pour être plus longtemps sur l’eau, mais tu manques de vitesse.
À mon avis, il y a juste le volet à voiles électriques, qui calcule le vent et qui va se diriger vers où il a besoin, qui a de l’allure. Mais c’est surtout fait pour la longue distance du point A au point B. La pêche au homard avec un bateau à voile ce serait compliqué un peu parce qu’on sait qu’à la pêche au homard tu peux faire cinq minutes du côté nord et cinq minutes au sud, puis cinq minutes au sud-ouest. Ça fait que je crois que les moteurs pour faire virer les voiles en viendraient à faire de la boucane! »
Ainsi, le projet de bateau de l’avenir du RPPCI vise à tester différentes technologies de propulsion à faible émission de carbone. « Pour que ce soit un bateau vert pour nos enfants et petits-enfants, pour essayer de sauver notre planète », fait valoir Charles Poirier.
Quant à Diane Lebouthillier, elle dit prendre acte de sa demande pour que des assouplissements soient apportés au programme de financement fédéral-provincial de sorte à favoriser la construction de bateau. « On m’a demandé de travailler pour que les critères soient un peu plus flexibles au niveau du Fonds des pêches. Donc, il y a des démarches que je fais dans ce sens-là auprès de ma collègue la ministre Bernadette Jordan. » La députée-ministre de la Gaspésie et des Îles-de-la-Madeleine qualifie d’ailleurs d’excellentes ses relations avec la nouvelle ministre responsable de Pêches et Océans Canada, qu’elle dit côtoyer régulièrement.
DÉVELOPPEMENT – page 31 – Volume 33,1 Février-Mars 2020